Discrimination d’une salariée handicapée : Maître Eric ROCHEBLAVE fait condamner une pharmacie à 74.000 €
Succès judiciaire pour Maître Eric ROCHEBLAVE, avocat en droit du travail à Montpellier : une pharmacie de l'Hérault a été condamnée à verser 74.000 € à sa préparatrice.
Le Conseil de Prud'hommes de Montpellier a reconnu :
- l'absence de mesures d'aménagement du poste, en violation des droits du travailleur handicapé,
- une discrimination fondée sur l'état de santé,
- une résiliation judiciaire équivalente à un licenciement nul.
Ce jugement exemplaire rappelle les obligations légales des employeurs en matière de handicap et les recours ouverts aux salariés.
Handicap au travail : l’absence de mesures adéquates est sanctionnée
Le Conseil de Prud'hommes de Montpellier, dans sa formation de départage, a condamné une pharmacie de l'Hérault pour ne pas avoir pris les mesures adéquates en application de l'article L. 5213-6 du code du travail pour permettre à une salariée travailleur handicapé de conserver son emploi.
Le saviez-vous ?
Un employeur qui ne justifie pas de l'aménagement du poste d'un salarié handicapé viole le Code du travail… et risque une condamnation. C'est ce qu'a jugé le Conseil de Prud'hommes de Montpellier, dans une affaire mettant en lumière les obligations concrètes liées à l'article L. 5213-6 du Code du travail.
Résumé en 3 points clés
- L'obligation d'aménagement est impérative : l'employeur doit prouver que des mesures concrètes ont été prises.
- Une absence de formalisme est fautive : sans avenant, consigne écrite ou adaptation visible, l'entreprise est en tort.
- Le manquement ouvre droit à réparation, même sans licenciement : la salariée a obtenu 2 000 € de dommages et intérêts.
Qu’impose l’article L. 5213-6 du Code du travail ?
Aux termes de l'article L. 5213-6 du Code du travail,
« Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.
L'employeur s'assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s'assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail.
En cas de changement d'employeur, la conservation des équipements contribuant à l'adaptation du poste de travail des travailleurs handicapés, lorsqu'il comporte les mêmes caractéristiques dans la nouvelle entreprise, peut être prévue par convention entre les deux entreprises concernées. Cette convention peut également être conclue entre une entreprise privée et un employeur public au sens de l'article L. 131-8 du code général de la fonction publique.
Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur.
Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3. »
Cet article vise à garantir l'égalité de traitement des travailleurs handicapés. Il impose à l'employeur de prendre des « mesures appropriées » :
- Pour permettre l'accès à l'emploi ;
- Pour le conserver ;
- Pour exercer son activité dans des conditions adaptées ;
- Ou encore pour bénéficier d'une formation ou d'un poste aménagé en télétravail.
Ces mesures doivent être :
- Adaptées à la situation concrète du salarié ;
- Formalisées ;
- Et ne pas entraîner une charge disproportionnée.
Le non-respect de cette obligation peut constituer une discrimination prohibée (article L. 1133-3 du Code du travail).
Ce qu’a jugé le Conseil de Prud’hommes de Montpellier
Le Conseil de Prud'hommes de Montpellier a jugé dans sa formation de départage [1] :
« Il est constant que la charge de la preuve des mesures appropriées permettant au salarié handicapé de conserver son emploi pèse sur l'employeur.
En l'espèce, Mme A. précise avoir transmis à son employeur la notification de la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé et il n'est pas contesté que le 30 juin 2020, le médecin du travail l'a déclaré apte avec les réserves suivantes : « temps partiel thérapeutique de l'ordre à raison de 17-18h/semaine Pas de port de charge lourde ». Elle produit plusieurs attestations selon lesquelles elle aurait été obligée de réaliser des tâches dans la réserve et de porter des cartons de médicaments, sans avoir pu réintégrer son poste au guichet lui permettant de servir les ordonnances et vendre les produits de parapharmacie après son arrêt de travail à partir du 30 juin 2020, et produit les pièces médicales faisant suite à son accident du travail, et reconnu comme tel, le 28 août 2020.
La société critique les attestations produites par la demanderesse en ce qu'elles ne seraient pas objectives et précises au regard, d'une part, de la crédibilité des témoins, et d'autre part, de l'absence de mesures du poids des cartons décrits comme étant « lourds ». Elle produit à son tour des attestations de plusieurs clients, d'une infirmière, d'une pharmacienne et d'un docteur selon lesquels il ressort que Mme A ne portait pas de charges lourdes et que M. H. lui aurait dit de ne pas faire d'effort et de ne pas porter de cartons lourds. Elle verse aussi aux débats des bons de livraison des colis mentionnant le poids de chaque colis, ceux-ci se situant entre 2 et 6 kg, ce qui est corroboré par l'attestation d'un fournisseur indiquant que chaque carton pèse de 3,5 à 8 kg. outre un des photographies de bacs de transport. Elle verse aussi aux débats des attestations de témoins indiquant que Mme A faisait mine d'être contrainte de s'occuper de la réserve et de ne plus avoir la possibilité de servir les patients au guichet.
Après examen de l'ensemble des pièces ainsi produites. il ne ressort pas des pièces produites par la société que celle-ci démontre avoir adapté le poste de Mme A postérieurement à l'avis du médecin du travail le 30 juin 2020 en la cantonnant officiellement au guichet et en lui retirant toutes les tâches susceptibles de l' amener à porter des cartons dans la réserve. En effet, dans la mesure où le médecin du travail n'a pas précisé le poids d'une charge qu' il estimait être lourde au regard de l'état de santé de Mme A., l'employeur ne saurait lui-même fixer une mesure en-deçà de laquelle le port d'un carton était selon lui acceptable. Au demeurant, le fait que plusieurs personnes attestent du fait que M. H. aurait publiquement indiqué à Mme A de ne pas porter des cartons ne permettent pas de garantir que le poste de travail de cette dernière était effectivement aménagé, en l'absence d'avenant à son contrat de travail définissant précisément ses nouvelles missions quand bien même le mi-temps thérapeutique n'est pas contesté.
Par conséquent. la Pharmacie de la F ne démontre pas avoir pris les mesures adéquates en application de l'article L. 5213-6 du code du travail pour permettre à Mme A. travailleur handicapé, de conserver son emploi. Tenant son accident du travail survenu le 28 août 2020 et la courte période durant laquelle son poste n'a pas été aménagé entre le 30 juin 2020 et le 28 août 2020 et dans la mesure où les dommages-intérêts alloués sur ce fondement n'ont pas vocation à compenser la perte d'emploi il y a lieu d'allouer à Mme A sur ce fondement une somme de 2.000 euros cl de condamner la Pharmacie de la F à ce titre. »
Les enseignements de cette décision
✅ Ce qu'il faut faire :
- Consulter le médecin du travail et lui demander une précision sur les limitations fonctionnelles ;
- Formaliser un avenant au contrat ou une nouvelle fiche de poste ;
- Conserver des preuves de toutes les démarches entreprises (e-mails, échanges, attestations, devis, financements…) ;
- Échanger régulièrement avec le salarié sur la mise en œuvre des aménagements.
❌ Ce qu'il ne faut pas faire :
- Laisser le salarié sans consignes claires ;
- Appliquer des aménagements oraux sans trace écrite ;
- Interpréter seul les limitations médicales ;
- S'abriter derrière des éléments subjectifs ou des attestations indirectes.
📚 Rappel juridique : quelles sont les conséquences du manquement ?
- Il constitue une faute de l'employeur ;
- Il peut être indemnisé, même en l'absence de licenciement ou de perte d'emploi ;
- Il peut, dans d'autres cas, fonder une prise d'acte ou une demande de résiliation judiciaire ;
- Il est autonome et peut être invoqué même si le salarié est toujours en poste.
Discrimination liée à l’état de santé : l’employeur condamné pour défaut d’aménagement de poste
Le Conseil de Prud'hommes de Montpellier, dans sa formation de départage, a condamné une pharmacie de l'Hérault pour avoir affecté une salariée reconnue travailleur handicapé à des tâches non conformes aux préconisations du médecin du travail.
L’essentiel à retenir
- L'état de santé est une cause légalement protégée : toute mesure défavorable doit être justifiée par des éléments objectifs.
- L'absence d'aménagement formel du poste constitue un manquement grave à l'obligation de l'employeur.
- Le Conseil de Prud'hommes a condamné l'employeur à verser 10 000 € à la salariée pour discrimination fondée sur son état de santé.
Que dit le Code du travail en cas de discrimination liée à la santé ?
Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière d'affectation ou de mutation, en raison de son état de santé.
En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, il revient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge fonde sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Ce qu’a jugé le Conseil de Prud’hommes de Montpellier
Le Conseil de Prud'hommes de Montpellier a jugé dans sa formation de départage [1] :
« En l'espèce, Mme A. produit sept attestations de salariés, faisant état du fait que la demanderesse n'a pas retrouvé les fonctions qu'elle exerçait avant son arrêt maladie à savoir servir les ordonnances et vendre les produits de la parapharmacie, qu'elle faisait au contraire du rangement en devant porter des charges dans la réserve et que, selon les attestants elle était en cela discriminée et « mise au placard. Elle verse aussi aux débats le compte-rendu d'entretien préalable signé par M. T., conseiller de la salariée, duquel il ressort que M. H. a admis le fait qu'il lui ait demandé de « faire plus de rangement que d'habitude », tout en précisant que « cela fait partie d'ailleurs de l'activité d'une préparatrice en pharmacie ». Enfin. Elle produit une attestation d'une personne ayant assisté à l'accident de travail de Mme A. indiquant que, ce jour-là, lorsqu'elle s'est allongée au sol, aucun collègue de travail à l'exception de la femme de ménage, ne s'est occupé d'elle.
La concordance des attestations circonstanciées permet de considérer que les faits énoncés sont établis et que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination.
Il y a donc lieu d'examiner les pièces et moyens produits par l'employeur afin de vérifier si sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La société réfute la placardisation invoquée par la demanderesse faisant valoir que plusieurs témoins ont révélé qu'elle « faisait exprès de ne pas servir les patients pour qu'ils croient qu'elle n'en avait plus le droit ». A ce titre, elle verse aux débats huit attestations. Elle prétend qu'elle aurait depuis octobre 2019, adopté un comportement intolérable en dénigrant et insultant ses anciens patrons el collègues, tout spécifiquement Mme M. qu'elle aurait insultée allant jusqu'à lui souhaiter qu'elle ait un enfant handicapé cette dernière ayant concomitamment reçu un colis satanique qu'elle imputait à la demanderesse sans toutefois en rapporter la preuve. L'employeur soutient que Mme A aurait « préparé son coup » en préparant son dossier cl la future procédure devant le conseil de prudhommes et en manipulant son environnement. La société prétend aussi que Mme A. aurait « orchestré » son accident du travail, alors que personne ne l'a vu effectivement chuter et qu'elle n'avait pas reçu d'instruction pour descendre des cartons dans la réserve.
Toutefois, le fait que l'employeur ait pu, au cas par cas, devant certains clients, demander à Mme A de ne pas soulever de cartons, ne permet pas de rapporter la preuve de l'adaptation du poste de cette dernière tenant compte de l'avis du médecin du travail, au moyen d'un document contractuel permettant d'assurer la pérennité de telles mesures.
Or force est de constater que la société n'apporte aucun élément pour justifier de façon objective la raison pour laquelle aucun avenant n'a été proposé à Mme A. à l'issue de la visite
de reprise du 30 juin 2020 alors que le médecin du travail préconisait un temps partiel thérapeutique de 17-18h par semaine avec des fonctions lui permettant de ne pas porter des charges lourdes. Si la reprise en mi-temps thérapeutique n'est pas contestée, il n'est toutefois pas établi que l'employeur a positionné la salariée sur un poste conforme à ces préconisations, notamment en produisant une fiche de poste adapté, pouvant démontrer que Mme A n'était pas contractuellement tenue de porter des cartons, y compris dans le cadre de tâches annexes, et ce quel que soit le poids dans la mesure où le médecin du travail n'a pas estimé nécessaire de préciser un poids minimal. De même, l'employeur ne justifie pas de l'impossibilité d'affecter Mme A sur un poste lui permettant d'exercer exclusivement des fonctions au guichet de la pharmacie et parapharmacie, alors que la question du conflit entre collègue est indépendante et sans rapport avec l'absence de prise en compte de l'avis du médecin du travail concernant les tâches devant être dévolues à la salariée et que les incidents relatifs à l'ambiance délétère que l'employeur a imputé à Mme A ont par ailleurs donné lieu à une sanction disciplinaire qui n'est pas contestée par la demanderesse.
Par conséquent, faute de démontrer l'existence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination quant à l'absence d'adaptation du poste de Mme A à son retour d'arrêt maladie, à l'issue de la visite de reprise, tenant compte des préconisations du médecin du travail et alors qu'elle a dû sans explication objective, réaliser des tâches de rangement dans la réserve, nécessairement moins valorisantes que les fonctions au comptoir qu'elle occupait avant son arrêt, et alors qu'elle avait informé l'employeur de sa qualité de travailleur handicapé, il y a lieu de considérer que Mme A a fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé.
Au vu des pièces produites et du préjudice dont justifie Mme A, il y a lieu de condamner à ce titre la Pharmacie de la F à lui verser la somme de 10.000 euros. »
Les enseignements de cette décision
✅ Ce qu'il faut impérativement faire :
- Consulter le médecin du travail et obtenir des préconisations précises,
- Mettre en œuvre un aménagement formalisé (avenant, fiche de poste, consignes écrites),
- Suivre et tracer toutes les étapes d'adaptation du poste,
- Éviter toute dévalorisation fonctionnelle injustifiée du salarié.
❌Ce qu'il faut éviter :
- Agir sans preuve écrite,
- Interpréter seul les restrictions médicales,
- Se retrancher derrière des accusations personnelles,
- Ignorer la RQTH ou la visite de reprise du médecin du travail.
Résiliation judiciaire ou licenciement ? Quand la rupture devient un licenciement nul pour discrimination
Le Conseil de Prud'hommes de Montpellier, dans sa formation de départage, a condamné une pharmacie de l'Hérault pour discrimination liée à l'état de santé d'une salariée. La résiliation judiciaire est requalifiée en licenciement nul, avec une indemnisation de 27 500 €.
L’essentiel à retenir
- Un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat en cours d'exécution lorsqu'il estime que son employeur manque gravement à ses obligations.
- Si cette demande est fondée sur une discrimination liée à la santé, elle peut aboutir à un licenciement nul, avec indemnisation renforcée.
- L'employeur doit formellement aménager le poste de travail au retour d'un arrêt maladie, surtout en présence d'un statut de travailleur handicapé.
Que dit le Code du travail en cas de résiliation judiciaire, licenciement nul ?
En cas de résiliation judiciaire en cours suivie d'un licenciement le juge examine en premier lieu la demande de résiliation judiciaire puis si elle est infondée, en second lieu la validité du licenciement prononcé.
Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment grave de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Si elle est prononcée, la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.
Il est admis que les manquements anciens peuvent faire ressortir qu'ils n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail et qu'ils ne peuvent dès lors constituer des manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Si les parties ont cessé leur collaboration au moment où la résiliation judiciaire est prononcée, il y a lieu de faire remonter les effets de la résiliation judiciaire à la date où la collaboration a cessé.
En application de l'article L. 1226-14 du Code du travail,
« La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9. »
En application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail,
« L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. », étant précisé que les nullités mentionnées sont notamment celles afférentes à des faits de harcèlement moral.
Ce qu’a jugé le Conseil de Prud’hommes de Montpellier
Le Conseil de Prud'hommes de Montpellier a jugé dans sa formation de départage [1] :
« Il y a lieu de rappeler les dispositions des articles L. 1134-1 et L. 5213- 6 précités du code du travail, en application desquels il a été précédemment relevé que les éléments produits laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'étal de santé de la salariée, et que l'employeur n'apporte en réponse aucun élément objectif étranger à toute discrimination pour justifier sa décision quant aux tâches confiées à Mme A.
En l'espèce, et selon analyse des pièces produites de part et d'autre précédemment effectuée dans les conditions prévues par les dispositions précitées au vu de l'absence de prise en compte du statut de travailleur handicapé de la salariée el de la discrimination subie à son retour d'arrêt de travail, il y a lieu de dire que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul.
(…)
Il est constant qu'il appartient au juge d'évaluer souverainement le préjudice subi par le salarié du fait de son licenciement frappé de nullité.
En l'espèce, au vu de l'ensemble des pièces produites, de l'ancienneté (20 ans), de l'âge du salarié lors du licenciement de son niveau de rémunération, des circonstances du licenciement et des déclarations à l'audience, il y a lieu d'accorder Mme A la somme de 27.500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
En l'espèce, l'accident du 28 août 2020 a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnels et la commission de recours amiable a rejeté le recours formé par la société à l'encontre de cette décision. Il est aussi relevé à l'audience que la Pharmacie de la F n'a pas effectué de recours à l'encontre de cette deuxième décision devant le pôle social.
La salariée n'a pas repris ses fonctions jusqu'à l'avis d'inaptitude du 2 juin 2022.
Dès lors, l'inaptitude de la salariée a, au moins partiellement, pour origine un accident du travail et l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle.
Par conséquent, le régime spécifique en cas d'accident de travail est applicable, de sorte que l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail devait être versée à Mme A.
L'article L. 5213-9 du code du travail prévoit le doublement de la durée du préavis pour les travailleurs handicapés, sans toutefois porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis, et prévoyant que par défaut, il convient de considérer que les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.
En l'espèce, il apparaît que Mme A. justifie de sa qualité de travailleur handicapé jusqu'au 31 décembre 2020 selon la lettre de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées datée du 21 avril 2016 et qu'elle n'en justifie pas pour la période ultérieure, alors qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire le 9 août 2021.
Par conséquent, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 52 13-9 du code du travail.
Dès lors, tenant les dispositions de son contrat de travail renvoyant aux dispositions légales et conventionnelles, et tenant le statut non-cadre de la demanderesse et le fait que le salaire de référence de 2.528,56 euros bruts n'est pas contesté par la société défenderesse.
il y a lieu de condamner la Pharmacie de la F à lui verser la somme de 2.528,56 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 1226- 14 du code du travail outre 252,85 euros bruts au titre des congés payés afférents »
(…)
En l'espèce, il a précédemment été relevé que l'inaptitude de la salariée a, au moins partiellement, pour origine un accident du travail de l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle, et que, dès lors, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail sont applicables.
Dès lors, et tenant les dispositions précitées, et compte tenu du calcul produit par Mme A non contesté par la société défenderesse, il y a lieu de condamner la Pharmacie de la F à lui verser la somme de 29.533,58 euros à ce titre. »
Conseils pratiques aux employeurs
- Ne licenciez jamais un salarié en arrêt ou revenant d'arrêt sans avoir consulté le médecin du travail.
- Si un aménagement de poste est prescrit, formalisez-le (avenant, fiche de poste, courrier).
- Documentez chaque décision RH : affectation, reclassement, incompatibilités.
- En cas de conflit ou de procédure, ne précipitez pas la rupture du contrat.
Autres condamnations
Le Conseil de Prud'hommes de Montpellier, dans sa formation de départage, a par ailleurs condamné la Pharmacie à un rappel de salaire de 533,74 €, 53,17 € de congés payés afférents, 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC
FAQ - Vos questions fréquentes
L'employeur peut-il estimer lui-même ce qu'est une charge « lourde » ?
Non. Seul le médecin du travail est habilité à fixer les limitations liées à l'état de santé. L'interprétation unilatérale par l'employeur est inopérante.
Faut-il un avenant au contrat en cas de mi-temps thérapeutique ?
Oui. C'est la meilleure preuve de l'adaptation du poste. Il peut également être utile de modifier la fiche de poste ou de rédiger une note interne.
L'aménagement doit-il être écrit ?
Impérativement. Toute adaptation informelle, verbale ou tacite est juridiquement insuffisante.
Le manquement suffit-il à fonder une condamnation ?
Oui. Comme en l'espèce, l'absence d'aménagement concret et formalisé peut suffire à justifier une indemnisation.
Le salarié doit-il prouver qu'il a été discriminé ?
Non. Il doit seulement présenter des faits laissant supposer une discrimination. Ensuite, c'est à l'employeur de se justifier.
Est-il obligatoire de formaliser un mi-temps thérapeutique ?
Oui. Un avenant ou une fiche de poste adaptée sont fortement recommandés pour éviter tout contentieux.
Peut-on changer les tâches d'un salarié sans son accord ?
Pas lorsque ce changement est lié à son état de santé. Ce serait assimilé à une mesure discriminatoire, sauf justification solide et documentée.
Peut-on obtenir la nullité d'un licenciement sans être licencié ?
Oui, si la résiliation judiciaire est prononcée pour une cause de nullité (discrimination, harcèlement…), elle produit les effets d'un licenciement nul.
Peut-on cumuler la résiliation judiciaire et une action pour discrimination ?
Oui. La discrimination peut être le fondement même de la résiliation judiciaire, ce qui permet d'obtenir une indemnisation renforcée.
Le barème Macron s'applique-t-il en cas de licenciement nul ?
Non. En cas de nullité, le barème ne s'applique pas. Le juge fixe l'indemnité librement, avec un minimum de 6 mois de salaire.
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[1] Conseil de prud'hommes de Montpellier, 30 juin 2025 n° 21/00943
Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D'UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/
Lauréat de l'Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier
Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier
DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d'Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d'Informatique Juridique
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