Harcèlement moral, licenciement nul et vexatoire…
La Société Générale condamnée par la Cour d’appel de Montpellier

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Nouveau succès judiciaire de Maître Eric ROCHEBLAVE, Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale au Barreau de Montpellier à faire juger la Société Générale auteure de harcèlement moral, non prévention du harcèlement moral, licenciement nul et vexatoire, non tenue du document unique pour l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, non-respect de l’obligation de sécurité, exécution déloyale du contrat de travail, remboursement à Pôle emploi les indemnités de chômage payées….

Dans son arrêt du 12 janvier 2022 (N° RG 18/00269), la Cour d’appel de Montpellier a « confirmé le jugement du 11 février 2020 du Conseil de Prud’hommes de Montpellier en ce qu’il a dit que Monsieur G. avait été victime de harcèlement moral, que la Société Générale n’avait pas respecté son obligation de sécurité, que le licenciement devait s’analyser en un licenciement nul »

Y ajoutant, la Cour d’appel de Montpellier a condamné la Société Générale pour « harcèlement moral », « manquement à l’obligation de prévention du harcèlement moral », « licenciement nul » et « vexatoire », « non tenue du document unique pour l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs ».

A lire :
La Société Générale condamnée pour harcèlement moral
Conseil de Prud’hommes de Montpellier, jugement de départage du 11 février 2020 RG N° F 15/01604

Condamnation de la Société Générale pour harcèlement moral

Comme l’a rappelé la Cour d’appel de Montpellier :

« L’article L1152-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article 1154-1 du code du travail en ses dispositions alors applicables prévoit que dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement »

En l’espèce, la Cour d’appel de Montpellier a jugé que « le reproche fait au salarié dans le courriel du 14 janvier 2014 relatif à l’incident avec l’élue du comité d’établissement, les mesures de supervision des enquêtes et évaluations mises en œuvre spécifiquement par la supérieure à l’égard de M. G., la réduction de la part variable et l’absence d’explications données au salarié sur ce point malgré sa demande, la dispense d’activité à l’occasion de l’engagement de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, le blocage des habilitations informatiques du 12 mars 2016, le défaut de réponse à la demande du 6 octobre 2016 de communication de la déclaration d’accident du travail et du document unique d’évaluation des risques professionnels malgré la demande de l’inspectrice du travail du 18 mars 2016, pris dans leur ensemble avec les différents éléments médicaux produits qui laissent penser que les troubles psychiques constatés sont en lien au moins partiellement avec les conditions de travail, constituent des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. »

Pour la Cour d’appel de Montpellier,

  • la Société Générale  « ne justifie pas des éléments qui ont justifié le reproche fait à M. G.à propos de l’incident avec l’élue du comité d’établissement : il n’établit pas notamment avoir procédé à une réelle enquête pour savoir ce qui s’était réellement dit lors de la réunion, avant d’écrire à M. G. : « que ceci ne se reproduise plus à l’avenir ».
  • la Société Générale  «  n’apporte pas d’éléments sur les raisons ayant abouti à la mise en place d’une mesure spécifique de supervision des enquêtes et évaluations de M. G. »
  • « S’il n’est pas contesté par le salarié que la réduction de la part variable, reconnue par l’employeur, relevait du pouvoir de direction de celui-ci et de son appréciation discrétionnaire, il n’en reste pas moins, que dans le cadre des règles spéciales d’administration de la preuve en matière de harcèlement moral, alors que ce fait participe avec d’autres d’une présomption de l’existence d’un harcèlement, l’employeur doit justifier des raisons de cette diminution. Il a refusé de le faire ainsi qu’en atteste sa pièce 20 et ne le fait pas davantage dans le cadre de l’instance judiciaire. Le fait, non contesté par M. G., que cette part variable avait baissé de 100 € en 2014 et était restée stable en 2015, ne justifie pas de la baisse intervenue en 2014. N’explique pas davantage les raisons de cette baisse la réaction agressive imputée à M. G. à l’annonce de cette diminution. »
  • la Société Générale « ne s’explique pas davantage sur les raisons qui l’ont amené à proposer à M. G. une dispense d’activité au moment de l’engagement de la procédure de licenciement, proposition tout à fait inhabituelle dans un tel cadre et s’analysant comme le souhait d’écarter le collaborateur de son lieu de travail. Aucun élément n’est produit établissant l’origine du blocage des habilitations informatiques du 12 mars 2016, ni sur le défaut de réponse à la sollicitation de documents du 6 octobre 2016. »

Suites, la Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « il en résulte que » la Société Générale « ne prouvant pas que ses agissements qui permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement, n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, il [devait] être retenu en application des dispositions spécifiques susvisées du code du travail, l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre de M. G. »

 « Eu égard aux agissements retenus, à leur nombre, à leur durée et à leur répercussion sur l’état de santé » du salarié « et sur ses conditions de travail », la Cour d’appel de Montpellier lui a alloué « une indemnité de 7.000 € en réparation du préjudice subi »

 

Condamnation de la Société Générale pour manquement à son obligation de prévention du harcèlement moral

Après avoir rappelé que « l’article L1152-4 du code du travail prévoit : « l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. », la Cour d’appel de Montpellier a jugé que la Société Générale « ne justifie pas avoir donné suite à la demande de l’inspectrice du travail du 18 mars 2016 par laquelle celle-ci demandait la transmission de la déclaration d’accident du travail pour les faits du 15 mars 2016, de convoquer un CHSCT exceptionnel conformément à l’article L4614-10 du code du travail et de lui envoyer la convocation avec l’ordre du jour, de mettre à jour le « document unique » prévu à l’article R4121-1 du code du travail.

Ainsi, l’employeur ne justifie avoir mis en œuvre l’ensemble des mesures propres à prévenir tous nouveaux agissements de ce type à l’égard de M. G.

Ce manquement à l’obligation de prévention de nature à exposer M. G. à de nouveaux agissements, sera indemnisé par l’allocation d’une somme de 500 €. »

  

Condamnation de la Société Générale pour non tenue des documents relatifs à l’évaluation des risques psychosociaux

Pour la Cour d’appel de Montpellier, la Société Générale « ne s’explique pas sur l’existence du document unique qu’il est tenu de mettre en œuvre en application des articles R4121-1 du code du travail pour l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs en application de l’article L4121-3 du même code, ni de son annexe prévue à l’article R4121-1-1 de ce code, ni la mise à jour du document unique prévue à l’article R4121-2 du même code. Il ne justifie pas davantage de la mise à disposition du document unique dans les conditions prévues à l’article R4121-4 du code du travail. Dans la mesure où la tenue et la mise à disposition étaient de nature à prendre en compte d’éventuelles possibilités de situations de harcèlement moral, il convient d’allouer à M. G. une indemnité de 200 €. »

  

Reconnaissance du manquement de la Société Générale à son obligation de sécurité

Pour la Cour d’appel de Montpellier, « alors qu’il est établi que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité résultant des dispositions des articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail, du fait de l’absence de mise en œuvre du « document unique » susvisé et des manquements à l’obligation de prévention susvisée, M. G. ne justifie pas au titre du manquement à l’obligation de sécurité, d’un préjudice distinct de ceux déjà pris en compte au titre des deux manquements précédemment retenus. »

  

Reconnaissance de l’exécution déloyale par la Société Générale du contrat de travail

Après avoir rappelé qu’ « ainsi qu’il est dit à l’article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Un manquement de l’une ou l’autre des parties à cette obligation d’exécution de bonne foi est de nature à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail. La bonne foi se présumant, c’est à celui qui invoque une exécution déloyale d’établir le manquement de l’autre partie à l’exécution de bonne foi du contrat de travail. », la Cour d’appel de Montpellier a jugé que « l’absence de suite donnée à la demande de l’inspectrice du travail, la coupure des habilitations informatiques du 14 mars 2016, la dispense de présence lors de l’engagement de la procédure de licenciement, la baisse de la part variable et l’absence d’explications malgré la demande du salarié, relèvent d’une exécution déloyale du contrat de travail. Toutefois, ces faits, comme les autres éléments invoqués de manière réitérée par M. G. à l’appui de plusieurs de ses prétentions, ayant été d’ores et déjà pris en compte notamment au titre du préjudice résultant du harcèlement moral , il doit être constaté que M. G.ne justifie pas d’un préjudice distinct en lien de causalité avec une exécution déloyale du contrat de travail, de sorte qu’il doit être débouté de sa demande d’indemnité à ce titre. »

Condamnation de la Société Générale pour licenciement nul

La Cour d’appel de Montpellier a rappelé que « le licenciement motivé par l’insuffisance professionnelle ne saurait être déclaré nul au seul motif du constat d’un harcèlement moral, sans qu’il soit recherché s’il existe un lien de causalité entre le harcèlement moral et l’insuffisance professionnelle ou si ainsi que l’envisage l’article L1152-3 du code du travail, le licenciement serait intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L1152-1 et L1152-2 de ce code.

L’insuffisance professionnelle, qui consiste en l’inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante, peut constituer une cause légitime de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments concrets et non sur une appréciation purement subjective de l’employeur. L’insuffisance professionnelle découle de l’incapacité du salarié à tenir correctement son poste de travail, et non de sa mauvaise volonté. Elle se définit comme l’incapacité du salarié à accomplir les tâches qui lui sont confiées en raison d’un manque de compétences. Elle résulte, en principe, d’un comportement involontaire de l’intéressé et ne revêt pas un caractère fautif.

Par contre, l’employeur ne peut pas motiver le licenciement sur l’insuffisance professionnelle si le salarié décide, délibérément, de ne pas respecter les consignes données. Ainsi, l’employeur doit fonder le licenciement sur la faute si les faits reprochés à ce dernier caractérisent une insubordination. Il importe peu que celle-ci aboutisse au même résultat qu’une insuffisance professionnelle, à savoir l’inexécution par le salarié des tâches confiées. »

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « en l’espèce, c’est à juste titre que le salarié invoque le caractère disciplinaire du licenciement. En effet, les termes de la lettre de licenciement permettent de retenir que l’employeur reproche au salarié à titre principal, un comportement fautif.

Ainsi, l’employeur y écrit : « Nous avons en effet eu à constater …que votre travail manquait de rigueur et surtout que vous ne preniez nullement en compte les différentes observations qui vous sont formulées »

Il caractérise notamment l’insuffisance par des « jugements de valeur portés sur les salariés sans lien avec votre rôle », un « esclandre déclenchée avec des élus », des « rendez-vous tenus dans des cafés », le « nom de salarié en difficulté révélé à des tiers », un « refus de rendre compte de (son) activité » à l’assistante sociale régionale, un refus de « prendre en compte ses observations », des « provocations », des « consignes non appliquées malgré plusieurs rappels », des « cours dispensés à l’IRTS sur (son) temps de travail »

Il poursuit en écrivant : « vous n’avez jamais pris en compte ces différentes observations, rejetant toute ingérence dans votre travail », et « vous avez manifestement décidé de ne pas prendre en compte les remarques et de ne pas tenter d’améliorer la qualité de votre prestation de travail »

S’il en était besoin, le salarié ne manque pas de relever dans les conclusions de l’employeur du 21 septembre 2020 les phrases suivantes : « la lettre de licenciement expose les nombreuses carences et fautes professionnelles de Monsieur G. », et « ces carences constituent des fautes professionnelles ».

Alors que l’article L1332-2 du code du travail prévoit que la sanction ne peut intervenir plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable, que cet entretien était fixé au 1er décembre 2016, que le licenciement n’a été notifié que par lettre du 13 janvier 2017, cette notification intervenue plus d’un mois après la date prévue pour l’entretien préalable suffirait à rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, il doit être considéré que cette procédure de licenciement disciplinaire engagée sous couvert d’une insuffisance professionnelle a été mise en œuvre initialement le 10 mars 2016, après que le salarié ait saisi la juridiction prud’homale le 5 novembre 2015 aux fins de voir reconnaître l’existence d’un harcèlement moral.

Il apparait également que l’ensemble des griefs formulés dans la lettre de licenciement à l’encontre du salarié étaient connus de l’employeur avant que celui-ci ne saisisse le conseil de prud’hommes, l’employeur s’appuyant sur des pièces remontant à la période 2014-2015.

Il en résulte qu’il est établi que l’employeur a décidé de procéder à un licenciement disciplinaire déguisé pour des faits connus de lui de longue date, en conséquence de la dénonciation et du témoignage par M. G. dans le cadre de l’engagement de son action, d’agissements de harcèlement moral.

En application des dispositions des articles L1152-2 et L1152-3 du code du travail, le licenciement doit donc être déclaré nul.

M. G. né en 1960, avait une ancienneté de plus de huit ans. Son salaire mensuel brut était de 2.949,83 €. Il justifie d’une baisse sensible de ses revenus déclarés aux services fiscaux passant de plus de 29.000 € en 2016-2017 à 17.662 € en 2018, puis à 8.840 € en 2019, montants qui ainsi qu’il sera dit ci-après, ne correspondent pas aux bulletins de salaire produits. Il justifie d’un rejet d’une candidature à un poste d’assistant social en février 2018. Il indique avoir été pris en charge par Pôle-emploi à compter d’octobre 2017 sans toutefois en justifier. Suivant le jugement de 2020, il a déclaré à l’audience du conseil de prud’hommes s’occuper de soins palliatifs à domicile en libéral après une année chez P. en tant que médiateur familial. Au vu de ces éléments et des documents médicaux produits montrant la persistance de troubles d’ordre psychique, il convient de lui allouer une indemnité de 30.000 € pour licenciement nul. »

 

Condamnation de la Société Générale pour licenciement vexatoire

La Cour d’appel de Montpellier a jugé que « c’est à juste titre que M. G. invoque le caractère vexatoire du licenciement, s’agissant d’un licenciement prétendument pour faute professionnelle cachant un licenciement en réalité disciplinaire, lequel venait en conséquence d’une action judiciaire engagée en vue de la reconnaissance d’un harcèlement moral. Il convient d’allouer à M. G. une indemnité de 1.000 € en réparation du préjudice moral résultant du caractère vexatoire de ce licenciement. »

  

Condamnation de la Société Générale à rembourser à pôle-emploi les indemnités de chômage payées au salarié

La Cour d’appel de Montpellier a jugé que « vu l’article L1235-4 du code du travail en ses dispositions applicables à la date de la rupture, l’employeur devra remboursement à Pôle-emploi des indemnités de chômage payées à M. G. dans la limite de six mois d’indemnités, soit la somme de 7.048,80 € »

  

Condamnation de la Société Générale sur le fondement de l’article 700 du CPC et aux dépens

La Cour d’appel de Montpellier a jugé qu’ « il apparait équitable d’allouer à M. G. une indemnité de 2.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel. »

La Cour d’appel de Montpellier a « condamné la SA Société Générale aux dépens de l’instance »

 

Cour d’appel de Montpellier, 12 janvier 2022 N° RG 18/00269

 

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