Notification d'indu CPAM : quand une erreur de motivation peut tout annuler !
Recevoir une notification d'indu de la CPAM est souvent vécu comme un coup de massue par les professionnels de santé.
Des montants parfois considérables sont réclamés, avec la menace d'un recouvrement rapide. Beaucoup pensent qu'il n'y a plus rien à faire…
Pourtant, la moindre erreur de motivation peut suffire à faire tomber toute la procédure.
La loi impose en effet à la CPAM de respecter des règles strictes : expliquer clairement la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, préciser les dates des versements indus et informer le professionnel de ses droits de recours.
Faute de quoi, la notification d'indu est irrégulière, et les juridictions n'hésitent pas à en prononcer l'annulation.
Ce n'est donc pas seulement une question de forme : c'est une garantie essentielle des droits de la défense.
Pour un professionnel de santé, savoir identifier ces vices de motivation peut faire la différence entre une dette lourde et une victoire judiciaire.
La notification d'indu doit permettre au professionnel de santé de connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que les dates des versements donnant lieu à répétition conformément aux dispositions de l'article R.133-9-1 du Code de la sécurité sociale qui prévoient que :
« I.-La notification de payer prévue à l'article L. 133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel, à l'établissement ou au distributeur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.
Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.
A défaut de paiement à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme de sécurité sociale compétent lui adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 133-4 par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.
Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l'existence du nouveau délai d'un mois imparti, à compter de sa réception, pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l'existence et le montant de la majoration de 10 % appliquée en l'absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours.
II.-La majoration de 10 % peut faire l'objet d'une remise par le directeur de l'organisme de sécurité sociale à la demande du débiteur en cas de bonne foi de celui-ci ou si son montant est inférieur à un des seuils, différents selon qu'il s'agit d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé ou d'un distributeur, fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
III.-Les dispositions des articles R. 133-3, R. 133-5 à R. 133-7 sont applicables à la contrainte instituée par l'article L. 133-4. »
La CPAM doit rapporter la preuve de l’envoi et de la réception de la notification d’indu
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence a jugé[1] :
« la caisse produit un simple duplicata d'un courrier notant pour objet la notification d'un indu et faisant mention de son envoi par lettre recommandée avec accusé de réception, daté du 4 août 2016, et portant la mention de son destinataire, Mme [D] au [Adresse 2].
Il n'est justifié d'aucun envoi en recommandé, ni a fortiori d'aucun élément permettant de rapporter la preuve de la réception d'un tel courrier par sa destinataire.
Il en résulte que la procédure de recouvrement de l'indu est irrégulière en l'état du non-respect de la prescription impérative ci-dessus rappelée, qui a pour objet d'informer le professionnel de manière détaillée des montants réclamés ainsi que de leur cause, des voies de recours dont il dispose, et de la faculté qui lui est offerte de faire part de ses observations ou contestations. »
La lettre d’indu de la CPAM doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, ainsi que la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement
La Cour d'appel de Riom constate que[2]
« la lettre du 30 janvier 2020 portant notification de l'indu, produite en copie par la CPAM en pièce n°2, mentionne la période sur laquelle le contrôle administratif a été opéré, le montant de l'indu total réclamé, soit 6.161,58 euros, et la nature des anomalies constatées. Il est par ailleurs inséré la mention suivante : « Vous trouverez en annexe le récapitulatif des constats effectués. Le tableau détaillé par assuré vous sera adressé par messagerie sécurisée. Le mail envoyé à l'adresse suivante : [Courriel 6] comporte un lien à partir duquel vous pouvez télécharger le fichier. Attention, ce lien est actif seulement 5 jours. Après ce délai, nous devrons vous l'adresser à nouveau. » Enfin, le courrier comporte un avis à procéder, selon différentes modalités qui sont listées, au paiement dans un délai de deux mois à compter de sa réception, et précise la possibilité de saisir la commission de recours amiable dans ce même délai.
La pièce n°2 de la CPAM contient, outre la copie de la lettre portant notification d'indu, un tableau détaillé d'anomalies concernant un unique assuré, nommé [T] [S], inscrit à la sécurité sociale sous le n°[Numéro identifiant 3], exposant de façon précise les informations nécessaires à l'identification de chaque acte au titre duquel un indu a été constaté : le numéro de prescripteur, la date de la prescription, la date des actes avec indication de leur cotation, le montant payé, le taux de remboursement, le montant remboursé et celui de l'indu, les observations sur la nature de l'anomalie relevée, le numéro de lot et de facture, le numéro d'archive et enfin, la date du paiement, la dernière page faisant, en outre, apparaître le montant total de l'indu, soit 2.382,70 euros.
La cour ignore, au vu de la mention de la lettre de notification d'indu annonçant l'envoi d'un tableau détaillé par messagerie sécurisée, si le tableau détaillant les actes considérés comme indument payés pour l'assuré [T] [S] a été annexé à la notification d'indu, ou s'il est concerné par l'envoi annoncé par messagerie sécurisée. La cour constate, en outre, que la CPAM ne démontre pas la date à laquelle elle aurait adressé le tableau détaillé par messagerie sécurisée à Mme [Y], de sorte que ni la réalité de l'envoi, ni, s'il a eu lieu, la date à laquelle il serait intervenu, ne sont établies en l'état.
La cour observe également que le montant de l'indu figurant au pied du tableau d'anomalies communiqué en pièce n°2 ne correspond pas à celui mentionné à la lettre de notification, ce dont il se déduit nécessairement que le tableau produit ne couvre pas l'ensemble des constats motivant l'indu opposé à Mme [Y].
En conséquence de ces observations, la cour retient que la CPAM ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a adressé à Mme [Y] une notification de payer comportant suffisamment d'éléments pour satisfaire à l'exigence de motivation posée par les dispositions de l'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale qui prévoient que la lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, ainsi que la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. »
La CPAM doit rapporter la preuve d’avoir joint lors de la notification d’indu des tableaux complets précisant outre la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence a jugé[3] :
« la caisse ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'avoir joint, lors de la notification de l'indu du 2 septembre 2016, des tableaux complets, précisant comme l'article R.133-9-1 I du code de la sécurité sociale lui en fait l'obligation, outre la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement (…) Il s'ensuit que la notification d'indu du 2 septembre 2016, est effectivement irrégulière, et doit être annulée, son absence de motivation ou sa motivation incomplète portant atteinte aux droits de la défense, et justifiant son annulation. »
Le tableau de la CPAM doit permettre d’identifier les assurés concernés, les dates des soins, les dates de mandatement, l’anomalie détectée, le grief reproché et le montant de l’indu
Le Tribunal judiciaire de Bobigny a jugé[4] :
« Il est jugé de manière constante que la notification d'indu à un professionnel de santé par une caisse primaire d'assurance maladie, dès lors qu'elle comporte en annexe un tableau reprenant les informations permettant d'identifier les assurés concernés, les dates des soins, les dates de mandatement, l'anomalie détectée, le grief reproché et le montant de l'indu est suffisante pour apprécier et caractériser l'existence ou non d'un indu. »
La notification d’indu doit préciser le droit du débiteur de présenter ses observations et de se faire assister
La Cour d'appel de Bastia a jugé[5] :
« La notification de l'indu doit préciser, au regard des exigences de l'article R 133-9-1, les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au 2ème alinéa de l'article R. 142-1, soit 2 mois, présenter ses observations écrites ou orales, étant précisé que dans ce dernier cas l'assuré social peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.
Or la notification de l'indu du 30 novembre 2021 ne précise absolument pas ce droit et se contente d'indiquer que Mme [J] dispose d'un délai de 2 mois pour payer l'indu.
S'agissant là encore d'une irrégularité affectant la validité de l'acte, les actes subséquents de recouvrement sont nuls. »
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FAQ – Notification d’indu CPAM
Qu’est-ce qu’une notification d’indu de la CPAM ?
La notification d'indu est un courrier officiel par lequel la CPAM demande à un professionnel de santé de rembourser des sommes considérées comme indûment versées. Elle ouvre la procédure de recouvrement prévue par l'article L.133-4 du Code de la sécurité sociale.
Quelles mentions obligatoires doit contenir une notification d’indu ?
Selon l'article R.133-9-1 du Code de la sécurité sociale, la notification doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, la date des versements indus, les voies et délais de recours, ainsi que la possibilité de présenter des observations dans un délai de deux mois.
Une notification d’indu sans preuve d’envoi est-elle valable ?
Non. La CPAM doit prouver l'envoi et la réception de la notification, par un moyen permettant de rapporter cette preuve (souvent recommandé avec accusé de réception). Sans cette preuve, la procédure est irrégulière.
Que se passe-t-il si la notification d’indu est insuffisamment motivée ?
En cas d'absence ou d'insuffisance de motivation (par exemple si la CPAM ne joint pas de tableau détaillé), la notification est irrégulière. Les tribunaux peuvent alors prononcer la nullité de la procédure de recouvrement.
Comment contester une notification d’indu de la CPAM ?
Le professionnel de santé peut d'abord saisir la Commission de Recours Amiable (CRA) dans un délai de deux mois. En cas de rejet ou d'absence de réponse, il peut saisir le Pôle social du Tribunal judiciaire compétent.
Pourquoi se faire assister par un avocat ?
Un avocat spécialiste en droit de la sécurité sociale peut identifier les vices de procédure, contester efficacement la notification d'indu et défendre vos droits devant la CPAM ou le tribunal.
[1] Cour d'appel d'Aix-en-Provence 28 février 2023 RG n° 20/13179
[2] Cour d'appel de Riom - Chambre pôle social 8 avril 2025 / n° 23/00661
[3] Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2025-07-11, n° 23/10322
[4] Tribunal judiciaire de Bobigny, 2025-07-04, n° 24/01332
[5] Cour d'appel de Bastia 19 juin 2024 RG n° 23/00143
Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
Eric ROCHEBLAVE
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