L’URSSAF veut liquider votre entreprise ? La justice peut lui dire non !

Quand l'URSSAF réclame des dizaines de milliers d'euros et demande la d'une société, tout semble perdu pour le .

Pourtant, la Cour d'appel de , dans un arrêt du 1er juillet 2025, a é un principe fondamental : seules les dettes "exigibles" permettent de caractériser l'état de cessation des paiements.

Autrement dit, si les contraintes URSSAF sont contestées et qu'une trésorerie existe, l'entreprise n'est pas en cessation des paiements.

Une décision qui offre une véritable bouffée d'oxygène aux chefs d'entreprise menacés par une assignation en liquidation judiciaire de l'URSSAF.

 




L’URSSAF demandait la liquidation judiciaire

En juillet 2024, l'URSSAF Île-de-France assigne une société de nettoyage devant le tribunal de commerce pour obtenir son placement en liquidation judiciaire.
Motif : une dette sociale de plus de 93 000 €, comprenant des salariales impayées.

Le 3 décembre 2024, le tribunal fait droit à cette demande :

  • ouverture d'une liquidation,
  • désignation d'un liquidateur judiciaire,
  • fixation de la cessation des paiements au 13 juillet 2023.

La société interjette immédiatement appel.

La défense de l’entreprise : des dettes contestées et une trésorerie disponible

Devant la Cour d'appel, la société explique :

  • avoir formé opposition à la quasi-totalité des contraintes URSSAF (sept sur huit),
  • ne plus être en situation de blocage financier,
  • disposer d'une trésorerie positive de 14 003 € fin mars 2025, puis 31 080 € fin mai 2025,
  • et connaître un redressement économique (résultat net positif, nouveaux marchés, recrutements).

La décision de la Cour d’appel de Paris

La Cour d'appel de Paris rappelle[1] la règle de l'article L. 631-1 du Code de commerce :

« Il résulte des termes de l'article L. 631-1 du code de commerce qu'est en état de cessation des paiements tout débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et que le débiteur qui établit que les de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue. »

Or, dans ce dossier :

  • Les contraintes URSSAF contestées ne sont pas du passif exigible.
  • Une seule contrainte (6 378,52 €) restait incontestée.
  • La trésorerie de l'entreprise dépassait largement ce montant.

Conséquence : pas de cessation des paiements.

La Cour d'appel de Paris:

  • infirme la liquidation judiciaire,
  • refuse aussi le redressement,
  • dit qu'il n'y a pas lieu à ouverture d'une procédure collective.

« La société justifie avoir fait opposition à sept de ces contraintes le 18 octobre 2024, aucun justificatif n'étant produit s'agissant de la contrainte du 5 mai 2023 signifiée le 10 mai 2023.

En raison de ces oppositions, ces sept contraintes ne s'analysent pas en du passif exigible au sens de l'article L. 631-1 du code de commerce.

(…)

Cette dernière a produit en cours de délibéré à la demande de la cour certains relevés bancaires de son compte Revolut dont il ressort qu'au 31 mars 2025, elle bénéficiait d'une trésorerie de 14 003 euros et qu'au 31 mai 2025, ce montant avait doublé pour atteindre la somme de 31 080 euros.

Il en résulte que son actif disponible est supérieur au montant du passif exigible et que l'état de cessation des paiements n'est pas constitué au jour où la cour statue.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société »

Ce qu’il faut retenir pour les entreprises

  1. Contester les contraintes URSSAF : une opposition, même tardive, empêche la dette d'être qualifiée de « passif exigible ».
  2. Produire des justificatifs financiers récents : relevés bancaires, bilans, prévisionnels… Ils peuvent sauver une entreprise d'une liquidation.
  3. La charge de la preuve incombe à l'URSSAF : elle doit démontrer que la société est réellement en cessation des paiements.

 

Un précédent utile pour les dirigeants

Cet arrêt de la Cour d'appel de Paris constitue un précédent rassurant pour les dirigeants assignés par l'URSSAF :

  • Tant que les dettes sont contestées et qu'une trésorerie existe,
  • La liquidation judiciaire ne peut pas être prononcée.

 

Conclusion

Face à une assignation de l'URSSAF, il ne faut jamais rester inactif. L'opposition aux contraintes et la production de pièces financières solides sont des armes de défense efficaces.

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FAQ — URSSAF et liquidation judiciaire

1) L’URSSAF peut-elle obtenir ma liquidation judiciaire si je conteste ses contraintes ?

Oui, elle peut assigner, mais la liquidation ne doit pas être prononcée si, au jour où le juge statue, votre actif disponible couvre votre passif exigible. Les contraintes frappées d'opposition ne sont pas du passif exigible tant que le tribunal judiciaire ne s'est pas prononcé.

2) Une contrainte URSSAF contestée est-elle exigible ?

Non. Une contrainte opposée n'entre pas dans le passif exigible pour apprécier la cessation des paiements (C. com., art. L.631-1). Dans l'arrêt commenté, 7 contraintes opposées ont été écartées du passif exigible ; une seule, non contestée, a été retenue.

3) À quelle date le juge apprécie-t-il la cessation des paiements ?

À la date de sa décision (en appel : à la date de l'arrêt). Dans l'affaire, la Cour a pris en compte des relevés bancaires récents (14 003 € au 31/03/2025 ; 31 080 € au 31/05/2025) et a conclu à l'absence de cessation des paiements.

4) Quelles pièces dois-je produire pour convaincre la Cour ?

Des relevés bancaires récents, tableaux de trésorerie, liasses et, le cas échéant, moratoires ou réserves de crédit. Dans l'arrêt, la trésorerie démontrée était supérieure au seul passif exigible (6 378,52 €) → pas de cessation.

5) Les parts salariales impayées suffisent-elles à justifier une liquidation ?

Pas automatiquement. Même en présence de parts salariales impayées, il faut prouver que le passif exigible excède l'actif disponible. À défaut, ni liquidation ni redressement ne doivent être ouverts.

6) L’opposition à contrainte suspend-elle l’assignation en procédure collective ?

Non. L'URSSAF peut assigner malgré l'opposition. Mais l'opposition influe sur la qualification des dettes (non exigibles) et donc sur l'issue (pas de cessation → pas de procédure collective).

7) Que se passe-t-il si, plus tard, je perds mes oppositions devant le tribunal judiciaire ?

Le risque peut réapparaître (créances redevenant exigibles). Il faut surveiller la trésorerie et, si besoin, négocier des délais pour éviter un nouvel état de cessation.

8) Puis-je demander l'arrêt de l' d'un jugement de liquidation ?

Oui, devant le Premier président (ou son délégataire). Dans l'affaire, l'exécution provisoire a été arrêtée le 11 avril 2025, ce qui a permis un examen serein en appel

[1] Cour d'appel de Paris, 1 juillet 2025, n° 25/00183

 




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l'Ordre des
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d'Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d'Informatique Juridique

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