⚠️ L’URSSAF Île-de-France pratique des saisies-attributions fondées sur des contraintes prescrites ou non exécutoires

Les procédures de recouvrement engagées par l’URSSAF Île-de-France, notamment les saisies-attributions sur comptes bancaires, doivent impérativement reposer sur des titres exécutoires valides et respecter les délais de prescription légaux.

Or, dans un arrêt du 9 mai 2025, la Cour d’appel de Paris rappelle avec fermeté les limites juridiques de l’action de l’URSSAF Île-de-France. Elle annule une saisie-attribution de plus de 67.000 euros au motif qu’elle reposait :

  • sur onze contraintes prescrites, faute d’acte interruptif dans le délai triennal prévu à l’article L.244-9 du Code de la sécurité sociale,
  • et sur une douzième contrainte ayant fait l’objet d’une contestation judiciaire, remplacée par un jugement non visé dans l’acte de saisie.

Cette décision illustre l’importance de vérifier rigoureusement la régularité des procédures de l’URSSAF Île-de-France, y compris en matière de prescription et de validité des titres exécutoires utilisés pour contraindre au paiement.




❌ Une saisie-attribution fondée sur des titres juridiquement caducs

Par arrêt du 9 mai 2025, la Cour d’appel de Paris a ordonné la mainlevée d’une saisie-attribution pratiquée par l’Urssaf Île-de-France le 17 mai 2023 sur les comptes bancaires d’une cotisante, Mme [M], au motif que cette mesure reposait :

  • soit sur onze contraintes prescrites,
  • soit sur une contrainte remplacée par un jugement non visé dans l’acte de saisie.

📌 Rappel des textes applicables

🔹 Article L.211-1 du Code des procédures civiles d’exécution : Seul un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible permet une saisie-attribution.

«  tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent. »

🔹 Article L.244-9 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale : L’action en exécution d’une contrainte URSSAF non contestée se prescrit par trois ans, sauf interruption par un acte d’exécution.

« Le délai de prescription de l'action en exécution de la contrainte non contestée et devenue définitive est de trois ans à compter de la date à laquelle la contrainte a été notifiée ou signifiée, ou un acte d'exécution signifié en application de cette contrainte. »

🧾 Des actes d’exécution trop anciens

L’Urssaf Île-de-France se prévalait de douze contraintes (2011 à 2018). Elle justifiait d’interruptions de prescription jusqu’au 14 janvier 2019, mais aucun acte n’est intervenu entre le 14 janvier 2019 et le 14 janvier 2022. La prescription triennale était donc acquise à cette date.

🛑 Inapplicabilité des ordonnances COVID et de la loi de finances 2021

L’Urssaf invoquait la suspension des délais liée :

  • à l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020,
  • à l’ordonnance n°2020-312 relative aux droits sociaux,
  • à l’article 25 VII de la loi n°2021-953 du 19 juillet 2021.

Or, la cour rappelle que :

  • ces textes bénéficient aux redevables, non aux organismes de recouvrement,
  • ils concernent les délais d’émission, non d’exécution forcée,
  • ils ne s’appliquent pas aux commissaires de justice, mais aux organismes eux-mêmes.

🧾 Une contrainte remplacée par un jugement

La douzième contrainte, du 11 avril 2018, avait été contestée et remplacée par un jugement du 10 décembre 2019, reconnaissant une créance réduite. Ce jugement seul pouvait servir de titre exécutoire, or il n’a pas été visé dans l’acte de saisie du 17 mai 2023.

✅ La Décision de la Cour d’appel de Paris :

La saisie-attribution de l’URSSAF Île-de-France a été entièrement annulée, car :

  • les onze contraintes étaient prescrites,
  • la douzième contrainte n’était plus exécutoire.

La Cour d’appel de Paris a jugé [1] :

« Suivant procès-verbal du 17 mai 2023, l'Urssaf Ile de France a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Banque Populaire Rives de [Localité 5] sur les comptes de Mme [B] [M] épouse [G], pour avoir paiement de la somme totale de 67.902,70 euros, en exécution de douze contraintes exécutoires des 15 juin 2011, 14 novembre 2013, 12 février 2014, 14 mai 2014, 21 juillet 2014, 22 octobre 2014, 12 août 2015, 14 avril 2016, 17 août 2016, 14 décembre 2016, 19 septembre 2017 et 11 avril 2018. La saisie, qui s'est avérée fructueuse pour un montant de 1.069,63 euros (solde bancaire insaisissable déduit), a été dénoncée à Mme [G] par acte du 23 mai 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 22 juin 2023, Mme [G] a fait assigner l'Urssaf Ile de France devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évry en contestation de la saisie.

(…)

 L'Urssaf agit en vertu de douze contraintes.

S'agissant des onze contraintes des 15 juin 2011, 14 novembre 2013, 12 février 2014, 14 mai 2014, 21 juillet 2014, 22 octobre 2014, 12 août 2015, 14 avril 2016, 17 août 2016, 14 décembre 2016 et 19 septembre 2017, produites avec leur signification à Mme [G], l'Urssaf justifie des actes interruptifs de prescription suivants :

- saisie-attribution du 6 mai 2014, dénoncée le 9 mai 2014, interrompant la prescription triennale de l'exécution des contraintes des 15 juin 2011, 14 novembre 2013 et 12 février 2014,

- saisie-attribution du 6 octobre 2015, dénoncée le 12 octobre 2015, interrompant la prescription triennale de l'exécution des contraintes des 15 juin 2011, 14 novembre 2013, 12 février 2014, 14 mai 2014, 21 juillet 2014 et 22 octobre 2014,

- commandement de payer aux fins de saisie-vente du 3 octobre 2016 et procès-verbal de saisie-vente du 14 décembre 2016, interrompant la prescription triennale de l'exécution des contraintes des 15 juin 2011, 14 novembre 2013, 12 février 2014, 14 mai 2014, 21 juillet 2014, 22 octobre 2014, 12 août 2015 et 14 avril 2016,

- saisie-attribution du 29 novembre 2018, dénoncée le 7 décembre 2018, interrompant la prescription triennale de l'exécution des contraintes des 15 juin 2011, 14 novembre 2013, 12 février 2014, 14 mai 2014, 21 juillet 2014, 22 octobre 2014, 12 août 2015, 14 avril 2016, 17 août 2016, 14 décembre 2016 et 19 décembre 2017,

- commandement de payer aux fins de saisie-vente du 14 janvier 2019 interrompant la prescription triennale de l'exécution de ces mêmes onze contraintes.

Ensuite, l'Urssaf se prévaut d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 20 avril 2023, soit plus de trois ans après le dernier acte interruptif du 14 janvier 2019.

Contrairement à ce que soutient l'Urssaf, le délai de trois ans n'a pas été suspendu par l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, modifiée. En effet, d'une part, le titre I prévoyant une prorogation générale des délais n'est applicable qu'aux délais qui ont expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, d'autre part, le titre II, qui prévoit des suspensions de délais en cours au 12 mars 2020, n'est pas applicable au délai d'exécution des contraintes de l'Urssaf. À cet égard, l'article 7, applicable à l'Urssaf, ne concerne pas le recouvrement de créances, et les articles 10 et 11 ne sont applicables qu'aux créances fiscales et aux créances dont le recouvrement incombe aux comptables publics, et ne concernent donc pas les créances de l'Urssaf, organisme de droit privé.


C'est également en vain que l'intimée se prévaut de l'ordonnance n°2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux qui prévoit, en son article 4, la suspension des délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales par les organismes de recouvrement, du 12 mars 2020 au 30 juin 2020. En effet, les dispositions de cette ordonnance ont été prises dans l'intérêt des redevables et non dans celui des organismes de recouvrement des cotisations. Ainsi, manifestement les délais visés par l'article 4 sont les délais pour payer et non ceux auxquels l'Urssaf est soumise pour exécuter des contraintes.


Par ailleurs, aux termes de l'article 25 VII, alinéa 1er, de la loi de finance rectificative n°2021-953 du 19 juillet 2021, tout acte de recouvrement qui aurait dû être émis par les organismes de recouvrement des régimes obligatoires de sécurité sociale ou leurs délégataires à une date comprise entre le 2 juin 2021 et le 30 juin 2022 peut être valablement émis dans un délai d'un an à compter de cette date. Non seulement la prescription triennale courant en l'espèce à compter du 14 janvier 2019 n'expire pas dans la période visée, mais en outre, ces dispositions, qui visent les actes émis par les organismes de recouvrement comme l'Urssaf, ne s'appliquent pas aux mesures d'exécution forcée incombant aux commissaires de justice, mais seulement aux mises en demeure préalables et contraintes, de sorte que l'article 25 VII invoqué est doublement inapplicable.


Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que Mme [M] invoque la prescription de l'article L.244-9 alinéa 2 du code de la sécurité sociale s'agissant de l'exécution des onze contraintes précitées à défaut d'actes interruptifs de prescription entre le 14 janvier 2019 et le 14 janvier 2022.


S'agissant de la douzième contrainte du 11 avril 2018, signifiée le 4 juin 2018, visée au procès-verbal de saisie-attribution du 17 mai 2023, l'Urssaf ne produit qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente du 20 avril 2023. En outre et surtout, cette contrainte a fait l'objet d'une contestation qui a donné lieu à un jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Évry en date du 10 décembre 2019, qui s'est substitué à la contrainte. La contrainte du 11 avril 2018, qui ne constitue plus un titre exécutoire, ne peut donc servir de fondement à la saisie-attribution. Et le jugement du 10 décembre 2019, qui reconnaît la créance de l'Urssaf à hauteur de 1.723 euros, n'est pas visé dans l'acte de saisie.


Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la saisie-attribution contestée du 17 mai 2023 a été pratiquée en vertu soit de contraintes dont l'exécution est prescrite, soit d'une contrainte non définitive ne constituant pas un titre exécutoire. »

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[1] Cour d'appel de Paris 9 mai 2025 RG n° 24/03959




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
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