Toutes les mises en demeure des URSSAF pour les cotisations du régime général sont-elles nulles ?

 

L’article L 244-2 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale rappelle que « le contenu de l’avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »

L’article R 244-1 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale précise que « l’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. »

Il résulte des dispositions des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de sécurité sociale que toute action ou poursuite est obligatoirement précédée d’un avertissement ou d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée qui précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Selon la jurisprudence constante, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de la mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.

A cette fin, il importe qu’elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice[1].

Le régime général est défini par l’article L 200-1 du Code de la sécurité sociale :

« Le régime général de sécurité sociale couvre :

1° D’une part, pour le versement des prestations en espèces mentionnées à l’article L. 311-1, les personnes salariées ou assimilées mentionnées aux articles L. 311-2L. 311-3L. 311-6L. 381-1L. 382-1 et L. 382-31 et, d’autre part, pour le versement des prestations en espèces au titre des assurances maladie, maternité, paternité et vieillesse, les personnes non salariées mentionnées respectivement aux articles L. 611-1 et L. 631-1 ;

2° Au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, les personnes mentionnées aux articles L. 412-1L. 412-2 et L. 412-9 ;

3° Au titre des prestations familiales, les personnes mentionnées à l’article L. 512-1 ;

4° Au titre de la protection universelle maladie, telle que définie à l’article L. 160-1, les personnes mentionnées au 1° du présent article et aux articles L. 381-20L. 381-25 et L. 381-30 ainsi que les personnes inactives rattachées aux organismes du régime général en application de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 160-17 ;

5° Au titre du soutien à l’autonomie, les personnes mentionnées au 4° du présent article.

La couverture des risques mentionnés aux 1° et 2° du présent article s’exerce par l’affiliation au régime général, à titre obligatoire, des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°.

Il peut être fait appel également au régime général pour couvrir un ou plusieurs risques ou charges pour des catégories d’assurés définies par la loi. »

 




Sont nulles les mises en demeure mentionnant « nature des cotisations :  régime général » mais portant sur des cotisations versement transport

Nombre de mises en demeure notifiées par l’URSSAF portent la mention dans le cadre « nature des cotisations » : « régime général »

Néanmoins, les montants réclamés au titre du redressement ne portent parfois pas exclusivement sur des cotisations du régime général, mais également sur le « versement transport », alors que la mise en demeure délivrée ne comporte aucune référence au versement transport.

Dès lors, la Cour d’appel de Nancy[2] juge que la mise en demeure n’informe pas suffisamment le cotisant sur la nature des cotisations réclamées, a annulé ladite mise en demeure et le redressement y afférent et a condamné l’URSSAF de LORRAINE à restituer au cotisant les montants déjà versés.

La Cour d’appel de la Réunion[3] juge également exactement en ce sens.

Un cotisant a contesté la régularité des mises en demeure aux motifs qu’elles ne précisent ni la cause ni la nature des sommes réclamées, seule la mention «’régime général’» y figurant.

Il n’était pas discuté que le litige concernait le recouvrement de la contribution au financement des transports en commun appelée versement de transport.

Il résultait en effet des mises en demeure litigieuses qu’il est fait mention à la rubrique «Motif de mise en recouvrement» à une « régularisation annuelle » et à la rubrique « nature des cotisations » au « régime général », sans qu’il ne soit fait aucune référence à la contribution au versement de transport.

Or, même si le recouvrement des contributions dues par certaines entreprises au titre du versement de transport incombe aux organismes sociaux, ces contributions s’inscrivent dans un contexte propre distinct des cotisations de sécurité sociale.

Le versement de transport, qui concourt au financement des transports en commun, revêt le caractère non d’une cotisation de sécurité sociale mais d’une imposition.

Les mises en demeure qui ne mentionnent, au titre de la nature des cotisations, que « régime général » ne permettent pas à la fondation de savoir que celles-ci sont délivrées au titre du financement des transports en commun.

Sont nulles les mises en demeure mentionnant « nature des cotisations :  régime général  *incluses contribution d’assurance chômage, cotisations AGS »

Il résulte de l’article L.200-1 du code de la sécurité sociale, que le régime général recouvre plusieurs sortes de cotisations dont celle dues au titre des assurances maladie, maternité, paternité et vieillesse, des accidents du travail et maladies professionnelles, des prestations familiales, de la protection universelle maladie…

Les mises en demeure notifiées par l’URSSAF indiquent parfois uniquement en ce qui concerne la nature des cotisations « régime général » avec la précision « incluses contribution d’assurance chômage, cotisations AGS », sans préciser la nature des cotisations du régime général concernées.

Les cotisations au titre de l’assurance chômage et de l’assurance garantie des salaires ne font pas partie des cotisations couvertent par le régime général.

Pour la Cour d’appel d’Aix-en-Provence[4], il s’ensuit que la seule mention de cotisations du régime général avec une astérique indiquant qu’y sont incluses les contributions d’assurance chômage et les cotisations AGS, est insufisante pour permettre au cotisant d’avoir connaissance à la fois de la nature des cotisations dont le paiement lui est demandé mais surtout des montants par période pour chacune de ces cotisations. La circonstance que la cotisante a procédé à ses déclarations de salaires sur lesquels sont assises certaines cotisations du régime général est inopérante. La motivation de cette mise en demeure qui ne détaille par nature de cotisations les montants demandés, est affectée d’une irrégularité substantielle affectant sa validité en ce qu’en ne permettant pas à la cotisante d’avoir connaissance des montants par nature de cotisations, elle porte atteinte à ses droits de la défense. Du fait de l’existence de cette irrégularité, la contrainte subséquente a pour support cette mise en demeure irrégulière qu’elle vise. Elle n’est pas plus précise sur la nature des cotisations demandées en ce qu’elle mentionne uniquement à cet égard « employeur du régime général ». La contrainte qui a ainsi pour support une mise en demeure irrégulière, doit en conséquence être annulée ce qui fait obstacle aux demandes de l’organisme de recouvrement.

Sont nulles les mises en demeure ne mentionnant pas la somme réclamée au titre de chaque catégorie de cotisations ou contributions

Pour la Cour d’appel de Poitiers[5] sont nulles les mises en demeure qui ne précisent pas le montant réclamé pour chaque nature de cotisations.

Exemples :

mise en demeure évoquant somme réclamée à titre de cotisations, en indiquant que la nature des cotisations est ‘allocations familiales et contributions travailleurs indépendants’, et en précisant par renvoi à un astérisque qu’il s’agit de ‘CSG, CRDS, contribution à la formation professionnelle et, s’il y a lieu, contribution aux unions de médecins’.

mise en demeure évoquant une somme de 12.797 réclamée en indiquant que la nature des cotisations est ‘cotisations et contributions travailleurs indépendants’, et en précisant par renvoi à un astérisque qu’il s’agit de ‘maladie maternité, allocations familiales, CSG, CRDS, contribution à la FP et s’il y a lieu contribution additionnelle maladie et Curps’.

Ces mentions, qui ne permettent pas au cotisant de connaître la somme réclamée au titre de chaque catégorie de cotisations ou contributions, ne lui permettent pas de connaître la nature des sommes réclamées.

[1] Cass. Soc. 19 mars 1992, pourvoi n° 88-11.682 , Bull V n° 204

Cour d’appel de Poitiers – Chambre sociale 27 avril 2023 / n° 20/01883

[2] Cour d’appel de Nancy – Chambre Sociale-1ère sect 2 mai 2023 / n° 22/00011 URSSAF de LORRAINE

[3] Cour d’appel de La Réunion – Chambre sociale 4 mai 2023 / n° 22/00912

[4] Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Chambre 4-8 9 décembre 2022 / n° 21/08307 URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur

[5] Cour d’appel de Poitiers – ch. Sociale 10 février 2022 / n° 19/04072

 




 

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Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
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Lauréat de l’Ordre des Avocats
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Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
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