Fraude ou fausse déclaration à Pôle emploi : quels sont vos risques de remboursement ?

 

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L’article L5422-5  du Code du travail dispose :

« L’action en remboursement de l’allocation d’assurance indûment versée se prescrit par trois ans.
En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans.
Ces délais courent à compter du jour de versement de ces sommes. »

Ce texte ne prévoit aucun report du point de départ du délai de prescription fixé à la date du versement de la prestation indue, lequel est seulement prolongé, pour atteindre dix ans, en cas de fraude ou fausse déclaration[1].

L’article 27 du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 stipule :

« Les personnes qui ont indûment perçu des allocations ou des aides prévues par le présent règlement doivent les rembourser, sans préjudice des sanctions pénales résultant de l’application de la législation en vigueur pour celles d’entre elles ayant fait sciemment des déclarations inexactes ou présenté des attestations mensongères en vue d’obtenir le bénéfice de ces allocations ou aides ».

Il est de jurisprudence constante que c’est au demandeur en restitution des sommes qu’il prétend avoir indûment payées qu’il incombe de prouver le caractère indu du paiement[2].

Ainsi, il incombe à Pôle emploi de démontrer la fraude ou les fausses déclarations[3]

L’action de Pôle emploi demeure soumise à la prescription triennale lorsque cet organisme ne démontre pas la fraude ou les fausses déclarations[4].

Les seuls documents produits par Pole emploi émanant de ses propres services, sont insuffisants à démontrer la volonté délibérée et consciente d’un allocataire de laisser croire qu’il était toujours sans activité[5]

En l’absence de production aux débats des déclarations personnelles effectuées par l’assuré faisant apparaître notamment qu’il a coché de manière systématique et délibérée la case chômage au lieu de la case emploi, la preuve d’une fraude ou de fausses déclarations intentionnelles ne se trouve pas suffisamment rapportée par Pôle Emploi[6].

Il n’est pas nécessaire de démontrer l’intention frauduleuse du déclarant pour appliquer le délai de prescription de 10 ans, l’article L 5422-5 visant outre le cas de fraude « la fausse déclaration »[7].

Si la bonne foi est présumée, il appartient cependant à l’allocataire qui excipe d’un fait d’en rapporter la preuve[8].

L’article R. 5411-6 du code du travail dispose :

« Les changements affectant la situation au regard de l’inscription ou du classement du demandeur d’emploi et devant être portés à la connaissance de Pôle emploi, en application du second alinéa de l’article L. 5411-2, sont les suivants :
1° L’exercice de toute activité professionnelle, même occasionnelle ou réduite et quelle que soit sa durée ;
2° Toute période d’indisponibilité due à une maladie, une maternité, à un accident de travail, une incorporation dans le cadre du service national ou une incarcération ;
3° La participation à une action de formation, rémunérée ou non ;
4° L’obtention d’une pension d’invalidité au titre des 2° et 3° de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale ;
5° Pour le travailleur étranger, l’échéance de son titre de travail. »

En sa qualité de demandeur d’emploi, l’allocataire a l’obligation de renouveler périodiquement son inscription en portant la connaissance des changements affectant sa situation susceptible d’avoir une incidence sur son inscription comme demandeur d’emploi, en premier lieu desquels figure l’exercice de toute activité professionnelle, même occasionnelle ou réduite et quelle que soit sa durée[9].

Ainsi, le fait de ne pas déclarer une activité professionnelle constitue un acte positif de prise de la fausse qualité de travailleur privé d’emploi[10]

L’article R. 5411-7 du code du travail dispose :

« Le demandeur d’emploi porte à la connaissance de Pôle emploi les changements de situation le concernant dans un délai de soixante-douze heures. »

Si un allocataire est soumis à l’obligation de déclarer à Pôle Emploi tout changement de situation susceptible d’affecter le calcul du montant de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, notamment tout changement d’adresse, il n’en reste pas moins que Pôle Emploi Occitanie doit rapporter la preuve que cette omission soit assimilable à une fausse déclaration[11].

Une abstention, lorsqu’elle résulte d’une volonté délibérée de dissimulation, peut constituer une fraude, mais Pôle Emploi Occitanie doit rapporter la preuve de cette volonté délibérée de l’allocataire de dissimuler ses changements d’adresse successifs[12].

Aux termes de l’article R. 111-2 du code de la sécurité sociale :

« Pour bénéficier des prestations mentionnées aux articles L. 160-1, L. 356-1, L. 512-1, L. 815-1, L. 815-24, L. 861-1 ainsi que du maintien du droit aux prestations en espèces prévu par l’article L. 161-8, sont considérées comme résidant en France de manière stable les personnes qui ont leur foyer ou le lieu de leur séjour principal sur le territoire métropolitain, en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint Martin. Cette disposition n’est pas applicable aux ayants droit mineurs pour la prise en charge de leurs frais de santé en cas de maladie et de maternité dans les cas prévus par les conventions internationales et les règlements européens.

Le foyer s’entend du lieu où les personnes habitent normalement, c’est-à-dire du lieu de leur résidence habituelle, à condition que cette résidence sur le territoire métropolitain ou dans un département d’outre-mer ait un caractère permanent.

La condition de séjour principal est satisfaite lorsque les bénéficiaires sont personnellement et effectivement présents à titre principal sur le territoire métropolitain, en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint Martin. Sous réserve de l’application des dispositions de l’article R. 115-7, sont réputées avoir en France le lieu de leur séjour principal les personnes qui y séjournent pendant plus de neuf mois au cours de l’année civile de versement de la prestation mentionnée à l’article L. 815-1 ou de l’une des allocations mentionnées à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse pour le bénéfice desquelles la résidence est appréciée dans les conditions fixées par le présent article et pendant plus de six mois au cours de l’année civile de versement des autres prestations mentionnées au premier alinéa. La résidence en France peut être prouvée par tout moyen. »

Aux termes de l’article R. 111-2 du code de la sécurité sociale, sont réputées avoir en France le lieu de leur séjour principal les personnes qui y séjournent pendant plus de six mois au cours de l’année civile de versement des prestations. La résidence en France peut être prouvée par tout moyen[13].

S’il n’est pas contesté qu’un allocataire exerce une activité professionnelle saisonnière du mois de juillet au mois d’octobre, cet élément ne permet pas à lui seul de démontrer l’instabilité de la résidence en France de ce dernier. Dès lors, l’ensemble de ces éléments permet d’établir la preuve pour un allocataire de son établissement stable en France d’une durée supérieure à six mois de l’année civile de versement des allocations. Ainsi, Pôle Emploi Occitanie ne démontre pas que l’allocataire résidait à l’étranger et n’apporte pas la preuve d’une fraude ou d’une fausse déclaration. Partant, la prescription applicable à l’action en répétition de l’indû de l’institution publique Pôle Emploi Occitanie est de trois ans[14].

En outre, aux termes de l’article L. 264-3 du code de l’action sociale et des familles, l’absence d’une adresse stable ne peut être opposée à une personne pour lui refuser l’exercice d’un droit ou d’une prestation sociale, dès lors qu’elle dispose d’une attestation en cours de validité[15].

L’article R. 5411-8 du code du travail dispose :

« Le demandeur d’emploi informe, dans un délai de soixante-douze heures, les services de Pôle emploi de toute absence de sa résidence habituelle d’une durée supérieure à sept jours et de tout changement de domicile. »

Ces obligations prévues par les dispositions du code du travail s’imposent à tout demandeur d’emploi[16].

Il est relevé que les avis d’ouvertures de droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi mentionnent notamment l’obligation pour l’allocataire de signaler tout changement, notamment en cas de changement d’adresse dans un délai de 72H par téléphone, internet, borne ou par courrier. Il est également rappelé qu’il doit actualiser tous les mois sa situation. L’allocataire ne peut en conséquence invoquer le droit à l’erreur[17].

Il ne s’agit pas de nier le droit fondamental pour les allocataires d’avoir une vie privée et familiale à l’étranger en vertu des dispositions de l’article 8 de la CEDH mais seulement d’apprécier la réalité de leurs conditions de vie et de résidence, conformément à leurs obligations à l’égard de l’organisme chargé d’appréhender leurs droits en la matière d’indemnisation chômage[18].

Lorsque l’allocataire ne justifie en aucune manière avoir respecté cette obligation, pôle emploi est légitime à réclamer le remboursement des sommes indument versées[19].

La résidence habituelle s’entend en l’espèce d’une résidence présentant un caractère effectif et stable[20].

Pôle emploi peut légalement considérer que la durée d’absence de l’intéressé en France est incompatible avec les obligations de déclaration de changement de domicile et de recherche d’emploi telles qu’elles résultent des dispositions précitées des articles R. 5411-8 et R. 5411-10 du code du travail[21]

L’absence de déclaration équivalente à la fraude conduit à l’application du régime dérogatoire de prescription par 10 ans[22].

Il résulte des dispositions de l’article R 5411-10 du code du travail :

« Est réputée immédiatement disponible pour occuper un emploi, au sens de l’article L. 5411-7, la personne qui, au moment de son inscription à Pôle emploi ou du renouvellement de sa demande d’emploi :

1° Exerce ou a exercé au cours du mois précédent une activité occasionnelle ou réduite n’excédant pas soixante-dix-huit heures par mois ;

2° Suit une action de formation n’excédant pas au total quarante heures ou dont les modalités d’organisation, notamment sous forme de cours du soir ou par correspondance, lui permettent d’occuper simultanément un emploi ;

3° S’absente de son domicile habituel, après en avoir avisé Pôle emploi, dans la limite de trente-cinq jours dans l’année civile ;

4° Est en congé de maladie ou en incapacité temporaire de travail, pour une durée n’excédant pas quinze jours ;

5° Est incarcérée pour une durée n’excédant pas quinze jours ;

6° Bénéficie d’un congé de paternité. »

 Il résulte des dispositions de l’article R 5411-10 du code du travail, que le demandeur d’emploi ne peut s’absenter de son domicile habituel plus de 35 jours par an faute de quoi il ne peut pas être considéré comme étant immédiatement disponible pour occuper un emploi[23].

[1] Cour d’appel de Poitiers – Chambre sociale 8 décembre 2022 n° 20/03131

[2] Cour d’appel de Chambéry – 2ème Chambre 12 janvier 2023 n° 20/01513

[3] Cour d’appel de Limoges – Chambre civile 7 juin 2023 n° 22/00399

[4] Cour d’appel de Limoges – Chambre civile 7 juin 2023 n° 22/00399

[5] Cour d’appel de Limoges – Chambre civile 7 juin 2023 n° 22/00399

[6] Cour d’appel de Limoges – Chambre civile 7 juin 2023 n° 22/00399

[7] Cour d’appel de Versailles – 1re chambre 1re section 13 juin 2023 n° 23/00369

[8] Cour d’appel de Poitiers – Chambre sociale 8 décembre 2022 n° 20/03131

[9] Cour d’appel d’Amiens – 1ère Chambre civile 10 janvier 2023 n° 21/02653

[10] Cour d’appel de Montpellier – 1re chambre sociale 7 décembre 2022 n° 19/04324

[11] Cour d’appel de Toulouse – 1ere Chambre Section 1 24 octobre 2022 / n° 20/00769

[12] Cour d’appel de Toulouse – 1ere Chambre Section 1 24 octobre 2022 / n° 20/00769

[13] Cour d’appel de Toulouse – 1ere Chambre Section 1 24 octobre 2022 n° 20/00769

[14] Cour d’appel de Toulouse – 1ere Chambre Section 1 24 octobre 2022 n° 20/00769

[15] Cour d’appel de Toulouse – 1ere Chambre Section 1 24 octobre 2022 n° 20/00769

[16] Tribunal administratif de Caen – juge statuant seul 31 août 2023 n° 2101406

[17] Cour d’appel de Toulouse – 3ème chambre 7 juillet 2023 n° 21/04943

[18] Cour d’appel de Toulouse – 3ème chambre 7 juillet 2023 n° 21/04943

[19] Cour d’appel de Versailles – ch. 01 sect. 01 26 janvier 2021 n° 19/07177

[20] Cour d’appel de Toulouse – 3ème chambre 7 juillet 2023 n° 21/04943

[21] Tribunal administratif de Caen – juge statuant seul 31 août 2023 n° 2101406

[22] Cour d’appel de de Lyon – ch. 06 11 octobre 2018 n° 17/03991

[23] Tribunal administratif de Toulon – Aide sociale 30 septembre 2022 n° 2002905




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Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
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