Les condamnations de Pôle emploi pour ses positions contradictoires et incompréhensives, ses manquements à son obligation d’information, son manque de vigilance, ses négligences fautives, sa communication tardive de documents, ses informations erronées, ses retenues injustifiées…

Sanction des positions contradictoires et incompréhensives de Pôle emploi

Après rejet de sa demande, un allocataire a tenté à plusieurs reprises, avant d'exercer un recours contentieux, d'obtenir une résolution amiable du litige. Si le rejet successif de ses demandes par Pôle emploi et le médiateur de l'institution ne peut constituer en soi un manquement fautif de la part de celle-ci, il est toutefois démontré que par courrier, Pôle emploi a finalement fait droit à sa demande au titre de l'allocation litigieuse, avant d'adresser un nouveau refus à l'intéressé.

Pour la Cour d’appel de Versailles[1], ces positions contradictoires et incompréhensibles constituent une faute de l'organisme qui engage sa responsabilité à l'égard de de l’allocataire et le préjudice moral qui en résulte doit être indemnisé à hauteur de 800 euros mis à la charge de Pôle emploi.

Sanction du non-respect par Pôle emploi de son obligation d’information

L'article L. 5312-1 du code du travail dispose :

« Pôle emploi est une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière qui a pour mission de :

1° Prospecter le marché du travail, développer une expertise sur l'évolution des emplois et des qualifications, procéder à la collecte des offres d'emploi, aider et conseiller les entreprises dans leur recrutement, assurer la mise en relation entre les offres et les demandes d'emploi et participer activement à la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle ;

2° Accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi, à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel, prescrire toutes actions utiles pour développer leurs compétences professionnelles et améliorer leur employabilité, favoriser leur reclassement et leur promotion professionnelle, participer à leur information sur les dispositifs de transition entre l'emploi et la retraite, notamment sur celui prévu à l'article L. 161-22-1-5 du code de la sécurité sociale, faciliter leur mobilité géographique et professionnelle et participer aux parcours d'insertion sociale et professionnelle. A ce titre, Pôle emploi concourt à la mise en œuvre de l'obligation de formation définie à l'article L. 114-1 du code de l'éducation ;

3° Procéder aux inscriptions sur la liste des demandeurs d'emploi, tenir celle-ci à jour dans les conditions prévues au titre Ier du livre IV de la présente partie et assurer le contrôle de la recherche d'emploi dans les conditions prévues au chapitre VI du titre II du livre IV ;

4° Assurer, pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, le service de l'allocation d'assurance et de l'allocation des travailleurs indépendants et, pour le compte de l'Etat, le service des allocations de solidarité prévues à la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la présente partie, des allocations mentionnées à l'article L. 5424-21, de l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997, des sommes restant dues au titre du versement de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 5423-18, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2009, et des sommes restant dues au titre de la prime forfaitaire prévue à l'article L. 5425-3, dans sa rédaction antérieure au 1er septembre 2017, ainsi que le service de toute autre allocation ou aide dont l'Etat lui confierait le versement par convention ;

4° bis Décider de la suppression du revenu de remplacement et du prononcé de la pénalité administrative, et de recouvrer cette pénalité, dans les conditions prévues aux sections 2 et 3 du chapitre VI du titre II du livre IV de la présente partie ;

5° Recueillir, traiter, diffuser et mettre à la disposition des services de l'Etat et de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage les données relatives au marché du travail et à l'indemnisation des demandeurs d'emploi ;

6° Mettre en œuvre toutes autres actions qui lui sont confiées par l'Etat, les collectivités territoriales et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage en relation avec sa mission ;

7° Mettre en œuvre le contrat d'engagement jeune mentionné à l'article L. 5131-6 et assurer, pour le compte de l'Etat, l'attribution, la modulation, le versement, la suspension et la suppression de l'allocation mentionnée au même article L. 5131-6 et de l'allocation ponctuelle mentionnée à l'article L. 5131-5, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Pôle emploi agit en collaboration avec les instances territoriales intervenant dans le domaine de l'emploi, en particulier les maisons de l'emploi, ainsi qu'avec les associations nationales et les réseaux spécialisés d'accueil et d'accompagnement, par des partenariats adaptés. »

Le Conseil d'Etat a jugé, le 18 mars 2019, qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cadre de sa mission de service du revenu de remplacement, outre qu'il est tenu de répondre aux demandes d'information dont il est saisi, Pôle emploi doit, d'une part, à tout moment et notamment en cas de création ou de modification substantielle des conditions d'octroi d'une allocation, diffuser une information générale à l'attention des personnes à la recherche d'un emploi sur les allocations dont il assure le service à ce titre et, d'autre part, lorsqu'une personne s'inscrit en qualité de demandeur d'emploi ou parvient à la fin de ses droits à l'allocation d'assurance, l'informer personnellement de celles de ces allocations auxquelles elle est susceptible d'avoir droit.

Pôle emploi est donc débiteur d'une obligation d'information par application du texte précité.

Dans une espèce, bien qu'informé par un allocataire de son intention de retrouver un emploi au lors de l'entretien pré bilan comme le précise le compte rendu de cet entretien, Pôle emploi ne l'a pas informé, sous quelque forme que ce soit, des conséquences de la souscription de ce contrat et notamment la perte de la prime de reclassement en cas de retour à l'emploi avant l'élaboration définitive du plan. Par ailleurs, Pôle emploi n'a pas plus tenu compte du projet du bénéficiaire pour établir le plan, avant la mise en œuvre du contrat de travail. Pour la Cour d’appel de Dijon[2], il en résulte que, n'ayant pas respecté son obligation d'information, Pôle emploi a engagé sa responsabilité.

Pôle emploi a été condamné, en réparation du préjudice subi par l’allocataire à la somme de 9 017,32 euros, soit le montant de la prime égale à 50 % de l'ASP pendant 12 mois. Cette allocation étant de 49,41 euros par jour, la demande correspond à la réparation intégrale du préjudice subi résidant dans l'absence d'attribution de cette prime.




Sanction du manque de vigilance de Pôle emploi

Pour la Cour d’appel de Grenoble[3], le manque de vigilance de l'organisme a causé un incontestable préjudice à un allocataire, puisqu’outre que le cumul de la pension d'invalidité et de l'allocation de retour à l'emploi a eu une incidence sur le montant des impôts qu'il a dû acquitter, il s'est trouvé en situation de devoir restituer une somme supérieure au montant de la retraite annuelle qu'il perçoit désormais.

Pôle Emploi a été condamné à verser à titre de dommages intérêts la somme de 6.000 euros

Sanction des négligences fautives de Pôle emploi

Il résulte des dispositions de l'article 1240 du code civil que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Dans une espèce, il était justifié par la production de l'attestation Assedic rédigée et signée par l'employeur et destinée à Pôle emploi que le motif de rupture du contrat de travail est clairement apparent en paragraphe 6 : 'démission, [agent] non titulaire'.

En ce sens, la Cour d’appel de Chambéry a jugé[4] qu’il est incontestable qu'à la simple lecture du document précité, qui ne comportait que 8 paragraphes, l'agent de Pôle emploi ayant traité le dossier de l’allocataire ne pouvait ignorer le fait qu'elle se trouvait démissionnaire, ladite mention figurant au dossier de cette dernière depuis son ouverture.

Aussi donc, et alors même qu'il n'est pas contesté que l’allocataire ait respecté ses obligations déclaratives, Pôle emploi a procédé au versement fautif d'indemnités de retour à l'emploi, pendant plus de 10 mois, de sorte que l'allocataire a légitimement pu croire au caractère régulier des prestations qui lui étaient servies pour établir son budget mensuel et aiguiller ses recherches d'emploi sur la période d'ouverture de droits qui lui avait été notifiée.

Dès lors, la négligence fautive de Pôle emploi engage sa responsabilité et justifie l'octroi de dommages et intérêts, le préjudice de l’allocataire étant intégralement réparé par la condamnation de Pôle emploi à lui verser la somme de 4 486,21 euros.

Dans une autre espèce, la Cour d’appel de Versailles a jugé[5] que la réclamation soudaine de Pôle emploi portant sur une somme de plus de 60 000 euros, plus de deux ans et demi après le versement de la dernière ASP, et les récupérations faites en janvier et février 2017 pour un montant de près de 10 000 euros, qui sont la conséquence de la négligence fautive de Pôle emploi, lui ont incontestablement causé un préjudice moral qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Sanction de Pôle emploi qui tarde à satisfaire son obligation de communication de documents

La Cour d’appel de Paris a jugé[6] que Pôle emploi a tardé à satisfaire son obligation de communication. Le préjudice subi par l’allocataire consiste dans le préjudice moral de n'avoir obtenu de Pôle emploi, dans un délai moindre (de quelques semaines), les documents demandés. Au regard des circonstances de l'espèce, ce préjudice a été évalué à la somme de 500 euros.




Sanction de Pôle emploi pour ses informations erronées

La Cour d’appel de Chambéry a jugé[7] qu’une information erronée sur ses droits a été délivrée à une allocataire par les représentants de Pôle Emploi et que ceci relève d'un comportement fautif qui engage la responsabilité de Pôle Emploi dans les dommages subis par l’allocataire. L’allocataire justifie d'un préjudice moral lié à la faute commise par Pôle Emploi qui a mis à mal le projet professionnel qu'elle avait construit et qui l'a obligée à retrouver, en plus de son activité au sein du pressing familial, un emploi très rapidement afin de faire face aux obligations financières souscrites par ailleurs. Au titre de son préjudice moral, il lui a été alloué la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sanction de Pôle emploi pour ses retenues injustifiées

La cour d’appel de paris a jugé[8] que Pôle Emploi a commis un manquement à ses obligations en procédant, malgré la contestation de l'indu, à des retenues. L’allocataire prétend que celles-ci l'ont plongée, outre la suppression de l'indemnisation de son premier licenciement, dans une très grande détresse financière et morale. L'existence d'un préjudice moral causé par les retenues illicites, seul manquement retenu, est avérée et sera justement réparée par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 2 000 euros.

[1] Cour d'appel de Versailles - 5e Chambre 7 juillet 2022 n° 20/01866

[2] Cour d'appel de Dijon - ch. Sociale 10 mars 2022 n° 21/00701

[3] Cour d'appel de Grenoble - ch. civile 01 14 décembre 2021 n° 19/04913

[4] Cour d'appel de Chambéry - ch. 02 9 décembre 2021 n° 20/00421

[5] Cour d'appel de Versailles - ch. 03 17 septembre 2020 n° 19/02209

[6] Cour d'appel de Paris - Pôle 04 ch. 09 21 octobre 2021 n° 18/20452

[7] Cour d'appel de Chambéry - ch. 02 24 octobre 2019 n° 18/01279

[8] Cour d'appel de de Paris - Pôle 02 ch. 02 14 février 2019 n° 17/12896




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D'UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…

Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

Vos avis sur Maître Eric ROCHEBLAVE