Un employeur peut-il verser une prime aux seuls salariés non-grévistes ?

Vos avis sur Maître Eric ROCHEBLAVE, Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

L’attribution d’une prime aux salariés, selon qu’ils ont participé ou non à un mouvement de grève, est discriminatoire

En application de l’alinéa 2 de l’article L. 2511-1 du Code du travail, l’exercice du droit de grève ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l’article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux.

L’article L. 1132-2 du Code du travail précise que aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire mentionnée à l’article L. 1132-1 en raison de l’exercice normal du droit de grève.

Enfin, l’article L. 1132-1 du Code du travail indique qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

En application des articles L.1132-1 et L.1132-2 du Code du Travail, est discriminatoire l’attribution par l’employeur d’une prime aux salariés selon qu’ils ont participé ou non à un mouvement de grève.

Le conseil de prud’hommes, qui a constaté que n’étaient exclus du paiement de la prime que les seuls salariés ayant participé à la grève, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de condamner l’employeur à payer le montant de la prime exceptionnelle, et des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l’absence de paiement ou le retard dans le paiement de cette prime.

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1er juin 2010, 09-40.144

Un employeur ne peut, sans discrimination prohibée, instaurer une prime exceptionnelle d’assiduité et la verser à l’ensemble des salariés, à l’exception des salariés ayant fait grève.

Cour d’appel, Bordeaux, Chambre sociale, section A, 21 Septembre 2010 – n° 09/04721

L’attribution d’une prime en considération du surcroît de travail assumé par les salariés non grévistes n’est pas discriminatoire

Constitue une mesure discriminatoire l’attribution aux seuls salariés non-grévistes d’une prime exceptionnelle ne correspondant pas à un surcroît de travail.

Pour attribuer une prime aux seuls salariés non-grévistes, l’employeur doit caractériser un surcroît de travail des salariés n’ayant pas participé au mouvement de grève.

Cour de cassation, Chambre sociale, 3 Mai 2011 – n° 09-68.297

Si l’attribution d’une prime aux salariés, selon qu’ils ont participé ou non à un mouvement de grève, est discriminatoire, tel n’est pas le cas lorsque la prime est attribuée en considération du surcroît de travail assumé par les salariés non gréviste.

L’employeur doit justifier le surcroît d’activité auquel a été confronté le personnel non gréviste et que des salariés absents pour d’autres motifs que la grève n’ont pas perçu la prime litigieuse.

Cour d’appel, Paris, Pôle 6, chambre 2, 16 Octobre 2014 – n° 13/07129

Si le versement d’une prime liée au surcroît de travail d’une période donnée n’est pas discriminatoire quand elle rémunère des salariés dans une situation différente, telle que celle de salariés qui continuent de travailler en supportant une charge plus lourde du fait de l’absence de collègues, c’est à la condition de démontrer une réelle surcharge de travail.

En l’absence de preuve d’un surcroît de travail pour les non-grévistes, est discriminatoire l’attribution par l’employeur d’une prime aux salariés selon qu’ils ont participé ou non au mouvement de grève

Cour d’appel, Versailles, 17e chambre, 29 Mars 2017 – n° 15/01625

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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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