Contrôle du travail illégal : l’URSSAF doit prouver le consentement des personnes à leur audition

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Vous avez fait l’objet d’un contrôle par les inspecteurs de l’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (l’URSSAF) dans le cadre de votre activité.

À l’issue de ce contrôle, l’URSSAS vous a notifié un procès-verbal pour travail dissimulé en raison du fait qu’étaient présents, le jour du contrôle, des travailleurs pour lesquels aucune déclaration préalable à l’embauche n’avait été faite.

Les services de l’URSSAF ont sollicité une régularisation des cotisations sociales.

Une mise en demeure vous a été adressée ?

Vous pouvez contester ce redressement devant la commission de recours amiable.

Après vaine saisine de la commission de recours amiable (décision implicite ou explicite de rejet), vous pouvez saisir le pôle social du tribunal judiciaire.

Pour votre défense, il convient de vérifier le recueil du consentement des personnes auditionnées

Ainsi, il est opportun de demander à l’URSSAF la communication du procès-verbal transmis au Procureur de la République, ou à tout le moins des documents attestant des auditions réalisées, et en premier lieu du rapport de contrôle établi, afin de vérifier si le consentement de chaque personne entendue a bien été recueilli.

En l’absence de mention dans le procès-verbal dressé par l’Inspecteur du recouvrement ou tout autre document – de la preuve du consentement des témoins à leur audition, le redressement fondé sur cet acte vicié devrait être annulé.

L’URSSAF doit rapporter la preuve du consentement des personnes entendues

Selon l’article L. 8271-6-1 du code du travail[1], les auditions auxquelles les agents de contrôle procèdent pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement des personnes entendues.

Pour la Cour de cassation, en l’absence de preuve par l’URSSAF du consentement de la personne entendue, le contrôle est irrégulier, ce dont il résulte que le redressement qui en est la suite doit être annulé[2].

A lire :
Contrôle URSSAF du travail dissimulé : l’URSSAF doit justifier du consentement des personnes entendues

Le consentement de la personne entendue peut résulter du procès-verbal d’audition signé par les agents de contrôle ou de tout autre document

S’il résulte de l’article L. 8271-6-1 du code du travail que les auditions auxquelles les agents de contrôle procèdent pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement des personnes entendues, la preuve de ce consentement peut résulter du procès-verbal d’audition signé par les agents de contrôle et la personne entendue ou de tout autre document[3].

Le consentement des personnes entendues ne résulte pas du seul fait qu’elles aient répondu aux questions des agents de contrôle

La Cour de cassation a confirmé qu’un document écrit devait acter du consentement de chaque personne entendue, écartant le moyen soulevé par l’URSSAF suivant lequel le « consentement donné par les intéressés peut résulter du seul fait qu’ils aient répondu aux questions des agents de contrôle »[4] [5].

 

A lire :
Audition par l’URSSAF pour travail dissimulé : comment vous défendre ?

 

Le consentement des personnes entendues ne résulte pas de leurs déclarations spontanées

Les auditions auxquelles les agents de contrôle procèdent pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement des personnes entendues.

Si les agents de contrôle ne sont pas tenus de rédiger un procès-verbal d’audition, ceux-ci, en recueillant les informations fournies par les personnes présentes sur le lieu de contrôle, sur leur date d’embauche et le contexte de travail, procèdent bien à leur audition.

Il ne saurait être sérieusement soutenu que ces personnes effectuent des déclarations spontanées à l’inspecteur sur ce point

Ainsi, il ne résulte pas du procès-verbal dressé par l’inspecteur ni de tout autre document la preuve du consentement de ces personnes à leur audition.

Pour la Cour d’appel de Rennes, dès lors qu’aucune mention relative au recueil préalable du consentement à l’audition des personnes présentes sur le lieu de contrôle ne figure sur le procès-verbal, celui-ci a été privé d’une garantie de fond qui vicie l’ensemble du contrôle opéré et le redressement pour travail dissimulé. Le redressement et la mise en demeure subséquente de l’URSSAF des Pays de Loire sont en conséquence annulés[6],

A lire :

Les auditions sans consentement entraînent l’annulation des redressements URSSAF pour travail dissimulé
Travail dissimulé : des redressements Urssaf Ile-de-France annulés en raison d’auditions irrégulières

 

En application des articles L. 8271-1-1 et L. 8271-1-2 du code du travail, les agents assermentés des organismes de sécurité sociale sont habilités à rechercher et constater les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l’article L. 8211-1 du même code.
Il résulte de l’article L. 8271-6-1 du même code que les auditions auxquelles les agents de contrôle procèdent pour la recherche et le constat des infractions en matière de travail illégal ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement des personnes entendues.
Les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte.

Si l’article L. 8271-6-1 prévoit que les auditions peuvent faire l’objet d’un procès verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues, les agents de contrôle ne sont pas tenus d’établir un procès verbal.

L’existence d’une audition peut être établie, au vu des éléments mentionnés par l’inspecteur du recouvrement dans la lettre d’observations, et ce peu important que la procédure d’enquête versée aux débats ne comporte pas de procès verbal d’audition.
Il en résulte la nécessité pour l’inspecteur du recouvrement d’obtenir préalablement le consentement du gérant, la preuve de ce consentement incombant à l’Urssaf.
Lorsqu’aucun  élément de la procédure ne permet d’établir qu’un consentement aurait été explicitement donné par le gérant pour une audition, il s’ensuit que la procédure de contrôle est irrégulière quand bien même l’Urssaf indique s’appuyer sur des constatations issues de l’analyse des documents comptables. Le redressement doit en conséquence être annulé [7]

 

[1] Article L 8271-6-1 du Code du travail :

« Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d’emploi et le montant des rémunérations s’y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l’accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.

Conformément à l’article 28 du code de procédure pénale, l’article 61-1 du même code est applicable lorsqu’il est procédé à l’audition d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

Ces auditions peuvent faire l’objet d’un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues.

Ces agents sont en outre habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l’entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu’à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l’exercice de leur mission de justifier de leur identité et de leur adresse. »

[2] Cour de cassation – Deuxième chambre civile 9 décembre 2021 / n° 20-13.498

[3] Cour de cassation – Deuxième chambre civile 26 novembre 2020 / n° 19-24.303

[4] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 octobre 2014, 13-19.493

[5] Cour d’appel d’Amiens – ch. Sociale 13 septembre 2021 / n° 19/08198

[6] Cour d’appel de Rennes – ch. 09 ch. sécurité sociale 2 février 2022 / n° 19/03081

[7] Cour d’appel de Grenoble – ch. sociale 11 janvier 2022 / n° 18/04085

 

Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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