: l'erreur de l' qui annule ses redressements

Dans les contrôles URSSAF pour travail dissimulé, beaucoup d'entreprises pensent qu'un procès-verbal suffit à fonder un , une mise en demeure ou une contrainte. Pourtant, un principe juridique essentiel conditionne la validité de toute procédure : nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

Ce principe, posé par l'article 14 du Code de procédure civile, est déterminant lorsque l'URSSAF affirme qu'un auto-entrepreneur, un freelance ou un prestataire aurait dû être considéré comme salarié. Dans ce type de dossier, le travailleur concerné doit impérativement être mis en cause, car la juridiction ne peut se prononcer sur la requalification sans l'avoir entendu. En son absence, le redressement URSSAF est juridiquement irrégulier et doit être annulé, ainsi que la mise en demeure et la contrainte qui en découlent.

Cette exigence procédurale, encore trop souvent ignorée des entreprises, constitue pourtant un vice de procédure majeur reconnu par une jurisprudence constante : sans contradictoire effectif, il ne peut y avoir de redressement pour travail dissimulé. La régularité de la mise en cause des travailleurs est donc l'un des premiers points à vérifier lorsque l'on souhaite contester un redressement URSSAF.




Selon l'article L.8221-5 du code du travail,

« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »

Au regard de l'application combinée des articles L. 242-1 alinéa 1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations sociales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.

L'article 14 du code de procédure civile pose le principe que nulle personne ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

L'URSSAF poursuit son action en recouvrement à l'encontre de votre entreprise, après avoir dressé un procès-verbal constatant un délit de travail dissimulé.

Son action en recouvrement repose nécessairement sur la qualification juridique des prestations de la personne concernée et porte par conséquent sur la qualification de travail dissimulé que l'URSSAF lui a donnée, en lien avec une situation de fait, qu'elle a analysée comme les rendant, en réalité, salarié de votre entre entreprise alors qu'il était immatriculé en tant auto-entrepreneur et affilié au régime social des indépendants.

Il résulte des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile que peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité. Ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

La Cour de cassation a, dans son arrêt en date du 9 mars 2017[1] rappelé que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé, et posé le principe qu'une juridiction du fond ne peut, sans méconnaître l'article 14 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 312-2 du code de la sécurité sociale, alors que le litige dont elle était saisie portait sur la qualification des relations de travail , se prononcer sans qu'aient été appelées dans la cause les parties concernées par le contrat de travail.

Des arrêts postérieurs ont confirmé ce principe[2].

Il est effectivement important, afin d'assurer le respect du principe du contradictoire, que les personnes intéressées puissent être invitées à s'exprimer sur leur situation, à tout le moins, être averties des conséquences d'une requalification de la relation de travail ou sur leurs droits sociaux.

Il n'y dès lors pas lieu de distinguer entre le contentieux du recouvrement et celui de l'assujettissement s'agissant de l'exigence de la mise en cause des travailleurs qui s'avère nécessaire que le litige porte sur leur statut social ou sur l'assiette des cotisations sociales dues par l'entreprise. Le bien-fondé du redressement poursuivi par l'URSSAF ne pouvant ainsi être apprécié de son fait par le tribunal, il s'ensuit que l'ensemble des chefs de redressements et la mise en demeure subséquente doivent être annulés[3].

La charge de la preuve du travail dissimulé sur lequel s'est fondée l'URSSAF pour opérer son redressement lui incombe nécessairement de sorte qu'il lui appartient de mettre en cause les personnes concernés.

De telles mises en cause sont nécessaires au respect des dispositions de l'article 14 du code de procédure civile et en cause d'appel, elles ne peuvent résulter que d'assignations en intervention forcée. En conséquence, l'intervention forcée de l'auto-entrepreneur pour la première fois en cause d'appel est irrecevable[4].

Il est constant qu'il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 14 et de l'article L.311-2 du code de la sécurité sociale que la cour d'appel, saisie d'un litige portant sur la requalification de la relation de travail en salariat, est tenue de s'assurer que les 'travailleurs' intéressés ont été appelés en la cause, aux fins de les entendre[5].

La cour d'appel n'est ainsi pas mise en mesure de statuer sur le bien-fondé du redressement opéré par l'URSSAF, dans le respect du principe du contradictoire. Dès lors, la cour d'appel annule le redressement notifié et, en conséquence, la contrainte litigieuse[6].

[1] 2e Civ., pourvoi n°16-11.535, 16-11.536, Bull. 2017,II, n°54

[2] Cass., 2e Civ., 22 juin 2023, pourvoi n° 21-17.232, Cass., 2e Civ., 7 avril 2022pourvoi n°20-21.622, Cass., 2e Civ., 18 février 2021 pourvoi n° 20-12.21622

[3] Tribunal judiciaire de Marseille, 9 octobre 2025, n° 22/00901

[4] Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 novembre 2025, n° 23/11229

[5] Civ 2ème 9 mars 2017 n° 16-11.535 et n°16-11.536; Civ 2ème 29 novembre2018 n°17-19.242; Civ 2ème 10 octobre 2019 n° 18-17.877 ; Civ 2ème 18 février 2021 n°20-12.013; Civ 2ème 23septembre 2021 n°20-16.338; Civ 2ème 25 novembre 2021 n°20-14.759

[6] Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 novembre 2025, n° 23/11229

 




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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Lauréat de l'Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d'Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d'Informatique Juridique

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