N’est pas justifié le licenciement d’un salarié qui a répondu « je te pisse à la raie » à son supérieur hiérarchique qui l’a provoqué

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Selon l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l’administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement, n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l’espèce, selon la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, un employeur reprochait à son salarié Monsieur A. d’avoir proféré, à l’égard de Monsieur D., son supérieur hiérarchique, l’insulte suivante : « je te pisse au cul. »

Le salarié a versé aux débats les témoignages de Monsieur G. et Monsieur B., lesquels précisent avoir été les deux seuls témoins des faits.

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Selon Monsieur G.: « Monsieur A. a voulu discuter avec Monsieur D. au sujet d’horaires de sortie. Ce dernier lui a violemment répondu en lui disant : ‘je suis payé pour moucharder, c’est mon boulot’ tout en collant son front sur celui de Monsieur A. et le poussant agressivement. Je me suis interposé entre les deux personnes pour calmer Monsieur D. qui avait un comportement inhabituellement agressif (…) Monsieur A. lui a répondu pour se défendre ‘Tu es un mouchard, tu es une merde, je te pisse à la raie (…). Puis l’après-midi, Monsieur D. tournait autour de Monsieur A. pour le provoquer, sans succès. »

Selon Monsieur B.: « Monsieur A. s’est dirigé sereinement vers Monsieur D. pour discuter d’un désaccord sur les horaires de sortie, le 9 avril 2013 Monsieur D. a réagi agressivement envers Monsieur A. en collant son front contre celui de Monsieur A.. Monsieur. D. a insisté sur le fait que c’était son travail et je cite ‘je suis payé pour moucharder c’est mon boulot’. Monsieur A. s’est défendu en disant je cite ‘tu es un mouchard, t’es une merde et je te pisse à la raie ; je tiens à préciser qu’aucune autre insulte que celles citées précédemment n’ont été proférées à l’encontre de M. D. (…) Après la pose de midi, dans l’atelier, M. D. provoquait du regard Monsieur A. qui n’a pas prêté attention à ces agissements. »

Monsieur A. a produit également le compte rendu établi par Monsieur T., représentant du personnel, qui l’a assisté lors de l’entretien préalable, qui rapporte les faits tels que présentés par le salarié, lesquels sont concordants avec les déclarations des témoins de l’altercation.

Pour la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, « si les propos, certes grossiers, reprochés à Monsieur A. sont établis, (…) compte tenu de la provocation de la part de la victime des insultes, et du caractère isolé de la faute invoquée et des habitudes de langage dans un atelier industriel, les propos de Monsieur A. ne peuvent justifier le licenciement prononcé à son encontre, lequel sera déclaré par la cour dépourvu de cause réelle et sérieuse. »

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 9e chambre B, 10 Février 2017 – n° 15/04736

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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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