Comment est calculée la somme due à l’URSSAF par le donneur d’ordre en application de sa solidarité financière du travail dissimulé de son sous-traitant ?

 

Le donneur d’ordre, pouvant être regardé comme ayant facilité la réalisation du travail dissimulé ou ayant contribué à celle-ci et la solidarité financière qui pèse sur lui et le cocontractant, objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé, sont limitée dès lors que les sommes dues au salarié employé de façon illégale sont déterminées[1] selon l’article L. 8222-3 du code du travail « les sommes dont le paiement est exigible du donneur d’ordre en application de la solidarité financière prévue à l’article L. 8222-2 du même code sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession. »

 




 

Il est admis que les sommes exigibles soient calculées au prorata du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise débitrice avec le donneur d’ordre solidairement tenu[2].

Pour les dettes sociales, le prorata est calculé par rapport au temps de travail et à la masse salariale affectée à la réalisation de la prestation irrégulière. Toutefois, il est constant que dans le cas où les données servant de base à la méthode de calcul sont inconnues, le redressement est établi au prorata des prestations exécutées déterminées à partir des factures émises par le sous-traitant[3].

Le montant de la solidarité financière déterminé en fonction des factures émises pour les prestations effectuées au profit du donneur d’ordre doit être approuvé[4].

Il s’en déduit que si l’employeur doit recevoir le mode de calcul du redressement envisagé à son encontre, tel n’est pas le cas du donneur d’ordre pourtant solidaire notamment du paiement des cotisations obligatoires augmentées des éventuelles pénalités et majorations. De même, l’absence de mention du nombre de salariés concernés par le travail dissimulé n’est en rien un obstacle au redressement, les dispositions précitées permettant une reconstitution forfaitaire de la masse salariale réelle de l’entreprise au regard de critères déterminés et de définir ainsi les rémunérations et cotisations omises[5].

Le taux de solidarité financière doit donc être déterminé au regard des dispositions de l’article L. 8222-3 du Code du travail précitées.

Pour la Cour d’appel d’Orléans, lorsque l’’URSSAF calcule ce taux en faisant le quotient entre les sommes facturées par le donneur d’ordre au sous-traitant et la totalité des factures du sous-traitant, sur la seule période de recours à la sous-traitance de celle-ci, ce calcul est conforme aux exigences légales, il convient de le valider[6].

Pour la Cour d’appel de Rennes[7], lorsque le montant de la solidarité financière mis à la charge du donneur d’ordre est bien proportionnel au montant des prestations payées par celui-ci rapporté au chiffre d’affaires total du sous-traitant, il y a lieu de valider le redressement.

Pour la Cour d’appel de Paris[8], lorsque l’URSSAF a calculé le montant des salaires omis au prorata du chiffre d’affaires réalisé par le sous-traitant au profit du donneur d’ordre et que pour ce faire elle s’appuie sur le calcul de la masse salariale reconstituée représentant un % du chiffre d’affaires, en se basant sur le pourcentage de dépenses correspondant au versement de salaires après retraitement des charges d’exploitation justifiées, le calcul opéré de la proratisation est donc conforme aux exigences du texte. La critique portée sur la non déduction de la T. V.A. et sur la non prise en compte de l’assiette définie à l’article L 241-1 du code de la sécurité sociale est inopérante.

Pour condamner une société donneuse d’ordre au paiement de l’intégralité des sommes objet du redressement pour travail dissimulé de la société sous-traitante, la Cour d’appel d’Amiens a relevé que l’analyse des grands livres de comptes généraux effectuée lors du contrôle démontre que la société sous-traitante travaille essentiellement pour la société donneuse d’ordre.

Pour la Cour de cassation[9], en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était tenue, si toutes les sommes éludées par la société sous-traitante se rapportaient aux travaux réalisés pour le compte du donneur d’ordre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Pour rejeter le recours d’un cotisant qui soutenait que le montant du chiffre d’affaires global retenu par la caisse pour calculer le montant des cotisations dues au titre de la solidarité financière était erroné car le chiffre d’affaires n’était pas ventilé année par année, la Cour d’appel de Bordeaux a retenu que la caisse a appliqué la formule de calcul énoncée à l’article L. 8222-3 du code du travail et que le chiffre d’affaires du sous-traitant a été évalué à partir des factures recueillies entre le deuxième trimestre 2017 et le quatrième trimestre 2019. Il ajoute que le montant des prestations exécutées par le sous-traitant au profit du cotisant n’étant pas contesté, il importe peu que ce chiffre n’ait été réalisé que sur l’année 2009.

Pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors que le chiffre d’affaires du co-contractant retenu par la caisse pour calculer le montant des cotisations dues au titre de la solidarité financière ne pouvait se rapporter qu’à la période au cours de laquelle le cotisant lui avait sous-traité son activité, la cour d’appel a violé le texte susvisé[10].

Pour contester les calculs de l’URSSAF, le donneur d’ordre doit communiquer des pièces susceptibles de remettre en cause l’appréciation portée par l’URSSAF, adresser des documents comptables pour justifier de sa contestation du mode de calcul[11].

Le donneur d’ordre doit apporter des explications et pièces dont la portée permet de remettre utilement en cause la méthode de calcul appliquée et explicitée par l’URSSAF et les montants auxquels elle a abouti, tels qu’ils sont exposés de façon détaillée par les lettres d’observations[12].

Les arguments non étayés par la production de pièces, ne sont pas de nature à remettre en cause le calcul effectué par l’URSSAF[13].

 

 

[1] Cour de cassation – Chambre sociale 11 février 2022 / n° 21-19.494

[2] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juin 2011, 10-21.170

Cour d’appel de Grenoble – ch. Sociale 11 janvier 2022 / n° 19/00399

Cour d’appel de Montpellier – ch. sociale 03 17 mars 2021 / n° 16/02903

[3] Cour d’appel de Montpellier – ch. sociale 03 14 avril 2021 / n° 16/03262

[4] Cour d’appel de Colmar – ch. sociale sect. SB 25 mars 2021 / n° 21/324

[5] Cour d’appel de Paris – Pôle 6 – Chambre 13 8 mars 2024 / n° 20/02106

[6] Cour d’appel d’Orléans – Chambre Sécurité Sociale 27 février 2024 / n° 23/01062

[7] Cour d’appel de Rennes – 9ème Ch Sécurité Sociale 15 juin 2022 / n° 19/03836

[8] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 12 18 mars 2022 / n° 18/05634

[9] Cour de cassation – Deuxième chambre civile — 16 mars 2023 – n° 21-14.822

[10] Cour de cassation – Deuxième chambre civile 30 novembre 2023 / n° 19-15.592

[11] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 12 18 mars 2022 / n° 18/05634

Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 13 5 novembre 2021 / n° 18/03324

[12] Cour d’appel de Riom – ch. civile 04 SOCIALE 8 mars 2022 / n° 20/00392

[13] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 13 14 mai 2021 / n° 18/02496

 




Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
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