Employeurs, consultez le dossier médical AT/MP de vos salariés !

AT/MP – Accident du Travail – Maladie Professionnelle – CPAM

Image par Mariann Szőke de Pixabay

 

Afin de garantir le principe du contradictoire au cours de la procédure d’instruction de la demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, la CPAM est tenue notamment d’informer les parties à la fin de l’instruction d’une demande de reconnaissance de la mise à leur disposition du dossier.

La communication du dossier n’est soumise à aucune forme particulière.

La caisse n’est pas tenue de délivrer copie du dossier sans avoir reçu une demande préalable de l’employeur.

Cependant, par l’information qu’elle donne à celui-ci, elle doit lui permettre d’en solliciter la communication en temps opportun afin de le mettre en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de faire valoir ses observations avant la décision.

À défaut d’un accès effectif de l’employeur à l’entier dossier, la décision de prise en charge peut lui être déclarée inopposable dès lors notamment :

– que la CPAM refuse de manière injustifiée de faire droit à la demande de consultation du dossier intervenant dans le délai de 10 jours[1];

– que toutes les pièces recueillies par la CPAM ne figurent pas au dossier consulté par l’employeur[2];

– que l’avis du médecin-conseil de la CPAM ne figure pas parmi les pièces mises à la disposition de l’employeur[3].

Conseil n° 1 : Employeurs, avec l’assistance d’un avocat spécialiste en droit de la sécurité sociale, consultez le dossier médical AT/MP mis à votre disposition par la CPAM dans le délai dix jours francs qui vous est imparti par les articles R441-8 II et R461-9 III du Code de la Sécurité Sociale

Pour les accidents du travail, l’article R441-8 II du Code de la Sécurité Sociale dispose :

« A l’issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur. Ceux-ci disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »

Pour les maladies professionnelles, l’article R461-9 III du Code de la Sécurité Sociale dispose :

« A l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.

La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »

La seule obligation qui pèse sur la caisse est en effet d’offrir à l’employeur la possibilité de consulter les pièces dans un délai suffisant de dix jours francs avant la date de prise de décision. Au surplus, il est constant que la proposition d’une consultation du dossier suffit à établir le respect du principe du contradictoire[4].

Conseil n° 2 : Employeurs, soumettez à un avocat spécialiste en droit de la sécurité sociale le dossier médical AT/MP mis à votre disposition par la CPAM en application des dispositions de l’article R441-14 du Code de la Sécurité Sociale

L’article R441-14 du Code de la Sécurité Sociale dispose :

« Le dossier mentionné aux articles R. 441-8 et R. 461-9 constitué par la caisse primaire comprend ;

1°) la déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l’employeur ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l’assuré, ses ayants droit et à l’employeur.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l’autorité judiciaire. »

Il n’est pas expressément prévu que l’organisme de sécurité sociale soit tenu de communiquer à l’employeur une copie intégrale du dossier en sa possession, le législateur faisant simplement référence à une information sur les éléments recueillis et susceptibles de faire grief, sans plus de précisions[5].

Parmi les éléments faisant grief à l’employeur, doit figurer au dossier constitué par la caisse :

  • l’avis du médecin-conseil transmis au service administratif de la caisse qui porte sur le caractère professionnel de la maladie[6] et qui, en général, résulte de la fiche médico- administrative de liaison entre le service du contrôle médical et les services administratifs de la caisse[7].

 

  • Les questionnaires

La Cour d’appel de Paris a jugé[8] que « le dossier de la caisse, mis à disposition de l’employeur, doit comprendre l’ensemble des éléments du dossier au vu desquels elle envisage de prendre sa décision et susceptibles de faire grief à celui-ci, dont les observations recueillies par questionnaire auprès du témoin ou de la première personne avisée »

  • les certificats médicaux de prolongation

La Cour d’appel de Pau a jugé[9] à ce titre que « contrairement à la position de la caisse, la communication du dossier porte sur un dossier complet, comprenant les divers certificats médicaux détenus par la caisse, en ce compris les certificats de prolongation, dont il est constant qu’ils existaient et étaient détenus par la caisse lors de la transmission du dossier à l’employeur, la durée de l’arrêt travail étant de nature à faire grief à l’employeur, dès lors que celui-ci se voit imputer sur un compte, les conséquences financières de l’accident du travail. Il est ainsi établi un manquement de la caisse aux dispositions combinées des articles R 441-14 et R 441-13 du code de la sécurité sociale, ce manquement étant sanctionné par l’inopposabilité à l’employeur de la décision prise par la caisse. »

La Cour d’appel de Versailles a jugé[10] que « l’article susvisé inclut dans le dossier les divers certificats médicaux sans distinction de sorte qu’il appartient à la caisse de transmettre l’ensemble des certificats médicaux en sa possession, y compris ceux de prolongation d’autant que ceux-ci peuvent contenir des descriptions plus précises des lésions en cause En ne permettant pas leur consultation, la caisse a en conséquence manqué à l’obligation que lui fait l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale sus-rappelé de verser au dossier les pièces qu’il liste et par suite au principe du contradictoire, peu important l’absence de consultation effective du dossier par l’employeur. La décision de prise en charge doit donc être déclarée inopposable à la société. »

 

En revanche, la caisse n’a pas à communiquer :

  • les pièces médicales éventuellement détenues par le médecin-conseil[11]

  • les documents portant sur la fixation du taux d’incapacité permanente partielle susceptible d’être reconnu à la victime

  • les examens médicaux dont le résultat sert à caractériser la maladie visée au tableau

  • la pièce caractérisant la première constatation médicale d’une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial[12] dans la mesure où elle est en effet couverte par le secret médical.

  • une pièce que la caisse ne détenait pas et dont l’établissement n’était pas obligatoire[13]

La Cour d’appel de Poitiers a jugé[14] que « la caisse – à laquelle il incombe de justifier que l’ensemble des éléments recueillis et susceptibles de faire grief à l’employeur était inclus dans le dossier communicable à l’employeur au titre de l’article R441-14 – doit produire la preuve en ce sens. La circonstance que l’employeur a négligé de venir consulter le dossier mis à sa disposition est sans incidence sur l’appréciation du respect de l’article R441-14 dès lors que la caisse est dans l’impossibilité d’établir que les audiométries litigieuses en faisaient effectivement partie, ce que ne peut non plus établir le fait que la commission de recours amiable a pu les consulter dans le cadre du recours engagé par l’employeur. La caisse ne peut non plus se prévaloir d’une prétendue mauvaise foi de l’employeur alors qu’elle disposait de moyens préventifs simples pour justifier du respect de ses propres obligations, comme l’annexion de la notification d’une liste des éléments constitutifs du dossier communicable. Le seul constat de la carence dans les pièces tenues à disposition de l’employeur rend inopposable à celui-ci la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle en raison du non-respect du contradictoire en résultant. »

 

 

[1] Cass. 2e civ., 25 oct. 2006, n° 05-10.950 : JurisData n° 2006-035534 ; JCP S 2007, 1010, note D. Asquinazi-Bailleux. ‘ Cass. 2e civ., 14 janv. 2010, n° 08-21.847 : JurisData n° 2010-051247

[2] Cass. 2e civ., 16 sept. 2010, n° 09-67.727

[3] Cass. 2e civ., 21 juin 2012, n° 11-17.772 : JurisData n° 2012-013587. ‘ Cass. 2e civ., 14 févr. 2013, n° 11-28.568

[4] Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Chambre 4-8 10 juin 2022 / n° 22/06437

[5] Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Chambre 4-8 10 juin 2022 / n° 22/06437

[6] Cass. 2e Civ., 14 janv. 2010, n° 08-21.556

[7] Cass. 2e Civ., 28 mai 2015, n° 14- 15.175 ; 19 janv. 2017, n° 15- 28.819

[8] Cour d’appel de Paris – Pôle 6 – Chambre 13 27 mai 2022 / n° 19/07052

[9] Cour d’appel de Pau – Chambre sociale 9 juin 2022 / n° 20/00171

[10] Cour d’appel de Versailles – 5e Chambre 2 juin 2022 / n° 21/02603

[11] Cass. 2e Civ., 4 mai 2016, n° 15-23.233 ; dans le même sens, 2e Civ., 30 mars 2017, n° 16-14.674

[12] Cass. 2e Civ., 12 nov. 2020, n° 19-20.145

[13] Cass. 2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n°20-17.019

[14] Cour d’appel de Poitiers – Chambre sociale 7 juillet 2022 / n° 20/02770

 

 

Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D’UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…

Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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