Médecins, votre mise en demeure ou contrainte par la CARMF est-elle nulle ?

CARMF – Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France
Mise en demeure – contrainte

Image par Julio César Velásquez Mejía de Pixabay

Les mises en demeure qui constituent une invitation impérative adressées aux débiteurs d’avoir à régulariser leur situation dans un délai imparti et les contraintes délivrées à la suite de ces mises en demeure restée sans effet, doivent permettre aux médecins d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de leurs obligations.

Médecins

Maître Eric ROCHEBLAVE, Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale, vous conseille et vous défend contre les mises en demeure et les contraintes de la CARMF

Il est constant[1] que les contraintes doivent permettre aux médecins d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de leurs obligations.

Il est donc nécessaire qu’elles précisent, outre la nature, le montant des cotisations réclamées et la période à laquelle elles se rapportent, à défaut les contraintes sont frappées de nullité, sans que soit exigée la preuve d’un grief.

 

Est nulle la contrainte de la CARMF qui ne précise pas la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte

La motivation de la mise en demeure adressée au cotisant ne dispense pas l’organisme social de motiver la contrainte qu’il décerne ensuite pour le recouvrement des cotisations mentionnées dans la mise en demeure.

Une contrainte est néanmoins valable dès lors qu’elle fait référence à une mise en demeure (ou plusieurs) dont la régularité n’est pas contestée et qui permet à l’assuré de connaître « la nature, la cause et l’étendue de son obligation » par indication du montant et de la nature des sommes réclamées, de la période concernée et de la cause du redressement[2].

Une contrainte qui fait expressément référence à la mise en demeure régulière et détaillée dont elle reprend les périodes visées et les montants réclamés permet au médecin de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation[3].

Dans une espèce, une contrainte mentionnait seulement des sommes qui seraient dues à titre de cotisations et majorations de retard, sans détail ni précision quant à la nature et au montant individualisé de chacune des cotisations en cause (base vieillesse, complémentaire vieillesse).

La motivation de la mise en demeure préalable ne dispense pas l’organisme de recouvrement, fût-ce par référence expresse à celle-ci, de motiver la contrainte.

Pour la Cour d’appel de Paris[4], la contrainte ne permet donc pas au médecin cotisant de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation. Elle doit donc être annulée sans qu’il y ait lieu de procéder à un examen au fond.

A défaut de délivrance effective de la lettre de mise en demeure préalable, est nulle la contrainte de la CARMF qui ne précise pas la nature de la dette sociale

Pour la Cour d’appel de Nîmes[5], à défaut de délivrance effective de la lettre de mise en demeure, la CARMF doit rapporter la preuve que la seule contrainte a permis au cotisant de connaître la cause, la nature et l’étendue de son obligation.

Si la contrainte mentionne une somme globale due au titre des cotisations sociales, force est de constater qu’elle est insuffisante pour connaître précisément la nature de la dette sociale dont le médecin cotisant reste redevable à son encontre, à défaut de préciser les montants des cotisations dues pour chacun des régimes, comme cela figure sur la lettre de mise en demeure.

Il s’en déduit que la contrainte est insuffisamment motivée et ne permet pas au médecin cotisant de connaître la cause, la nature et l’étendue de son obligation.

Il y a lieu, dès lors, de constater que la contrainte litigieuse est nulle

Est nulle la contrainte si la CARMF ne justifie pas que son signataire était titulaire d’une délégation du directeur

L’article D. 253-6, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 1993, dispose :

« Le directeur peut, conformément aux dispositions de l’article R. 122-3, déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l’organisme.

Il peut déléguer, à titre permanent, sa signature au directeur adjoint de la caisse ou à un ou plusieurs agents de l’organisme.

Cette délégation doit préciser, pour chaque délégué, la nature des opérations qu’il peut effectuer et leur montant maximum s’il y a lieu ».

Par ailleurs, selon l’article 4 alinéa 2 de la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 et de son décret d’application n° 2001-492 du 10 juin 2001 sur les relations entre l’administration et les administrés, codifié sous l’article L.212-1 du code des relations entre le public et l’administration :

« Toute décision prise par les autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».

Il résulte de l’ensemble des dispositions susvisées que le directeur de l’organisme de recouvrement a la capacité de décerner une contrainte et que celle-ci doit être signée par lui ou son délégataire avec l’indication du nom, du prénom et de la qualité du signataire.

Dans une espèce, une contrainte a été signée par le chef de division, délégataire du directeur de la CARMF.

Un médecin a estimé que l’acte de recouvrement est nul dès lors qu’il n’est pas justifié du droit d’émettre le titre.

Bien qu’invitée à le faire par le médecin, la CARMF n’a pas justifié que le signataire de la contrainte était titulaire d’une délégation du directeur de l’organisme de recouvrement.

Pour la Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion[6], la contrainte devait dès lors être annulée.

[1] Cour d’appel de Basse-Terre – ch. Sociale 21 juin 2021 / n° 19/00192

[2] Cass Soc, 4 octobre 2001 n°00-12.757, Cass 2ème A, 10 novembre 2011, n°10-23034, Cass 2ème A X F Y, n°14-24718, Cass Civ 2, 12 juillet 2018, n°17-19796

[3] Cour d’appel de Rennes – ch. 09 ch. sécurité sociale 13 octobre 2021 / n° 18/04099

[4] Cour d’appel de de Paris – Pôle 06 ch. 13 17 mai 2019 / n° 16/09002

[5] Cour d’appel de Nîmes – ch. Sociale 22 juin 2021 / n° 18/04346

Dans cette espèce, la caisse a justifié que la mise en demeure a été envoyée au médecin cotisant par courrier recommandé mais l’accusé de réception correspondant à ce courrier mentionnait «pli refusé par le destinataire».

[6] Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion – ch. Sociale 8 février 2021 / n° 19/03137

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Eric ROCHEBLAVE
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Barreau de Montpellier
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