Taxation forfaitaire URSSAF : comment l’éviter ou la contester ?
La taxation forfaitaire par l’URSSAF est une sanction redoutée, souvent appliquée lorsque l’URSSAF estime ne pas disposer des éléments suffisants pour déterminer précisément l’assiette des cotisations. Elle permet à l’organisme de recouvrement d’évaluer d’office le montant des cotisations dues, sur la base de forfaits prévus par décret ou de présomptions.
Mais il est possible d’y échapper, à condition d’agir avec rigueur. Voici les leviers juridiques et pratiques pour s’y opposer efficacement.
Qu’est-ce que la taxation forfaitaire URSSAF ?
L’article R243-59-4 du Code de la sécurité sociale dispose :
« I.-Dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle fixe forfaitairement le montant de l'assiette dans les cas suivants :
1° La comptabilité de la personne contrôlée ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations, ou le cas échéant des revenus, servant de base au calcul des cotisations dues ;
2° La personne contrôlée ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou leur présentation n'en permet pas l'exploitation.
Cette fixation forfaitaire est effectuée par tout moyen d'estimation probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions sociales. Lorsque la personne contrôlée est un employeur, cette taxation tient compte, dans les cas mentionnés au 1°, notamment des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve.
En cas de travail dissimulé, cette fixation forfaitaire :
a) Peut être effectuée dans les conditions mentionnées à l'article L. 242-1-2 lorsque la personne contrôlée est un employeur ;
b) Peut être fixée, à défaut de preuve contraire, à hauteur pour chaque exercice contrôlé de trois fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3 en vigueur à la date à laquelle le contrôle a débuté lorsque la personne contrôlée est un travailleur indépendant.
II.-En cas de carence de l'organisme créancier, le forfait est établi par le responsable du service mentionné à l'article R. 155-1. »
En vertu de ces dispositions, l'URSSAF peut recourir à la taxation forfaitaire lorsque[1] :
- la comptabilité est inexistante, incomplète, mal tenue, inexacte ou insuffisante
C'est seulement lorsque la comptabilité de l'employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations que l'organisme de recouvrement est fondé à recourir à la taxation forfaitaire[2]
L’absence totale de comptabilité contraint l'URSSAF à procéder par taxation forfaitaire prévue à l'article R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale[3]
- l'entreprise ne communique pas à l'agent de contrôle les éléments qui lui sont demandés
Lorsque l'employeur ne met pas à la disposition de l'URSSAF les documents nécessaires à la réalisation du contrôle, le montant du redressement est fixé forfaitairement par l'organisme de recouvrement[4].
L’employeur avait fourni un relevé incomplet des commissions litigieuses de sorte que l'URSSAF était fondée à appliquer la taxation forfaitaire[5]
Comment éviter une taxation forfaitaire URSSAF ?
La meilleure défense est préventive :
- Tenez une comptabilité complète, bien tenue, exacte et suffisante
- Communiquez à l’agent de contrôle tous les documents demandés
Dans les 30 jours de la lettre d’observations URSSAF :
- Rédigez une réponse motivée, avec les pièces justificatives manquantes ;
Comment contester une taxation forfaitaire URSSAF ?
L’URSSAF doit prouver que la comptabilité de l’employeur était insuffisante ou incomplète
Il appartient à l'URSSAF de justifier du caractère irrégulier de la comptabilité.
En effet, la Cour de cassation a jugé que « les juges du fond ont retenu qu'il n'était pas allégué que la comptabilité de la RNUR était insuffisante ou incomplète, condition nécessaire pour que l'URSSAF puisse pratiquer une taxation forfaitaire ; que, dès lors, n'étant pas tenus de recourir à une mesure d'instruction pour suppléer la carence de l'organisme de recouvrement dans l'administration de la preuve, ils ont estimé que celui-ci ne justifiait pas de sa créance »[6]
L’URSSAF doit prouver le caractère inexploitable des documents de l’employeur
Dans le cas de documents allégués comme étant inexploitables, il incombe également à l’URSSAF d'établir ce caractère pour justifier le recours à la taxation forfaitaire.
En effet, la Cour de cassation a jugé que « lorsque l'employeur ne met pas à la disposition de l'URSSAF les documents nécessaires à la réalisation du contrôle, le montant du redressement est fixé forfaitairement par l'organisme de recouvrement, le tribunal, appréciant sans les dénaturer le sens et la portée des documents qui lui étaient soumis, notamment le procès-verbal de constat du 25 octobre 2001, a relevé que l'inspecteur de l'URSSAF avait admis avoir reçu l'intégralité des documents comptables précédemment exigés et que l'union de recouvrement n'indiquait pas en quoi les documents fournis auraient été insuffisants »[7]
L’employeur doit faire la preuve du caractère excessif ou inexact de l'évaluation forfaitaire retenue par l'URSSAF
Il incombe à l'employeur de faire la preuve du caractère excessif ou inexact de l'évaluation forfaitaire retenue par l'URSSAF[8].
L'employeur peut présenter tout moyen de défense devant la juridiction, qui ne peut refuser d'examiner les moyens de preuves invoqués devant elle, même pour la première fois, et qui sont en définitive de nature à corriger la taxation forfaitaire.
En effet, la taxation forfaitaire ne prive pas l'employeur de tout moyen de défense et celui-ci dispose encore du droit d'établir l'inexactitude et le caractère excessif de l'évaluation faite par l'organisme de recouvrement[9]
La simple disproportion alléguée entre la base forfaitaire retenue par l'URSSAF et le chiffre d'affaires réalisés par la société ne saurait entraîner l'annulation du redressement, à défaut pour la société de produire une comptabilité sincère et fiable[10].
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Contactez Maître ROCHEBLAVE, avocat spécialiste en droit de la sécurité sociale, vous conseille et vous défend face à l’URSSAF.
[1] Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2025-05-15, n° 24/01168
[2] Cour de Cassation, Chambre sociale, du 23 mai 2002, 00-17.257
[3] Cour d'appel de Versailles, 2025-03-06, n° 22/02886
[4] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 17 décembre 2009, 08-21.405
[5] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 17 septembre 2015, 14-20.896
[6] Cour de Cassation, Chambre sociale, du 21 janvier 1993, 90-17.761
[7] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 17 décembre 2009, 08-21.405
[8] Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 18 octobre 2005, 04-30.194
[9] Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 27 janvier 2004, 02-30.706
Cour de Cassation, Chambre sociale, du 19 juin 1997, 95-21.380
[10] Cour d'appel de Versailles, 2025-03-13, n° 22/03753
Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Spécialiste en Droit du Travail
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DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
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