L’Ordonnance COVID-19 en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos

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Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, l’article 11 de la LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi, en prenant toute mesure en matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique ayant pour objet :

– de permettre à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise de ces congés définis par les dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail et par les conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise ;

– de permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ;

– de permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;

Etc.

Ainsi, l’Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos détermine des dispositions spécifiques en matière de congés et de durée du travail afin de tenir compte de la propagation du covid-19 et de ses conséquences économiques, financières et sociales.

COVID-19 : les employeurs peuvent être autorisés par accord collectif de branche ou d’entreprise à imposer la prise de congés payés ou de modifier les dates d’un congé déjà posé

L’article 1er permet à un accord collectif de branche ou d’entreprise d’autoriser l’employeur, par dérogation aux dispositions applicables en matière de durée du travail et de prise des congés payés et aux stipulations conventionnelles en vigueur au niveau de l’entreprise, de l’établissement ou de la branche, d’imposer la prise de congés payés ou de modifier les dates d’un congé déjà posé, dans la limite de six jours ouvrables, soit une semaine de congés payés, en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc.

Dans ce cadre, l’employeur pourra imposer le fractionnement des congés payés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et suspendre temporairement le droit à un congé simultané des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité dans une même entreprise, ce qui permettra au cas où la présence d’un des deux conjoints seulement est indispensable à l’entreprise, ou si l’un des deux conjoints a épuisé ses droits à congés, de dissocier les dates de
départ en congés.

Article 1er

« Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19, par dérogation aux sections 2 et 3 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, un accord d’entreprise, ou à défaut un accord de branche, peut déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.

L’accord mentionné au premier alinéa peut autoriser l’employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise.

La période de congés imposée ou modifiée en application du présent article ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020. »

COVID-19 : les employeurs peuvent imposer la prise ou modifier les dates de prise des jours de RTT

Afin de répondre aux difficultés que l’entreprise ou l’établissement rencontre en cas de circonstances exceptionnelles, l’article 2 permet à l’employeur d’imposer ou de modifier sous préavis d’un jour franc, les journées de repos acquises par le salarié au titre des jours de réduction du temps de travail attribués au titre d’un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en vertu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 dans l’entreprise ou dans l’établissement, ou un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des dispositions prévues aux articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail.

Article 2

« Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, et par dérogation à l’accord ou à la convention collective instituant un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi du 20 août 2008 susvisée ou un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des dispositions prévues aux articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail,
l’employeur peut, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc :

1° Imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos au choix du salarié acquis par ce dernier ;

2° Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.

La période de prise des jours de repos imposée ou modifiée en application du présent article ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020. »

Dans le même objectif, l’article 3 permet à l’employeur d’imposer ou de modifier sous préavis d’un jour franc, les journées ou les demi-journées de repos acquises par le salarié titulaire d’une convention de forfait en jours sur l’année.

Article 3

« Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, et par dérogation à la section 5 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail, notamment son article L. 3121-64, et aux stipulations conventionnelles applicables au salarié dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, l’employeur peut, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc :

1° Décider de la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos prévus par une convention de forfait ;

2° Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos prévus par une convention de forfait.

La période de prise des jours de repos imposée ou modifiée en application du présent article ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020. »

Et l’article 4 permet à l’employeur d’imposer la prise de jours déposés sur le compte épargne temps, sous certaines conditions.

Article 4

« Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, et par dérogation au titre V du livre premier de la troisième partie du code du travail, notamment ses articles L. 3151-3 et L. 3152-2, et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, l’employeur peut imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés par la prise
de jours de repos, dont il détermine les dates en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc.

La période de prise de jours de repos imposée en application du présent article ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020. »

L’article 5 en précise les limites : le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date en application des articles 2 à 4 du texte ne peut être supérieur à dix.

Article 5

« Le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date en application des articles 2 à 4 de la présente ordonnance ne peut être supérieur à dix. »

COVID-19 : les employeurs de certains secteurs d’activités peuvent augmenter la durée du travail et réduire le repos hebdomadaire et le repos dominical

L’article 6 permet, de manière temporaire et exceptionnelle, aux entreprises des secteurs jugés essentiels à la continuité de la vie économique et à la sûreté de la nation, de déroger aux règles d’ordre public en matière de durée quotidienne maximale de travail, de durée quotidienne maximale accomplie par un travailleur de nuit, de durée du repos quotidien, de durée hebdomadaire maximale absolue et moyenne, de durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit. Des limites spécifiques sont également prévues afin de permettre aux entreprises régies par le code rural et de la pêche maritime de bénéficier du même mécanisme. Le principe du repos hebdomadaire demeure, lui, inchangé.

Les secteurs concernés, ainsi que les dérogations admises dans le respect des limites posées par cet article, seront précisés par décret.

Tout employeur faisant usage d’au moins une des dérogations admises devra en informer sans délai le comité social et économique ainsi que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

Article 6

« Dans les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret et, le cas échéant, par dérogation aux stipulations conventionnelles applicables :

1° La durée quotidienne maximale de travail fixée à l’article L. 3121-18 du code du travail (dix heures) peut être portée jusqu’à douze heures ;

2° La durée quotidienne maximale de travail accomplie par un travailleur de nuit fixée à l’article L. 3122-6 du code du travail (huit heures) peut être portée jusqu’à douze heures, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal au dépassement de la durée prévue à ce même article ;

3° La durée du repos quotidien fixée à l’article L. 3131-1 du code du travail (11 heures) peut être réduite jusqu’à neuf heures consécutives, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n’a pu bénéficier ;

4° La durée hebdomadaire maximale fixée à l’article L. 3121-20 du code du travail (48 heures) peut être portée jusqu’à soixante heures ;

5° La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives fixée à l’article L. 3121-22 du code du travail ou sur une période de douze mois pour les exploitations, entreprises, établissements et employeurs mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 et aux 2°, 3° et 6° de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime et ayant une activité de production agricole, peut être portée jusqu’à quarante-huit heures ;

6° La durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de douze semaines consécutives fixée à l’article L. 3122-7 du code du travail peut être portée jusqu’à quarante-quatre heures.

Pour chacun des secteurs d’activité mentionnés au premier alinéa, un décret précise, dans le respect de l’objectif de protection de la santé des travailleurs, les catégories de dérogations admises parmi celles mentionnées aux 1° à 6° du présent article et, dans le respect des limites prévues par ces mêmes dispositions, la durée maximale de travail ou la durée minimale de repos qui peut être fixée par l’employeur.

L’employeur qui use d’au moins une de ces dérogations en informe sans délai et par tout moyen le comité social et économique ainsi que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

Les dérogations mises en oeuvre sur le fondement de cet article cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2020. »

L’article 7 introduit quant à lui des dérogations au repos dominical à des entreprises relevant de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique, qui seront déterminés par décret, ainsi qu’aux entreprises qui assurent à celles-ci des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale.

Article 7

« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-12 du code du travail, les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret, peuvent déroger à la règle du repos dominical fixée à l’article L. 3132-3 du même code en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.

Cette dérogation s’applique également aux entreprises qui assurent à celles mentionnées au premier alinéa des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale.

Les dispositions du présent article s’appliquent dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin par dérogation aux dispositions des articles L. 3134-2 à L. 3134-12 du code du travail.

Les dérogations mises en oeuvre sur le fondement de cet article cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2020. »

Sources :
Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos
Rapport au Président de la République

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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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