Jeunes entreprises innovantes (JEI) : un mandataire social peut-il bénéficier de l’exonération des cotisations URSSAF ?

La participation d’un mandataire social à un projet de R&D suffit-elle à justifier l’exonération JEI ?

Dans un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, il a été jugé que l’URSSAF ne pouvait valablement remettre en cause l’exonération de cotisations sociales au titre du statut de jeune entreprise innovante (JEI) lorsqu’un mandataire social participe à titre principal à un projet de recherche et développement. La Cour rappelle les critères légaux et jurisprudentiels permettant de bénéficier de cette exonération, en insistant sur l’absence de lien de subordination, même en présence d’un document intitulé « contrat de travail ».




Quelles sont les conditions d’exonération URSSAF pour les JEI ?

 Selon l'article 131, II de la loi 2003-1311 du 30 décembre 2003 modifiée par la loi 2013-1278 du 29 décembre 2013,

« les cotisations exonérées des jeunes entreprises innovantes sont celles qui sont dues au titre, d'une part, des salariés énumérés au III et au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L.5422-13 du code du travail et, d'autre part, des mandataires sociaux qui participent, à titre principal, au projet de recherche et de développement de l'entreprise ou à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits tels que définis au 6° du k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. »

Selon l'article 1er du décret n°2004-581 du 21 juin 2004 pris en application de l'article 131 de la loi de finances pour 2004 (n°2003-1311 du 30 décembre 2003) instituant une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale en faveur de la jeune entreprise innovante :

 « I. - Les mandataires sociaux mentionnés au II de l'article 131 de la loi de finances pour 2004 susvisée sont:

1° Les gérants minoritaires de société à responsabilité limitée et de société d'exercice libéral à responsabilité limitée mentionnés au 11° de l'article L.311-3 du code de la sécurité sociale et les gérants minoritaires de société à responsabilité limitée mentionnés au 8° de l'article L.722-20 du code rural,

2° Les présidents-directeurs et directeurs généraux de société anonyme mentionnés au 12° de l'article L.311-3 du code de la sécurité sociale et au 8° de l'article L.722-20 du code rural ;

3° Les présidents et dirigeants de société par actions simplifiées mentionnés au 23° de l'article L.311-3 du code de la sécurité sociale et au 9° de l'article L.722-20 du code rural.

Le mandataire social est réputé participer à titre principal au projet de recherche et de développement de l'entreprise s'il exerce, en son sein, une activité de recherche ou une activité de gestion de ce projet. (...) »

Ce qu’a jugé la Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Il résulte de ces dispositions que le mandataire qui remplit les conditions susmentionnées est présumé exercer son activité dans des conditions ouvrant droit au bénéfice de l'exonération, sauf à l'organisme de recouvrement à rapporter la preuve contraire[1]

L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle[2]

La Cour de cassation juge que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné[3].

L'élément déterminant du contrat de travail est par conséquent l'existence d'un lien de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

La cotisante a produit des éléments corroborant son affirmation selon laquelle M. [Y], qui de part ses fonctions de président de la holding, est aussi président de la société par actions simplifiée, et a ainsi la qualité de mandataire social, participe, à titre principal, au projet de recherche et de développement de la société cotisante.

De plus, nonobstant la dénomination de contrat de travail donnée à un document, ses mentions établissent que les attributions de M. [Y] portent principalement sur la 'direction des recherches et du développement technique de l'entreprise, en particulier les activités liées aux systèmes de contrôle commandent, aux procédés des produits développés, aux essais de ces produits et à leur mise au point' ce qui correspond à une activité de recherche et de développement

L'inspecteur du recouvrement n'a relevé, dans le cadre de ces constatations, aucun élément permettant de caractériser l'existence d'un lien de subordination entre M. [Y] et la SAS  dont il est, de fait, à travers la holding, le président.

Il ne résulte pas davantage du contrat dit de travail, que M. [Y] soit placé sous l'autorité hiérarchique de qui que ce soit.

De plus, Pôle emploi, après étude des documents juridiques transmis par la société et les pouvoirs de M. [Y], a conclu avec constance à l'absence de lien de subordination juridique.

Il s'ensuit que l'inspecteur du recouvrement, qui s'est cantoné à la dénomination donnée à ce contrat, a retenu à tort, pour considérer que la cotisante ne pouvait bénéficier de l'exonération des cotisations patronales au titre des jeunes entreprises innovantes, que M. [Y] ne cotisait pas en qualité de salarié aux contributions du régime d'assurance chômage, alors que part sa qualité de mandataire social, ce dernier est réputé participer à titre principal au projet de recherche et de développement de la société par actions simplifiée et il est démontré par la cotisante qu'il participe, à titre principal, en son sein, à une activité de recherche ou une activité de gestion de ce projet.

Ce chef de redressement n'étant pas justifié, l'URSSAF n'est pas fondée à poursuivre le recouvrement des cotisations et contributions redressées à ce titre[4].

En pratique : que retenir de cette décision pour les dirigeants de JEI ?

✅ Le statut de mandataire social (notamment président de SAS) n’exclut pas l’exonération JEI s’il participe de manière effective à un projet de R&D ;

✅ La présomption de participation à titre principal peut être invoquée si l’activité réelle est démontrée ;

✅ Le seul intitulé d’un contrat ou d’un document ne saurait primer sur l’analyse des faits ;

✅ L’URSSAF doit apporter la preuve contraire pour contester le droit à l’exonération.

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📌 Foire aux questions (FAQ)

Un mandataire social peut-il bénéficier de l’exonération JEI ?

Oui, à condition de participer à titre principal au projet de recherche et développement de la société.

L’URSSAF peut-elle s’opposer à l’exonération ?

Oui, mais elle doit prouver que le mandataire ne remplit pas les conditions légales.

Le lien de subordination suffit-il à écarter l’exonération ?

Oui. Si un lien de subordination est prouvé, le statut de salarié l’emporte et peut exclure le bénéfice de l’exonération JEI.

[1] 2e Civ., 15 février 2018, n°16-22.056, Bull. 2018, II, n°29

[2] Ass. plén., 4 mars 1983, n°81-11.647 et 81-15.290, Bull. 1983, Ass. plén., n°3 ; Soc., 19 décembre 2000, n°98-40.572, Bull. 2000, V, n°437; Soc., 28 novembre 2018, n°17-20.079, publié

[3] Soc., 13 novembre 1996, n°94-13.187, Bull. 1996, V, n° 386

[4] Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6 juin 2025, n° 23/05463

 




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

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et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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