Un contrat d’agent commercial peut être requalifié en contrat de travail dissimulé

 

L’article L8221-6 I. du Code du travail dispose :

« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 214-18 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;»

 

Selon l’article L. 8221-6, I, du code du travail, les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation aux registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail.

Toutefois, l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs[1].

 




 

 

L’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.

A ce titre, l’article L8221-6 II. du Code du travail précise :

« II.- L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’article L. 8221-5.

Le donneur d’ordre qui a fait l’objet d’une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d’emploi salarié a été établie. »

Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d’un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail[2].

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination et moyennant une rémunération ; l’existence du contrat de travail nécessite ainsi la réunion de trois conditions cumulatives : la fourniture d’un travail, le paiement d’une rémunération et l’existence d’un lien de subordination juridique caractérisé par l’exécution du travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné[3].

L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur[4].

Ainsi, un agent immatriculé au registre des agents commerciaux ayant signé un contrat de mandataire peut saisir la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail en démontrant un lien de subordination.

C’est à l’agent commercial qui entend se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail, d’en apporter la preuve[5].

Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’ « ayant constaté que M. [T] était intégré dans une équipe, qu’il était soumis à des contraintes en matière de temps de travail et de formation, qu’il devait faire parvenir son compte-rendu hebdomadaire chaque vendredi midi au plus tard, qu’il utilisait les locaux de la société, une adresse mail au nom de la société, ainsi que des moyens de communication, des process backoffice et des outils informatiques, dont un logiciel de relations clients obligatoire, propres à la société, qu’il était soumis à une limitation forte d’initiatives dans le déroulement de son activité par des validations systématiques et qu’il dépendait du gérant de la société, la cour d’appel, qui a fait ressortir que ces éléments plaçaient l’intéressé dans un lien de subordination juridique permanent, a pu en déduire, sans être tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, l’existence d’un contrat de travail. »[6]

Du fait de la requalification de la convention en contrat de travail, et en l’absence d’indication, dans la convention, du laps de temps pour effectuer la prestation, que ce soit par semaine ou par mois, le contrat de travail est présumé à temps complet.

Il appartient, dès lors, à l’employeur de renverser la présomption de salariat à temps plein en établissant que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et ne devait pas se tenir à la disposition permanente de son employeur[7].

L’agent commercial requalifié en salarié peut prétendre à un rappel de salaire et la classification au regard de la convention collective[8] ainsi qu’à des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l’article L 8221 – 5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paye un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Toutefois la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

La formalisation d’une relation salariale en contrat d’entreprise, ou contrat de mandat, pour échapper à ses obligations d’employeur est une fraude constitutive du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, dans les conditions précisées à l’article L 8221-5 du code du travail[9].

 

 

[1] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 juin 2013, 12-13.968

[2] Cour de cassation – Deuxième chambre civile 17 février 2022 / n° 20-19.493

[3] Cour d’appel de Toulouse – 4eme Chambre Section 2 16 septembre 2022 / n° 21/00851

[4] Cour d’appel de Paris – Pôle 6 – Chambre 11 20 septembre 2022 / n° 19/02324

Cour d’appel de Toulouse – 4eme Chambre Section 2 16 septembre 2022 / n° 21/00851

[5] Cour d’appel de Paris – Pôle 6 – Chambre 11 20 septembre 2022 / n° 19/02324

Cour d’appel de Toulouse – 4eme Chambre Section 2 16 septembre 2022 / n° 21/00851

[6] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 22-12.264

[7] Cour d’appel de Colmar – Chambre 4 A 15 novembre 2022 / n° 21/00530

Cour d’appel de Toulouse – 4eme Chambre Section 2 16 septembre 2022 / n° 21/00851

[8] Cour d’appel de Colmar – Chambre 4 A 15 novembre 2022 / n° 21/00530

[9] Cour d’appel de Colmar – Chambre 4 A 15 novembre 2022 / n° 21/00530




 

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Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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