19°C  au bureau : une température convenable pour travailler ?

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Sobriété énergétique : qui contrôle le chauffage dans les bureaux ?

Extrait :

« Les considérations écologiques ou économiques passeront toujours après l’obligation pour les employeurs de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés », martèle Maître Eric Rocheblave, avocat au barreau de Montpellier et spécialiste en droit du travail et droit de la protection sociale.

 

Extrait informatif de l’article à lire intégralement sur Le Figaro

 

19°C  au bureau : une température convenable pour travailler ?

 

A quelle température fait-il trop froid pour travailler ?

L’article R4223-13 du Code du travail dispose que « Les locaux fermés affectés au travail sont chauffés pendant la saison froide. Le chauffage fonctionne de manière à maintenir une température convenable et à ne donner lieu à aucune émanation délétère. »

Votre  bureau doit être maintenu à une « température convenable » pendant la « saison froide »

Le Code du travail ne précise pas la période calendaire correspondant à la « saison froide »

Le Code du travail ne précise pas ce qu’est une « température convenable »

La jurisprudence, quant à elle, est imprécise et fluctuante 12°, 14°, 15° ?

« faute par la société CHRONOPOST de justifier après avis du médecin du travail devant les instances représentatives du personnel et notamment du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, de la mise en place d’un dispositif de chauffage adapté au maintien d’une température d’au moins 14° à l’intérieur des locaux du site où sont affectés les salariés et ne dégageant pas d’émanation délétère, une astreinte provisoire de 2000 par jour de retard pendant deux mois sera appliquée et laquelle pourra être liquidée par la cour qui s’en réserve le pouvoir à l’issue de ce délai. »

Cour d’appel, Rennes, 21 Septembre 2012 n° 12/02599

« Mme G. produit en preuve de nombreuses attestations d’anciennes collègues de travail pharmacien-assistant, préparatrices et apprenties (Mmes C., V., M., C., D), particulièrement accablantes pour l’employeur, faisant état de ce que la température des locaux de l’officine était régulièrement inférieure à 18° l’hiver (12 à 14 ° dans le vestiaire, 14 à 17° dans l’officine) obligeant les salariées à travailler avec plusieurs épaisseurs de pulls sous leur blouse, et même avec écharpe et mitaines, et à apporter des thermos de boissons chaudes sur leur lieu de travail et ce depuis l’hiver 2005-2006 au moins. 

Mme O. a justifié le recours à ce chauffage d’appoint par un problème de chaudière dû au brûleur’ depuis décembre 2006, ce qui témoigne de son incurie à remédier depuis plus de trois mois à un dysfonctionnement du système de chauffage de l’officine, en violation manifeste de ses obligations en matière d’hygiène et de sécurité des conditions de travail et notamment de l’article R 4223-13 du code du travail prescrivant que les locaux fermés affectés au travail doivent être chauffés pendant la saison froide et que le chauffage doit fonctionner de manière à maintenir une température convenable’.

Les documents et pièces produits en preuve contraire par Mme O. à l’appui de ses dénégations ne peuvent emporter la conviction, alors que les attestations émanent de salariées ayant travaillé au sein de l’officine plusieurs années avant les faits reprochés, ou de clients qui venant de l’extérieur et vêtus en conséquence ne peuvent se rendre compte pendant leur courte présence au sein de l’officine de la température anormalement basse de celle-ci.

Quant à la facture de réparation de la chaudière en date du 26 décembre 2006, elle confirme que malgré le remplacement d’une pièce défectueuse à cette date, le système de chauffage central ne permettait pas d’atteindre une température normale des locaux, sans recours à un chauffage d’appoint qui selon les dires des salariées n’était pas allumé la plupart du temps.

Cette méconnaissance réitérée par l’employeur de son obligation de préserver la santé et la sécurité de ses salariés constitue à elle seule un manquement suffisamment grave, s’agissant au surplus d’une salariée déjà fragilisée par une maladie veineuse chronique, pour justifier la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. »

Cour d’appel, Besançon, Chambre sociale, 14 Septembre 2010 n° 09/02030

« Il ressort en revanche des attestations de plusieurs stagiaires et clientes que le local n’était pas suffisamment chauffé en hiver et que la température avoisinait les 15° ;

Monsieur N. justifie de l’installation de deux convecteurs électriques en février 2002, uniquement, et ne conteste pas l’utilisation, jusqu’à cette date, d’ un radiateur mobile et d’appoint, ce qui ne constitue pas un système de chauffage; »

Le manquement de Monsieur N. à son obligation de résultat quant à la protection de la santé et de la sécurité de sa salariée est caractérisé, et s’est prolongé de longues années; l’éclairage agressif des lieux de travail, l’absence de système de chauffage suffisant jusqu’en 2002,ont constitué des conditions de travail affectant la santé de Mme G. ; cette situation justifie, par voie d’infirmation du jugement, la condamnation de Monsieur N. à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 10 000; »

Cour d’appel, Angers, Chambre sociale, 13 Novembre 2012 n° 11/00087

« La présence d’un four (de boulanger) peut certes pallier l’absence de chauffage, mais il faut aussi considérer que le four n’est pas nécessairement en fonctionnement toute la journée. L’article R 4223-13 du code du travail impose de fait à tout employeur de chauffer les locaux pendant la saison froide. »

Cour d’appel, Caen, 1re chambre civile, 24 Septembre 2013 n° 07/02057

L’article R4223-14 du Code du travail dispose que « La température des locaux annexes, tels que locaux de restauration, locaux de repos, locaux pour les travailleurs en service de permanence, locaux sanitaires et locaux de premiers secours, obéit à la destination spécifique de ces locaux. »

Votre vestiaire, vos toilettes, votre cantine doivent être chauffés à la température de leur « destination spécifique »

Le Code du travail ne précise pas quelle est la température de la « destination spécifique » de votre vestiaire, de vos toilettes, de votre cantine

L’article R4223-15 du code du travail prévoit que « L’employeur prend, après avis du médecin du travail et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, toutes dispositions nécessaires pour assurer la protection des travailleurs contre le froid et les intempéries. »

Oui mais qu’est-ce que le « froid » ?

Le Code du travail ne précise pas ce qu’est le « froid »

A quel degré, la température n’est-elle plus « convenablement » c’est-à-dire « froide » pour que l’employeur soit obligé de prendre des « dispositions nécessaires pour assurer la protection des travailleurs contre le froid » ?

L’article R4225-1 du Code du travail dispose que « Les postes de travail extérieurs sont aménagés de telle sorte que les travailleurs () dans la mesure du possible () soient protégés contre les conditions atmosphériques () »

Le Code du travail ne précise pas  à quelle température, « les conditions atmosphériques » sont trop « froides » pour que l’employeur soit obligé d’aménager les postes de travail extérieurs

L’article R4213-7 du Code du travail dispose que « Les équipements et caractéristiques des locaux de travail sont conçus de manière à permettre l’adaptation de la température à l’organisme humain pendant le temps de travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs. »

« permettre l’adaptation de la température  à l’organisme humain »

Le Code du travail ne précise pas quelle température des locaux de travail est adaptée ou non à l’organisme humain avec la variabilité liée aux « méthodes de travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs »

Parmi la liste des facteurs de risques mentionnés à l’article L.4121-3-1 du Code du travail figurent les « températures extrêmes » (Article D4121-5 2° du Code du travail).

Le Code du travail ne précise pas quelles sont ces « températures extrêmes » 

Lorsqu’il procède à l’évaluation des risques, l’employeur doit prendre en considération les « conditions de travail particulières, comme les basses températures » (Article R4444-5 8° du Code du travail)

Le Code du travail ne précise pas quelles sont ces « basses températures »

Le local dédié à l’allaitement doit être « maintenu à une température convenable » (Article R4152-13 8° du Code du travail).

Le Code du travail ne précise pas quelle est cette « température convenable »

Les équipements et caractéristiques des locaux affectés à l’hébergement doivent permettre de maintenir la température intérieure à 18 °C au moins et d’éviter les condensations et les températures excessives. (Article R4228-28 du Code du travail).

Dans le bâtiment et le génie civil, l’employeur doit mettre à la disposition des travailleurs un local-vestiaire « suffisamment chauffé » (Article R4534-139 du Code du travail).

Le Code du travail ne précise pas à quel degré le local-vestiaire est « suffisamment chauffé »

Il est interdit d’affecter les jeunes aux travaux les exposant à une « température extrême susceptible de nuire à la santé ». (Article D4153-36 du Code du travail).

Le Code du travail ne précise pas qu’est-ce qu’une « température extrême susceptible de nuire à la santé »

Face aux imprécisions du Code du travail, on peut se référer aux normes internationales et recommandations de l’INRS.

Norme X35-203 (mars 2006)

Cette norme internationale présente des méthodes de prévision de la sensation thermique générale et du degré d’inconfort (insatisfaction thermique) général des personnes exposées à des ambiances thermiques modérées. Elle permet de déterminer analytiquement et d’interpréter le confort thermique. Spécifiquement développée pour les environnements de travail, elle peut cependant être appliquée à d’autres types d’environnement.
Cette norme préconise des échelles de températures à respecter:

  • Dans les bureaux à 20 à 22 °C
  • Dans les ateliers avec faible activité physique à 16 à 18 °C
  • Dans les ateliers avec forte activité physique à 14 à 16 °C.

Norme NFX 35-204 (février 2005)

Cette norme internationale spécifie une méthode d’évaluation analytique et d’interprétation de la contrainte thermique subie par un sujet dans un environnement thermique chaud.
Les principaux objectifs de cette norme sont :

  • L’évaluation de la contrainte thermique dans des environnements susceptibles d’entraîner une élévation de la température corporelle centrale ou des pertes hydriques importantes chez un sujet standard.
  • La détermination des durées d’exposition compatibles avec une astreinte physiologique tolérable (pas de dommage physique prévisible).

Elle est destinée à évaluer les conditions de travail.

Norme ISO 7730 (2005)

Cette norme présente une méthode de prévision de la sensation thermique et du degré d’inconfort. Il ne s’agit pas de calculer des ambiances thermiques qui peuvent être dangereuses pour la santé et la sécurité des travailleurs mais de définir une ambiance thermique confortable pour les travailleurs.

Pour cela, la norme détermine des indices PMV et PPD.

  • L’indice PMV : Vote moyen prédit

Il prédit la valeur moyenne des votes d’un grand groupe de personnes sur l’échelle de perception thermique à 7 points :

  • +3 très chaud
  • +2 chaud
  • +1 légèrement chaud
  • 0 ni chaud, ni froid
  • -1 légèrement froid
  • -2 froid
  • -3 très froid

Il peut être calculé grâce aux paramètres climatiques tels que la température de l’air, le rayonnement, l’humidité et la vitesse de l’air. Il peut aussi prendre en compte le métabolisme et l’isolement vestimentaire des travailleurs.

  • L’indice PPD : pourcentage de personnes insatisfaites

La norme donne la correspondance entre les indices PMV et PPD, présentée ci-dessous :

Pour obtenir une ambiance thermique confortable, il est recommandé d’avoir un indice PPD inférieur à 10%, soit un indice PMV comprit entre -0,5 et +0,5.
La norme précise que pour atteindre ce confort thermique :

  • La vitesse de l’air reste en dessous de 0,5 m/s.
  • L’humidité relative soit comprise entre 30 et 70% pour éviter des problèmes biologiques.
  • La différence de température entre 1,1m et 0,1m du sol soit inférieure à 3°C.
  • La température de surface du sol soit comprise entre 19 et 26°C.

Norme ISO 7243 : L’indice WBGT « Ambiance chaude »

Cette norme internationale prescrit une méthode pour l’estimation de la contrainte thermique subie par un travailleur en ambiance chaude. Elle permet ainsi d’effectuer un diagnostic rapide, fiable  et facilement utilisable en milieu industriel.

Cette méthode se base sur l’indice de contrainte thermique WBGT (Wet Bulb Globe Thermometer). Cet indice est applicable pour l’évaluation de l’effet moyen de la chaleur sur les travailleurs durant une période représentative de leurs activités. (Il ne s’applique donc pas pour des contraintes thermiques de courtes durées ou proches de la zone de confort).

Il est dérivé de la formule suivante :
WBGT = 0,7 Tw + 0,2 Tg + 0,1 Td
Tw = Température du thermomètre mouillé.
Tg = Température du thermomètre à globe noir.
Td = Température de l’air.

A l’intérieur, lorsque le rayonnement solaire est négligeable, on utilise la formule suivante :

WBGT = 0,7 Tw + 0,2 Tg

Attention, l’indice WBGT ne doit pas être confondu avec une température. Le tableau suivant présente quelques relevés dans des bureaux et des industries et illustre la différence entre température et indice WBGT.

Situation Température de l’air Température globe noir Humidité relative WBGT
Bureau en hivers 22°C 22°C 40 % 16,8
Bureau en été 30°C 30°C 30 % 22,2
Atelier fermé 35°C 35°C 30 % 26,3
Atelier ensoleillé 35°C 51°C 36 % 35,0

Tableau 1 : source, http://www.deparisnet.be
La réglementation stipule des valeurs maximales de WBGT en fonction de la charge du travail.
Exemples : Sur un travail de 5 jours à raison de 8 heures par jours :

  • Pour effectuer une tâche légère qui utilise seulement les mains ou les bras, et qui concerne moins de 25 % du temps de travail, l’indice WBGT ne devra pas dépasser 32,5.
  • Par contre, pour une tâche lourde comme tirer/pousser une charge, et ce pendant 50 à 75 % du temps de travail, l’indice WBGT ne devra pas dépasser 27,5.

Norme ISO 7933 : L’indice PHS « Ambiance chaude »

Cette norme analyse et interprète la contrainte thermique grâce à l’indice PHS (Predicted Heat Strain), c’est à dire le calcul de l’astreinte thermique prévisible.
Dans ce but, elle prend en compte de nombreux paramètres afin de représenter de la meilleure façon possible la réalité de la situation de travail.

Paramètres pris en compte :

  • L’ambiance thermique
  • L’activité
  • La tenue vestimentaire

Cependant, ce calcul est complexe car il nécessite une adaptation à chaque entreprise, à chaque activité. Aussi il est effectué uniquement par des spécialistes.

Selon l’INRS « Dès que la température ambiante (à l’abri du vent) est inférieure à 5 °C, la vigilance s’impose. Car à cette température, une exposition au froid, prolongée ou non, a des effets directs sur la santé.

Si les températures comprises entre 5°C et 15 °C présentent moins de risques directs, elles peuvent néanmoins être sources d’inconfort pour des travaux sédentaires ou de pénibilité légère. Elles peuvent générer alors frissons, engourdissements ou rhumes et par ailleurs provoquer des risques indirects : accidents dus à une pénibilité et une fatigue accrues, à une perte de dextérité, survenue de TMS

Pour les travaux en extérieur, le risque est aggravé en cas d’exposition au vent. La sensation de refroidissement est causée par l’effet combiné de la température et du vent. Un indice de refroidissement éolien, établi par les météorologues canadiens, donne la température équivalente ressentie par l’organisme en fonction de la vitesse du vent, pour des individus adultes portant des vêtements d’hiver. 

L’humidité de l’air est un autre facteur à prendre en compte, dans la mesure où la perte de chaleur du corps augmente dans des conditions humides. La peau humide est, d’autre part, plus sensible au froid. Et des vêtements humides sont inconfortables et isolent mal du froid.

Pour les travaux à l’intérieur de locaux, en installations frigorifiques par exemple, il convient de relever les températures à l’intérieur des installations. Celles-ci doivent être équipées d’instruments de suivi. Pour les travaux en extérieur, il est nécessaire de surveiller régulièrement les fluctuations de température.

Plusieurs facteurs liés à la tâche à effectuer, au poste de travail ou à la situation de travail peuvent augmenter les risques dus à une exposition au froid.

Les conséquences d’une exposition au froid peuvent varier d’un travailleur à l’autre. Si certaines caractéristiques individuelles peuvent être connues de l’employeur (habitude de la tâche, âge, genre), d’autres ne peuvent être prises en compte que par le médecin du travail. Le rôle de ce dernier est fondamental pour préserver la santé des salariés et demander si besoin des adaptations de postes, tout en respectant la confidentialité médicale.Outre la prise de conseils auprès de leur médecin traitant, les travailleurs peuvent bénéficier d’une visite à leur demande auprès du médecin du travail (article R. 4624-17 du Code du travail.

En cas de besoin, un aménagement du poste de travail sera proposé.»

 

Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D’UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…

Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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