Les règlements intérieurs irrégulièrement élaborés, déposés ou publiés sont inopposables aux salariés

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L’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant au moins cinquante salariés (Article L 1311-2 du Code du travail)

Lorsqu’il est tenu d’élaborer un règlement intérieur, l’employeur ne peut pas prononcer d’autres sanctions que celles qui y sont prévues, à l’exception du licenciement[1].

La mise en place du règlement intérieur est soumise à une procédure qui s’applique également en cas de modification ou de retrait de ses clauses.

Il ressort des articles L1321-4, R1321-1 et R1321-2 du code du travail que l’employeur doit recueillir l’avis du comité d’entreprise ou à défaut des représentant du personnel et qu’il doit le communiquer en deux exemplaires à l’inspecteur du travail.

Parallèlement, il doit le déposer au greffe du conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est située l’entreprise et procéder à son affichage de manière constante sur les lieux de travail et dans les lieux où se fait l’embauchage et à leur porte.

A défaut de l’accomplissement de ces formalités, les dispositions du règlement intérieur sont inopposables aux salariés.

En effet, pour la Cour de cassation, « le règlement intérieur et les notes de service qui le complètent ne peuvent être opposés au salarié que si l’employeur a accompli les diligences prévues par l’article L. 1321-4 du code du travail, qui constituent des formalités substantielles protectrices de l’intérêt des salariés »[2].

L’article L. 1321-4 du code du travail dispose :

« Le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité social et économique.

Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.

En même temps qu’il fait l’objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l’avis du comité social et économique, est communiqué à l’inspecteur du travail.

Ces dispositions s’appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur. »

L’article R. 1321-1 du même code précise que « le règlement intérieur est porté, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche. »

L’article R. 1321-2 du même code précise que « le règlement intérieur est déposé, en application du deuxième alinéa de l’article L. 1321-4, au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement. »

L’article R. 1321-3 du même code précise que « le délai prévu au deuxième alinéa de l’article L. 1321-4 court à compter de la dernière en date des formalités de publicité et de dépôt définies aux articles R. 1321-1 et R. 1321-2. »

L’article R. 1321-4 du même code précise que « le texte du règlement intérieur est transmis à l’inspecteur du travail en deux exemplaires ».

L’article R. 1321-5 du même code précise que « l’obligation prévue au premier alinéa de l’article L. 1311-2 s’applique au terme d’un délai de douze mois à compter de la date à laquelle le seuil de cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs suivant la création de l’entreprise. »

Le juge judiciaire, et en particulier le juge prud’homal, est compétent pour apprécier l’opposabilité de du règlement intérieur aux salariés de l’entreprise[3].

Pour la Cour de cassation[4], « la cour d’appel d’Orléans, qui a constaté que le règlement intérieur mentionne qu’il a été envoyé à l’inspecteur du travail le 7 mars 2003 accompagné de l’avis des institutions représentatives du personnel, mais que l’envoi du règlement intérieur à l’inspecteur du travail n’a pas pu être accompagné de l’avis des institutions représentatives du personnel puisque l’employeur a adressé le règlement intérieur au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et à la délégation unique du personnel le 7 mars 2003, leur indiquant qu’ils avaient jusqu’au 21 mars 2003 pour formuler des remarques et que les procès-verbaux des réunions du CHSCT et de la délégation unique du personnel font apparaître que ces représentants du personnel se sont prononcés respectivement les 9 et 14 avril 2003, en a exactement déduit que le règlement intérieur était inopposable au salarié et que les sanctions prononcées à son encontre devaient être annulées ».

Pour la Cour d’appel d’Orléans, l’employeur « qui verse au débat un règlement intérieur dont il est impossible de savoir s’il s’applique à cette entreprise, qui n’est pas daté, ni accompagné de l’avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel à défaut et dont on ne sait s’il a été communiqué à l’inspecteur du travail. Ce règlement intérieur est inopposable » [5].

Pour la Cour d’appel de Douai, l’employeur « qui ne justifie pas avoir effectivement transmis le règlement intérieur à l’inspecteur du travail compétent, celui-ci n’est pas opposable au salarié »[6].

Pour la Cour d’appel de Douai, « les mentions du règlement intérieur modifié, le courrier de son dépôt au conseil de prud’hommes de Douai du 30 septembre 2014 et son récépissé du 1er octobre 2014, le courrier d’envoi à l’inspecteur du travail du 30 septembre 2014 et son accusé de réception ainsi que les procès-verbaux des consultations du comité d’entreprise du 9 septembre 2014 et du CHSCT du 26 septembre 2014 ne sauraient suffire à démontrer, alors que Madame B A le conteste, que l’association le centre Hélène Borel a respecté les formalités de publicité par affichage prévue par l’article R1321-1 du code du travail. »[7]

Pour la Cour d’appel d’Amiens, « le règlement intérieur pris dans son ensemble constitue un acte réglementaire de droit privé qui n’est pas en tant que tel transféré avec les contrats de travail au nouvel employeur.

Il en résulte que si le nouvel employeur souhaite adopter le règlement intérieur de l’entreprise cédante, il ne pourra le faire qu’à la condition de respecter la procédure d’élaboration, de publicité et de dépôt prévues par les dispositions légales et réglementaires ci-dessus rappelées. »[8]

Pour la Cour d’appel de Nîmes, « l’employeur ne justifie pas avoir recueilli l’avis des représentants du personnel préalablement aux formalités de dépôt et de publicité que, faute pour lui d’avoir satisfait à cette formalité substantielle, son règlement intérieur n’a pas pu produire effet. Il est donc inopposable aux salariés »[9]

 

[1] Cour d’appel de Douai – ch. Sociale 28 mai 2021 / n° 1621/21

[2] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 novembre 2021, 20-12.327

[3] Cour d’appel de Versailles – ch. 06 1 avril 2021 / n° 18/01347

[4] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 novembre 2021, 20-12.327

[5] Cour d’appel d’Orléans – ch. Sociale 24 juin 2021 / n° 19/00450

[6] Cour d’appel de Douai – ch. Sociale 28 mai 2021 / n° 1583/21

[7] Cour d’appel de Douai – ch. Sociale 28 mai 2021 / n° 1621/21

[8] Cour d’appel d’Amiens – ch. des Prud’Hommes 05 31 mars 2021 / n° 18/00985

[9] Cour d’appel de Nîmes – ch. civile 05 ch. Sociale 8 septembre 2020 / n° 17/03654

 

 

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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
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