La faute inexcusable des EHPAD qui ne protègent pas leurs salariés des résidents suspectés COVID-19

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité.

Le manquement à l’obligation ainsi mise à sa charge a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de l’employeur d’en rapporter la preuve.

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La Cour d’appel de Grenoble a récemment statué sur la situation d’une auxiliaire de vie sociale au sein d’une maison de retraite médicalisée (EHPAD) qui s’est trouvée en contact avec une résidente porteuse d’une tuberculose.

Pour déterminer si l’EHPAD pouvait avoir conscience du risque de contamination encouru par ses salariés du fait de la présence d’une résidente dans son établissement et de son état de santé, en application des articles 144 et suivants du code de procédure civile, les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

Pour la Cour d’appel de Grenoble, la manifestation de la vérité commandait, par application des dispositions susvisées d’ordonner avant dire droit à l’EHPAD de produire le dossier d’admission à de la résidente dans son intégralité y compris le volet médical et toutes annexes ou documents complémentaires joints à ce dossier.

Cour d’appel, Grenoble, Chambre sociale, 14 Mai 2019 – n° 17/02349

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Il est ressorti du journal de transmissions qu’à l’issue de l’hospitalisation de la résidente, celle-ci a été ramenée à la maison de retraite le 20 janvier 2011 à 15h40. Il est notamment mentionné : « en attente des résultats de recherche de BK. Mise sous augmentin pdt 20j ».

Il en résulte que l’employeur avait dès ce moment connaissance de l’existence d’une suspicion de tuberculose laquelle a été confirmée le 21 janvier à 19h13.

Pour la Cour d’appel de Grenoble, s’agissant d’un établissement médicalisé, l’employeur en sa qualité de professionnel averti avait ou aurait dû avoir conscience de l’importance de cette information dès le 20 janvier 2011 à 15h40 et de la nécessité de prévenir le danger auquel se trouvaient exposés les salariés à savoir un risque de contamination au contact de la résidente.

Or, l’employeur qui se limite à affirmer avoir pris des mesures de protection des salariés au plus tôt à partir du 21 janvier en fin de journée dont il ne justifie du reste pas la réalité, a laissé en tout état de cause l’auxiliaire de vie sociale à ses tâches professionnelles au contact de la résidente les 20 et 21 janvier sans matériel de protection adapté et sans que des mesures d’information et d’isolement préventif de la résidente ne soient prises.

Au vu de ces éléments, la Cour d’appel de Grenoble a retenu que l’employeur a commis une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.

Cour d’appel, Grenoble, Chambre sociale, 18 Février 2020 – n° 17/02350

Ces décisions de justice peuvent faire jurisprudence à l’égard des salariés d’EHPAD en situation avec des résidents suspectés COVID-19

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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/