Lenteur de la justice prud’homale : réclamez des dommages et intérêts à l’Etat !

Image par Sang Hyun Cho de Pixabay

Les délais excessifs de la procédure prud’homale constituent un déni de justice engageant la responsabilité de l’Etat français.

Mode d’emploi pour mettre en oeuvre la responsabilité de l’Etat pour lenteur de la justice prud’homale

Face à la lenteur excessive de la justice prud’homale, vous pouvez assigner l’Etat, pris en la personne de l’agent judiciaire de l’Etat, sur le fondement des articles L.141-1 du code de l’organisation judiciaire et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, en paiement de dommages-intérêts, en réparation de votre préjudice moral, au motif que le délai de traitement de votre affaire est déraisonnable et constitutif d’un déni de justice

Aux termes de l’article L 141-1 du Code de l’organisation judiciaire, « L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »

Seule la faute lourde du service de la justice peut permettre de retenir la responsabilité de l’Etat.

Constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.

Par ailleurs, l’article L 141-3 du même code dispose que

« Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants :

1° S’il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde, commis soit dans le cours de l’instruction, soit lors des jugements ;

2° S’il y a déni de justice.

Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d’être jugées.

L’Etat est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées à raison de ces faits contre les juges, sauf son recours contre ces derniers. »

Le déni de justice s’entend non seulement comme le refus de répondre aux requêtes ou le fait de négliger les affaires en l’état de l’être mais aussi plus largement tout manquement de l’Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l’individu qui comprend le droit pour le justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable.

Le déni de justice est caractérisé par tout manquement de l’Etat à son devoir de permettre à tout personne d’accéder à une juridiction pour faire valoir ses droits dans un délai raisonnable et s’apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce en prenant en considération la nature de l’affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et les mesures prises par les autorités compétentes.

Cour d’appel de Paris, 4 octobre 2016, n° 14/24218

Il est admis que l’impossibilité pour un citoyen d’obtenir une décision de justice dans un délai raisonnable caractérise un déni de justice.

Les délais de procédure doivent être appréciés à chaque étape de la procédure afin qu’un dysfonctionnement du service de la justice soit démontré.

Il est généralement admis qu’un délai de six mois entre deux étapes d’une procédure devant un conseil de prud’hommes est raisonnable au regard notamment des délais nécessaires aux parties pour réunir et échanger leurs pièces et argumentations.

Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 09 4 février 2021 / n° 18/01386
Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 09 18 février 2021 / n° 18/01392

Un délai de délibéré ne saurait excéder trois mois.

Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 09 18 février 2021 / n° 18/01392

Un déni de justice correspond à un refus d’une juridiction de statuer sur un litige qui lui est présenté ou au fait de ne procéder à aucune diligence pour instruire ou juger les affaires.

Il constitue une atteinte à un droit fondamental.

S’appréciant sous l’angle d’un manquement du service public de la justice à sa mission essentielle, il englobe, par extension, tout manquement de l’Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l’individu, qui comprend celui de répondre sans délai excessif aux requêtes des justiciables, conformément aux dispositions de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’appréciation d’un allongement excessif du délai de réponse judiciaire,  susceptible d’être assimilé à un refus de juger et, partant, à un déni de justice engageant la responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’article L.141-1 du code de l’organisation judiciaire, s’effectue de manière concrète, au regard des circonstances propres à chaque procédure, en prenant en considération les conditions de déroulement de la procédure, la nature de l’affaire, son degré de complexité, le comportement des parties en cause, aussi l’intérêt qu’il peut y avoir pour l’une ou l’autre des parties, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige, et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu’il soit tranché rapidement.

Tribunal de Grande Instance de Paris, 1ère, 22 juin 2016, n° 15/08330

Le seul non-respect d’un délai légal n’est pas en soi suffisant pour être assimilé à un refus de juger et, partant, à un déni de justice mettant en jeu la responsabilité de l’Etat

Tribunal de Grande Instance de Paris, 1ère, 16 décembre 2015, n° 15/05622

Il n’est pas discuté ni discutable qu’un retard important dans le traitement d’une demande en justice crée pour le justiciable un préjudice moral né de l’incertitude qu’il fait naître sur l’effectivité de la protection attendue de l’autorité judiciaire.

La contestation d’une mesure de licenciement, la pression psychologique inhérente aux délais de procédure anormaux doit être considérée comme majeure en ce qu’elle met en question le statut de l’intéressé au sein de la collectivité de travail et plus généralement son positionnement social.

Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 09 18 février 2021 / n° 18/01392
Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 09 4 février 2021 / n° 18/01386

La durée anormale d’une procédure occasionne nécessairement un préjudice moral, induit par l’attente prolongée, sans motif légitime, de son résultat.

Ce préjudice doit être indemnisé par l’agent judiciaire de l’Etat.

Tribunal de Grande Instance de Paris, 1ère, 16 décembre 2015, n° 15/05622

Déni de justice ou délai raisonnable de la justice prud’homale ?

Délais entre la saisine du conseil de prud’hommes et l’audience devant le bureau de conciliation

Délais raisonnables :

1 mois
Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 09 18 février 2021 / n° 18/01392

2 mois
TGI de Paris, 1ère, 16 décembre 2015, n° 15/05622

6 mois
Cour d’appel de Paris, 4 octobre 2016, n° 14/24218

Délais entre l’audience devant le bureau de conciliation et l’audience devant le bureau de jugement 

Délais excessifs :

12 mois
Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 09 18 février 2021 / n° 18/01392
1.760 € de dommages-intérêts

2 ans
Cour d’appel de Paris, 4 octobre 2016, n° 14/24218
4.000 € de dommages-intérêts

29 mois
Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 09 4 février 2021 / n° 18/01386
3.000 €

Délais raisonnables :

5 mois
Cour d’appel de Paris, 4 octobre 2016, n° 14/24218

Délai de renvoi d’une audience après une communication tardive par une partie

Délais excessifs :
9 mois
TGI de Paris, 1ère, 22 juin 2016, n° 15/08330
3.400 €

Délais entre la mise en délibéré et le prononcé du jugement

Délais excessifs :
6 mois
Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 09 18 février 2021 / n° 18/01392
1.760 € de dommages-intérêts

TGI de Paris, 1ère, 16 décembre 2015, n° 15/05622
5.500 € de dommages-intérêts

Délais entre la décision prononcée par le juge départiteur et le partage de voix

Délais raisonnables :
4 mois
Cour d’appel de Paris, 4 octobre 2016, n° 14/24218

Délais excessifs :
2 ans et 7 mois
TGI Paris, 1ère, 30 septembre 2015, n° 15/00492
4.400 €

Délais entre la déclaration d’appel et la décision prononcée par la Cour d’appel

Délais raisonnables :
22 mois (Cour d’appel de Paris, 4 octobre 2016, n° 14/24218)

Délais excessifs :
2 ans et deux mois
TGI de Paris, 1ère, 22 juin 2016, n° 15/08330
3.400 €

Vos avis sur Maître Eric ROCHEBLAVE

Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/