Prud’hommes : employeurs, ne vous laissez pas injurier, outrager ou diffamer dans les conclusions des salariés !

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Maître Eric ROCHEBLAVE conseille et défend les employeurs contre les excès des salariés dans leurs conclusions devant les Conseils de Prud’hommes

L’article 24 du code de procédure civile dispose :

« Les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice.
Le juge peut suivant la gravité des manquements, prononcer même d’office, des injonctions, supprimer des écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l’impression et l’affichage de ses jugements ».

L’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 dispose :

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou une corp non expressément nommée, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »

L’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 dispose :

« Ne donneront ouverture à aucune action les discours tenus dans le sein de l’Assemblée nationale ou du Sénat ainsi que les rapports ou toute autre pièce imprimée par ordre de l’une de ces deux assemblées.

 Ne donnera lieu à aucune action le compte rendu des séances publiques des assemblées visées à l’alinéa ci-dessus fait de bonne foi dans les journaux.

 Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage ni les propos tenus ou les écrits produits devant une commission d’enquête créée, en leur sein, par l’Assemblée nationale ou le Sénat, par la personne tenue d’y déposer, sauf s’ils sont étrangers à l’objet de l’enquête, ni le compte rendu fidèle des réunions publiques de cette commission fait de bonne foi.

 Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

 Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

 Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers. »

Il entre dans les pouvoirs des Juges prud’homaux de faire application de ces dispositions en ordonnant la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Les écrits des avocats devant les juridictions sont protégés par l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881. L’immunité instituée par cet article disparaît lorsque les écrits sont étrangers à la cause et excèdent les droits de la défense.

Cour d’appel de d’Aix-en-PROVENCE – ch. 14 30 juin 2016 / n° 15/07046

Il est constant que l’immunité édictée par l’article 41 précité ne reçoit exception que lorsque les propos sont étrangers à la cause ou lorsqu’ils excèdent les droits de la défense.

Cour d’appel de Rennes – ch. des Prud’Hommes 07 22 mai 2019 / n° 16/00447

Les écrits produits devant les juridictions prud’homales, qui relèvent de la liberté fondamentale de la défense, peuvent être supprimés conformément aux dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 lorsqu’ils sont injurieux, outrageants ou diffamatoires.

Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Pôle 04 ch. 06 3 juillet 2020 / n° 17/03323

La loi sanctionne ainsi les propos comportant une animosité personnelle, qui ne traduisent pas une idée, une opinion ou une information susceptible d’alimenter une réflexion ou un débat d’intérêt général.

Cour d’appel de de Toulouse – ch. 04 sect. 01 ch. Sociale 19 avril 2019 / n° 2019/278

Pour que les juges saisis de la cause puissent prononcer la suppression et décider d’une indemnisation, il faut que les propos litigieux, si du moins leur caractère diffamatoire, injurieux ou outrageant est établi, soient étrangers à ladite cause, ou dans le cas contraire, qu’ils excèdent manifestement les besoins de la défense de celui qui en est l’auteur.

Cour d’appel de de Paris – Pôle 06 ch. 02 9 avril 2015 / n° 14/10233

L’immunité ainsi instituée, destinée à garantir le libre exercice du droit d’agir ou de se défendre en justice, est applicable aux écrits produits et aux propos tenus devant toute juridiction. Cette règle ne reçoit exception que dans les cas où les écrits outrageants sont étrangers à la cause.

Autrement dit, pour que les écrits incriminés puissent donner lieu à suppression et à octroi de dommages et intérêts, il faut qu’ils soient étrangers à la cause.

Cour d’appel de de Dijon – ch. Sociale 10 juillet 2014 / n° 14/00246

Exemples :

C’est à juste titre que la société X  fait valoir que les développements de la salariée sur les circonstances dans lesquelles « elle a avec son époux cédé la totalité des parts qu’ils détenaient dans la société et sur les motivations de son gérant », qu’aucun élément ne vient étayer, sont de nature à porter atteinte à la réputation de ce dernier.

Cour d’appel de d’Agen – ch. Sociale 10 décembre 2019 / n° 18/00167

Les paragraphes incriminés commencent par l’évocation d’une « addiction alcoolique générant chez M. H un comportement violent et incohérent puis illustrent ce trait de personnalité en relatant un incident survenu entre ce dernier et sa mère puis un conflit entre M. H et M. B C écrits, notamment les quatre premiers paragraphes, le 6e et le dernier, portent manifestement atteinte à l’honneur et à la considération de la partie adverse, sans être le moins du monde étayés par les pièces produites (seule une attestation évoque une consommation d’alcool par M. H sur le site de la pizzeria, sans que puisse en être déduit une quelconque addiction alcoolique) », de sorte qu’ils apparaissent outrageants et diffamatoires.

Il est donc fait droit à la demande de suppression des 4 premiers paragraphes incriminés, du 6e et du dernier.

Cour d’appel de Poitiers – ch. Sociale 22 mai 2019 / n° 17/01960

Les imputations «  (…) ces éléments attestent de la volonté des dirigeants de la Société de réaliser des bénéfices importants au détriment de leurs actionnaires », étrangères à la cause, portant atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes visées et de l’employeur, et non justifiées par les nécessités du procès, sont diffamatoires et justifient la condamnation du salarié. au paiement de la somme de 1 500 € à titre de dommages intérêts.

Cour d’appel de Rennes – ch. des Prud’hommes 07 12 septembre 2018 / n° 14/10021

Les « malversations », « bénéfices déguisés » et « délires financiers » n’étant pas établis par les pièces du dossier, alors qu’ils sont outrageants pour l’employeur du salarié, il convient d’ordonner la suppression des paragraphes qui y font allusion.

Cour d’appel de de Paris – Pôle 06 ch. 05 20 octobre 2016 / n° 13/07663

« l’imputation du salarié selon laquelle l’employeur mentirait de manière éhontée » ayant porté atteinte à l’honneur et à la réputation de l’employeur, il convient d’indemniser le préjudice correspondant par l’octroi à ce dernier d’une indemnisation d’une somme de 200 € .

Cour d’appel de de Douai – ch. sociale ch. des Prud’hommes 31 mars 2015 / n° 464/15

Les allégations figurant aux écritures des salariés selon lesquelles « le procès verbal de la réunion extraordinaire du comité d’entreprise produit par la partie adverse est un faux versé au débat pour les besoins de la cause imputent à la société débitrice un fait précis, attentatoire à l’honneur et qui n’est justifié ni par la bonne foi ni par les nécessités de la défense en justice des appelants. »

Il convient, en conséquence, d’ordonner la suppression des conclusions des appelants des mentions contenant ces allégations.

Cour d’appel de de Paris – Pôle 05 ch. 08 28 octobre 2014 / n° 14/10400

Il est prétendu « qu’un ancien salarié de la société X. s’est suicidé et qu’un autre est en dépression à la suite des pressions qu’ils ont subies de la part de l’entreprise ». Aucun élément objectif ne permet de vérifier cette allégation diffamatoire. Dés lors, il y a lieu d’ordonner la suppression de ces écrits »

Cour d’appel de de Poitiers – ch. Sociale 17 septembre 2014 / n° 13/02106

 

 

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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/