Votre licenciement est-il nul pour violation par votre employeur de l’une de vos Libertés fondamentales ?

Image par Ronile de Pixabay

 

A lire également :

L’atteinte portée à la liberté d’expression d’un salarié emporte la nullité de son licenciement sans examen des griefs invoqués par l’employeur

 

L’article L. 1253-3-1 du code du travail cite, parmi les circonstances susceptibles d’entraîner la nullité du licenciement, la violation d’une liberté fondamentale.

Les libertés fondamentales des salariés

Il s’agit donc de préciser quelle liberté fondamentale a été violée par l’employeur[1].

Exemples (non exhaustifs) :

Respect de la vie privée

Aux termes de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée.

Le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail au respect de l’intimité de sa vie privée[2].

 

La liberté d’expression

Sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression et qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché[3].

Le licenciement est nul lorsqu’il constitue une sanction disproportionnée de l’exercice par le salarié de sa liberté fondamentale d’expression[4]

Le droit d’agir en justice

Il résulte de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur[5]

Le droit d’agir en justice constitue une liberté fondamentale protégée [6]

Cependant, le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait toutefois pas présumer que celle-ci procède d’une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice. Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une action en justice introduite pour faire valoir ses droits[7].

La liberté de témoigner

Le licenciement du salarié ayant témoigné contre son employeur est nul en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner.

Il est reconnu au salarié la liberté de témoigner en faveur de toute personne en litige avec son employeur.

En conséquence, le témoignage en justice d’un salarié ne peut, sauf abus, ni constituer une faute ni une cause de licenciement.

La liberté pour le salarié de témoigner en justice contre son employeur comporte une limite : la mauvaise foi. Un témoignage contenant des allégations inexactes sera sanctionné si le salarié n’ignorait pas le caractère mensonger de ses propos [8].

La charge de la preuve de la mauvaise foi pèse sur celui qui l’invoque.

La sanction des violations des libertés fondamentales des salariés

Lorsqu’un des griefs formulés à l’encontre du salarié viole une liberté fondamentale, la nullité du licenciement est encourue de plein droit[9] .

Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période[10].

Aux termes de l’article L.1235-2.-1 du code du travail, en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail[11].

La violation d’une liberté fondamentale constitue un trouble manifestement illicite

En application des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail, dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud’hommes, ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ; même en présence d’une contestation sérieuse, elle peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; en outre, selon l’article R. 1455-7 du même code, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le juge des référés doit notamment, lorsque la nullité d’un licenciement, fondée sur un texte prévoyant cette sanction ou sur la violation d’une liberté fondamentale, est encourue, se prononcer sur le point de savoir si ce licenciement constitue un trouble manifestement illicite[12].

 

[1] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 06 13 octobre 2021 / n° 19/00474

[2] Cour d’appel de Nancy – ch. sociale sect. 02 24 juin 2021 / n° 20/00399

[3] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 04 23 juin 2021 / n° 19/02995

[4] Cour d’appel de Versailles – ch. 11 6 mai 2021 / n° 18/03314

[5] Cour de cassation – Chambre sociale 29 septembre 2021 / n° 19-24.956, n° 19-24.993

[6] Cour d’appel de Montpellier – ch. sociale 01 22 septembre 2021 / n° 17/01202

[7] Cour d’appel de Rennes – ch. des Prud’Hommes 08 11 juin 2021 / n° 18/05675

[8] Cour d’appel de Bordeaux – ch. sociale sect. B 16 août 2021 / n° 18/03427

[9] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 06 29 septembre 2021 / n° 19/03085

[10] Cour de cassation – Chambre sociale 29 septembre 2021 / n° 19-24.956, n° 19-24.993

[11] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 05 8 juillet 2021 / n° 19/05410

[12] Cour d’appel de Versailles – ch. 06 16 septembre 2021 / n° 21/228

 

 

Vos avis sur Maître Eric ROCHEBLAVE

Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/