Avis du médecin du travail : pourquoi, quand, comment les employeurs doivent-ils les contester ?

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Pourquoi contester les avis du médecin du travail ?

Objet des contestations 

En application des dispositions de l’article L.4624-7, les contestations peuvent porter « sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail »

Opportunité des contestations

Pour la Cour d’appel de Paris[1] « ce texte n’impose aucune obligation à l’employeur de saisir le conseil de prud’hommes en cas de désaccord avec un avis du médecin du travail. »

Pour la Cour d’appel de Toulouse[2], « à défaut de remise en cause, l’avis (…) est devenu définitif »

Portée des contestations 

En application des dispositions de l’article L.4624-7 du code du travail, « le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. A la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification. »

L’article L.4624-7 du code du travail précise que « la décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés. »

Pour la Cour de cassation[3], « la contestation dont peut être saisi le conseil de prud’hommes, en application de l’article L. 4624-7 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, doit porter sur l’avis du médecin du travail. Le conseil des prud’hommes peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis.
Il substitue à cet avis sa propre décision, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction.
Il ne peut déclarer inopposable à une partie l’avis rendu par le médecin du travail. »

Ainsi[4], « la juridiction peut estimer que ces éléments sont insuffisants, notamment parce que le médecin du travail se serait abstenu de procéder à l’une ou plusieurs des investigations prévues par l’article R.4624-42 du code du travail : une telle irrégularité, si elle ne permet pas au conseil de prud’hommes de déclarer l’avis « inopposable », peut toutefois justifier que le conseil de prud’hommes, s’il l’estime nécessaire, ordonne une mesure d’instruction confiée au médecin-inspecteur du travail, comme l’article L.4624-7 du code du travail lui en laisse la possibilité. Par conséquent, la chambre sociale, dans la réponse à la demande d’avis présentée par le conseil de prud’hommes de Cayenne, n’exclut pas tout examen de la procédure suivie par le médecin du travail ; mais elle considère que cette question s’insère dans l’appréciation, par le juge saisi d’une contestation sur l’avis lui-même, des éléments ayant conduit le médecin du travail à conclure à l’inaptitude du salarié : et c’est sur cette question de fond, l’aptitude du salarié à occuper son poste de travail, que le juge saisi de la contestation en application de l’article L.4624-7 du code du travail devra se prononcer, sa décision se substituant sur ce point à celle du médecin du travail. »

Pour la Cour d’appel de Rouen[5], « les articles L 4624-7 et R 4624-45 du code du travail ne permettent au salarié et à l’employeur, depuis le 1er janvier 2017, de contester devant le conseil des prud’hommes que les éléments de nature médicale justifiant les avis d’aptitude, selon la procédure accélérée au fond, et si le conseil peut, dans le cadre de sa compétence, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis, ce qui inclut les éléments énumérés par le texte précité, il n’est nullement prévu que le non-respect des règles de procédure prescrites puisse affecter à lui seul la validité de l’avis délivré.(Revue de droit du travail 2021 p. 397, à propos d’un avis de la Cour de cassation) »

Pour la Cour d’appel de Toulouse[6], « aux termes de l’article R 4624-45 du code du travail applicable à la date du litige, la contestation devant le conseil de prud’hommes saisi en la forme des référés porte ‘sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications de nature médicale émis par le médecin du travail’ mais le texte ne précise rien s’agissant d’une contestation portant sur des éléments qui ne sont pas de nature médicale ce qui est le cas en l’espèce.

En effet l’appelant soulève que l’avis d’inaptitude a été rendu par rapport à un poste de coordonnateur qui n’est pas reconnu comme étant celui auquel il était affecté au moment de la déclaration d’inaptitude. Il sera donc considéré qu’il peut contester l’avis d’inaptitude devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une contestation du licenciement pour inaptitude prononcé, en se fondant sur un non-respect de la procédure de constat d’inaptitude, l’analyse du poste occupé étant déterminante pour ce constat, peu important que l’état de santé du salarié fasse finalement obstacle à tout reclassement dans un emploi. Aussi la déclaration d’inaptitude ayant été prononcée sur la base d’une étude d’un poste de travail erroné, le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.»

Pour la Cour d’appel de Grenoble[7], « il résulte de ces dispositions que la contestation dont peut être saisi le conseil de prud’hommes doit porter sur l’avis du médecin du travail. Le conseil des prud’hommes peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis. Il substitue à cet avis sa propre décision, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction. Il ne peut déclarer inopposable à une partie l’avis rendu par le médecin du travail.

Il ressort des dispositions précitées que l’étude de poste est réalisée par le médecin du travail en prenant en compte des éléments de nature médicale liés à l’état de santé du salarié. »

Pour la Cour d’appel d’Angers[8], « si la loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016 a transféré le recours contre les avis du médecin du travail aux juridictions prud’homales dans sa formation des référés, dans des termes qui pourraient laisser supposer que le salarié ou l’employeur ne pouvaient que contester « les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail », et non les autres éléments de ces avis et propositions, singulièrement ceux portant sur les postes de travail ou les aménagements demandés, l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a reformulé les termes de l’article L. 4624-7 pour plus de clarté. La contestation porte bien sur les « avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale ».

Compte tenu de ces éléments, et de l’évolution législative postérieure dans la rédaction de l’article L.4624’7 du code du travail, il convient de considérer que le législateur a dès la réforme de 2016 souhaité que les avis dans leur globalité soient contestés devant le conseil de prud’hommes en sa formation des référés. »

Pour la Cour d’appel de Riom[9], « dans le cadre d’un recours sur le fondement de l’article L. 4624 7 du code du travail, le juge prud’homal peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis. 

La contestation par saisine du conseil de prud’hommes ne suspend pas le caractère exécutoire et impératif de l’avis du médecin du travail. La contestation d’un avis d’aptitude n’impliquant pas la suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut pas s’opposer à la reprise du travail du salarié. L’employeur peut procéder au licenciement d’un salarié inapte sans attendre l’issue du recours exercé contre l’avis d’inaptitude. Si le salarié conteste l’avis d’inaptitude avant son licenciement, sa contestation ne suspend pas le délai d’un mois à l’issue duquel le versement de la rémunération du salarié doit être repris.

Le juge prud’homal doit prendre position sur l’aptitude ou l’inaptitude du salarié ; il ne peut se contenter d’annuler l’avis du médecin du travail ou de déclarer cet avis inopposable à une partie.

La décision du juge prud’homal se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés du médecin du travail. L’avis du médecin du travail qui a été infirmé n’est censé n’être jamais intervenu. Tant qu’il n’est pas infirmé, l’avis du médecin du travail s’impose aux parties et le recours ne prive pas l’employeur du droit de solliciter un nouvel avis auprès du médecin du travail.

Dans le cadre d’une contestation d’un avis rendu par un médecin du travail, suite à une visite de reprise, sur la comptabilité entre l’état de santé du salarié et la reprise du poste de travail précédemment occupé par celui-ci, s’il peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis, le juge prud’homal ne saurait se prononcer concernant des éléments sur lesquels le médecin du travail ne s’est légitimement pas prononcé ou qui ne lui ont pas été soumis à l’époque considérée.

L’employeur ou le salarié peuvent contester les avis et préconisations du médecin du travail, voire tous les écrits de celui-ci concernant l’état de santé du salarié en rapport avec l’exécution du contrat de travail ou l’emploi, et, dans ce strict cadre, la décision du juge prud’homal se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés du médecin du travail, mais, pour le surplus, le juge prud’homal n’a pas vocation à se substituer au médecin du travail et à devenir l’interlocuteur de l’employeur s’agissant notamment des aménagements du poste de travail ou des possibilités de reclassement du salarié sur des questions ou points ni tranchés ni même soumis au médecin du travail. »

Pour la Cour d’appel de Pau[10], « le recours ouvert à l’employeur sur le fondement des dispositions précitées ne peut tendre qu’à l’obtention d’une décision judiciaire se substituant aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés. »

Pour la Cour d’appel de Montpellier[11], « la contestation autorisée par le texte précité ne tend pas à faire juger un manquement aux règles de l’art du médecin du travail à l’origine de l’avis mais à obtenir un nouvel avis technique. »

Pour la Cour d’appel de Lyon[12], « dans le cadre de l’application de l’article 4624-7, il n’y a pas lieu de rechercher l’origine de l’inaptitude »

Pour la Cour d’appel de Toulouse[13], le Conseil de prud’hommes « doit déterminer si, au regard des éléments produits, l’avis d’inaptitude tel que délivré par le médecin du travail doit être maintenu, ou s’il convient d’y substituer un avis différent, ou encore d’ordonner une expertise préalable. »

 

Comment contester les avis du médecin du travail ?

Modalités des contestations

En application des dispositions de l’article L.4624-7 du code du travail, « l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond » 

L’article R.4624-45 du code du travail précise que « les modalités de recours ainsi que {le] délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail » et que « le conseil de prud’hommes statue selon la procédure accélérée au fond dans les conditions prévues à l’article R. 1455-12 »

Coût des contestations

L’article L.4624-7 du code du travail précise que « le conseil de prud’hommes peut décider, par décision motivée, de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive. Ces honoraires et frais sont réglés d’après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget. »

L’article  R.4624-45-1 du Code du travail dispose que « la provision des sommes dues au médecin-inspecteur du travail désigné en application de l’article L. 4624-7 est consignée à la Caisse des dépôts et consignations.

Le greffe est avisé de la consignation par la Caisse des dépôts et consignations.

Le président du conseil de prud’hommes statuant selon la procédure accélérée au fond fixe la rémunération du médecin-inspecteur du travail conformément au IV de l’article L. 4624-7.

La libération des sommes consignées est faite par la Caisse des dépôts et consignations sur présentation de l’autorisation du président de la formation de référé. »

 

 

Quand contester les avis du médecin du travail ?

Délai de contestation

L’article R.4624-45 du code du travail précise que « le conseil de prud’hommes (…) est saisi dans un délai de quinze jours à compter de [la] notification » des avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail

Point de départ du délai de contestation

Pour la Cour de cassation[14], « le point de départ du délai de quinze jours pour la saisine du conseil de prud’hommes court à compter de la notification de l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail. »

Pour la Cour de cassation[15], la date de réception de l’avis d’inaptitude ne peut être présumée.

Pour la Cour de cassation[16], « Aux termes de l’article R. 4624-55 du code du travail, l’avis médical d’aptitude ou d’inaptitude émis par le médecin du travail est transmis au salarié ainsi qu’à l’employeur par tout moyen leur conférant une date certaine. Il en résulte que, pour constituer la notification faisant courir le délai de recours de quinze jours à l’encontre d’un avis d’aptitude ou d’inaptitude, la remise en main propre de cet avis doit être faite contre émargement ou récépissé. »

Pour la Cour d’appel de Dijon[17], « en vertu de l’article R. 4624-45 du code du travail, en cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail, le conseil de prud’hommes statuant selon la procédure accélérée sur le fond est saisi dans un délai de quinze jours à compter de leur notification ; ce délai de 15 jours court à compter de la notification de l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail »

[1] Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 02 24 février 2022 / n° 21/03745

[2] Cour d’appel de Toulouse – ch. 04 sect. 01 21 janvier 2022 / n° 2022/40

[3] Avis Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 mars 2021, 21-70.002

[4] Lettre de la chambre sociale N°9 – Mars/avril 2021

[5] Cour d’appel de Rouen 9 septembre 2021 n° 19/00850

[6] Cour d’appel de Toulouse, 9 novembre 2021 n° RG 19/04788

[7] Cour d’appel de Grenoble 30 septembre 2021 n° 19/0151

[8] Cour d’appel d’Angers, 15 juillet 2021 n° 19/00152

[9] Cour d’appel de Riom – ch. civile 04 1 mars 2022 / n° 21/01848

[10] Cour d’appel de Pau – ch. sociale 10 février 2022 / n° 21/02720

[11] Cour d’appel de Montpellier – ch. sociale 01 2 février 2022 / n° 21/03513

[12] Cour d’appel de Lyon – ch. sociale B 21 janvier 2022 / n° 20/05887

[13] Cour d’appel de Toulouse – ch. 04 sect. 02 21 janvier 2022 / n° 2002/43

[14] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juin 2021, 19-24.061

[15] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 juin 2021, 20-14.552

[16] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 mars 2022 n° 20-21.715

[17] Cour d’appel de Dijon, 25 novembre 2021 n° 21/00516

Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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