Les employeurs pourront-ils obliger les salariés à se faire vacciner contre la COVID-19 ?

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L’évaluation des risques professionnels par l’employeur permet d’identifier les salariés pour lesquels des mesures de protection, comme la vaccination, peuvent être nécessaires.

La vaccination en entreprise est (article R 4426-6 du Code du travail) :

  • soit obligatoire en vertu d’une disposition du Code de la santé publique,
  • soit recommandée par l’employeur, s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, aux salariés non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés. La vaccination appropriée est alors à la charge de l’employeur

Les articles L. 3111-4 et L. 3112-1 du code de la santé publique énoncent les obligations vaccinales :

  • contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe* pour les personnes qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exercent une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination et les élèves ou étudiants d’un établissement préparant à l’exercice des professions médicales et des autres professions de santé
  • contre la fièvre typhoïde pour les personnes qui exercent une activité professionnelle dans un laboratoire de biologie médicale
  • antituberculeux BCG

Article L. 3111-4 du code de la santé publique

« Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe*.

Les personnes qui exercent une activité professionnelle dans un laboratoire de biologie médicale doivent être immunisées contre la fièvre typhoïde.

Un arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les catégories d’établissements et organismes concernés.

Tout élève ou étudiant d’un établissement préparant à l’exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé, qui est soumis à l’obligation d’effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doit être immunisé contre les maladies mentionnées à l’alinéa premier du présent article.

Les établissements ou organismes employeurs ou, pour les élèves et étudiants, les établissements ayant reçu leur inscription, prennent à leur charge les dépenses entraînées par ces vaccinations.

Les conditions de l’immunisation prévue au présent article sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de la Haute Autorité de santé et compte tenu, en particulier, des contre-indications médicales. »


* L’obligation vaccinale contre la grippe prévue à l’article L. 3111-4 du code de la santé publique est suspendue depuis 2006 par « Décret n°2006-1260 du 14 octobre 2006 pris en application de l’article L. 3111-1 du code de la santé publique et relatif à l’obligation vaccinale contre la grippe des professionnels mentionnés à l’article L. 3111-4 du même code »


Article L. 3112-1 du code de la santé publique

« La vaccination par le vaccin antituberculeux BCG est obligatoire, sauf contre-indications médicales reconnues, à des âges déterminés et en fonction du milieu de vie ou des risques que font encourir certaines activités.

Les personnes titulaires de l’autorité parentale ou qui ont la charge de la tutelle de mineurs sont tenues personnellement à l’exécution de cette obligation.

Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Haute Autorité de santé. »


Arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné

« Article 1

Toute personne exposée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite lorsqu’elle exerce une activité professionnelle dans les catégories suivantes d’établissements ou d’organismes publics ou privés de prévention ou de soins:

    1. Etablissements ou organismes figurant aux nomenclatures applicables aux établissements sanitaires et sociaux en exécution de l’arrêté du 3 novembre 1980 modifié susvisé:

– établissements relevant de la loi hospitalière;
– dispensaires ou centres de soins;
– établissements de protection maternelle et infantile (P.M.I.) et de planification familiale;
– établissements de soins dentaires;
– établissement sanitaire des prisons;
– laboratoires d’analyses de biologie médicale;
– centres de transfusion sanguine;
– postes de transfusion sanguine;
– établissements de conservation et de stockage de produits humains autres que sanguins;
– établissements et services pour l’enfance et la jeunesse handicapées;
– établissements et services d’hébergement pour adultes handicapés;
– établissements d’hébergement pour personnes âgées;
– services sanitaires de maintien à domicile;
– établissements et services sociaux concourant à la protection de l’enfance;
– établissements de garde d’enfants d’âge préscolaire;
– établissements de formation des personnels sanitaires.

 

    1. Autres établissements et organismes:

– services communaux d’hygiène et de santé;
– entreprises de transport sanitaire;
– services de médecine du travail;
– centres et services de médecine préventive scolaire ;
– services d’incendie et de secours. 

 

Article 2
Modifié par Arrêté du 29 mars 2005 – art. 1, v. init.
Sont assimilés aux établissements et organismes mentionnés à l’article précédent, dans la mesure où ils participent à l’activité de ces derniers:

– les blanchisseries;
– les entreprises de pompes funèbres;
– les entreprises de transport de corps avant mise en bière.
– services d’incendie et de secours. »


C’est le médecin du travail qui veille, sous la responsabilité du chef d’établissement, à l’application des dispositions du code de la santé publique sur les vaccinations obligatoires (article R4626-25 du Code du travail)

Il procède lui-même ou fait procéder à ces vaccinations ainsi qu’à celles qui seraient imposées par une épidémie. Les agents peuvent les faire pratiquer par le médecin de leur choix. Ils fournissent un certificat détaillé.

Le médecin du travail est habilité à pratiquer les vaccinations qui sont recommandées en cas de risques particuliers de contagion.


Lorsque la réglementation applicable (code de la santé publique, convention collective, arrêté…) à une activité professionnelle, rend obligatoire une vaccination, un salarié ne peut pas refuser d’être vacciné sauf à justifier d’un avis médical de contre-indication.  

Un salarié refusant de manière injustifiée une vaccination obligatoire peut être licencié par son employeur, du fait de l’obligation de sécurité de ce dernier

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 26 janvier 2010), que M. X…, a été engagé en qualité d’employé des pompes funèbres le 7 janvier 1982 par M. Y… aux droits duquel se trouve la société Les fils de Louis Y… ; que le 7 septembre 2007, le médecin du travail a prescrit sa vaccination obligatoire contre l’hépatite B ; que le salarié licencié le 7 décembre 2007 pour cause réelle et sérieuse à la suite de son refus de se faire vacciner conformément aux dispositions de l’arrêté du 15 mai 1991 et de l’article 211 de la convention collective des pompes funèbres, a saisi la juridiction prud’homale ;

 Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors, selon le moyen que ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus du salarié de subir une vaccination obligatoire, dès lors que celle-ci l’expose à un risque de développer une maladie grave, de sorte que le salarié peut s’opposer à cette vaccination en raison des risques qu’elle présente ; que la cour en énonçant, pour décider que le licenciement de M. X…reposait sur une cause réelle et sérieuse, que l’employeur était tenu d’une obligation de résultat en matière de sécurité des salariés et que le refus opposé par le salarié de subir une vaccination obligatoire contre l’hépatite B constituait une cause réelle et sérieuse, sans que ce dernier ne puisse opposer des controverses sur les effets secondaires possibles de cette vaccination obligatoire et notamment le risque de développer une sclérose en plaques, a ainsi violé l’article L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu qu’après avoir justement retenu que la réglementation applicable à l’entreprise de pompes funèbres imposait la vaccination des salariés exerçant des fonctions les exposant au risque de la maladie considérée, la cour d’appel, qui a constaté la prescription de cette vaccination par le médecin du travail et l’absence de contre-indication médicale de nature à justifier le refus du salarié, en a exactement déduit que celui-ci ne pouvait s’y opposer »

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 juillet 2012, 10-27.888


Hors les cas de vaccination obligatoire énumérés ci-dessus, la vaccination peut être recommandée par l’employeur, s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, aux salariés non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés.

La vaccination appropriée est alors à la charge de l’employeur.

L’obligation vaccinale contre la grippe prévue à l’article L. 3111-4 du code de la santé publique est suspendue par « Décret n°2006-1260 du 14 octobre 2006 pris en application de l’article L. 3111-1 du code de la santé publique et relatif à l’obligation vaccinale contre la grippe des professionnels mentionnés à l’article L. 3111-4 du même code »

Ainsi, la vaccination contre la grippe ne peut qu’être recommandée et non imposée aux salariés.

Il en est de même pour la vaccination contre la coqueluche, l’hépatite A, la leptospirose, la rage, la rougeole, la rubéole, la varicelle….

Ces vaccinations non obligatoires par le Code de la santé publique ne peuvent être imposées aux salariés par leurs employeurs.

Les employeurs ne peuvent que recommander à leurs salariés de se faire vacciner contre la grippe, la coqueluche, l’hépatite A, la leptospirose, la rage, la rougeole, la rubéole, la varicelle…., s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail.


Si la vaccination contre la COVID-19 n’est pas rendue obligatoire par le Code de santé publique, elle ne pourra pas être imposée aux salariés par les employeurs.

Les employeurs ne pourront que la recommander, s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail.

 

 

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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/