Discrimination fondée sur l’état de santé : Succès de Maître Eric ROCHEBLAVE
La Cour d’appel de Nîmes ordonne la réintégration d’un salarié et condamne l’employeur à lui verser plus de 227.000 € bruts
Par arrêt du 13 mai 2025, la Cour d’appel de Nîmes a reconnu le caractère discriminatoire du licenciement d’un salarié prononcé en raison de son état de santé, et a prononcé la nullité de cette rupture, conformément aux dispositions de l’article L.1132-4 du Code du travail.
➡️ Ce succès judiciaire a été obtenu par Maître Eric ROCHEBLAVE, avocat spécialiste en droit du travail, qui assurait la défense du salarié.
Le salarié avait été licencié alors même qu’il avait fait connaître son souhait de reprendre ses fonctions dès la fin de son arrêt de travail, fixée au 10 mars 2017. Malgré cette intention clairement exprimée lors de l’entretien préalable, l’employeur a précipitamment notifié le licenciement dès le 9 mars 2017, sans organiser la visite médicale de reprise obligatoire.
La Cour a rappelé que l’employeur ne peut se prévaloir de prétendues perturbations organisationnelles pour contourner l’interdiction légale de licencier en raison de l’état de santé. En l’absence d’un remplacement définitif effectif et d’une désorganisation avérée de l’entreprise au sens strict du droit du travail, le motif de licenciement invoqué n’a pas été retenu.
Réintégration ordonnée et condamnation financière
Dans son arrêt, la Cour d’appel :
ordonne la réintégration du salarié dans son emploi ou à défaut dans un emploi équivalent ;
condamne l’employeur à lui verser plus de 227.000 € bruts, comprenant :
- 159.104,41 € bruts d’indemnité d’éviction,
- 5.000 € bruts au titre d’une non-concurrence
- 12.190,22 € bruts au titre d’un solde sur clause de non-concurrence,
- 48.345,76 € d’intérêts légaux (au 13 mai 2025),
- 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Une décision fondée sur les principes constitutionnels de protection de la santé
Cette décision souligne l’importance du respect du principe de non-discrimination en matière de santé, protégé par l’article L.1132-1 du Code du travail et les principes constitutionnels issus du préambule de 1946.
Elle rappelle que l’employeur a l’obligation d’organiser la visite de reprise et de respecter les droits du salarié en arrêt maladie, notamment lorsqu’il manifeste son souhait de reprendre le travail.
La Cour d’appel de Nîmes a jugé[1] :
« L'article L.1132-1 du code du travail fait interdiction à l'employeur de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail. En application de ce texte ainsi que de l'article L.1132-4 du même code, tout licenciement prononcé à l'égard d'un salarié en raison de son état de santé est nul.
Ce texte ne s'oppose cependant pas au prononcé d'un licenciement motivé non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé.
Dans ce cas, le salarié ne peut être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié. Le remplacement définitif du salarié malade suppose l'embauche par l'entreprise d'un nouveau salarié en contrat à durée indéterminée selon un horaire équivalent soit avant la date du licenciement soit à une date proche de celui-ci soit après un délai raisonnable apprécié par rapport à la date du licenciement et non à celle de la fin du préavis. Tel n'est pas le cas si le salarié est remplacé par un autre salarié dans le cadre d'une promotion interne, sauf à constater que ce salarié a lui-même été remplacé par un salarié en contrat à durée indéterminée.
Il en résulte que l'employeur doit se prévaloir, dans la lettre de licenciement, d'une part, de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise et, d'autre part, de la nécessité du remplacement du salarié, dont le juge doit vérifier s'il est définitif.
En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'absence prolongée du salarié, ou ses absences répétées peuvent constituer un motif réel et sérieux de rupture en raison de la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement serait perturbé, obligeant l'employeur à pourvoir au remplacement définitif du salarié (Cass. soc., 13 mars 2001, no 99-40.110 ; Cass. soc., 28 oct. 2009, no 08-44.241 ; Cass. soc., 29 juin 2011, no 10-11.052).
En pareille hypothèse, il appartient à l'employeur d'établir à la fois :
- la perturbation engendrée par le prolongement de l'absence du salarié ou ses absences répétées,
- la nécessité de son remplacement définitif.
Pour nécessaire qu'elle soit, la désorganisation n'est pas suffisante (Cass. soc., 19 oct. 2005, no 03-46.847).
Il faut qu'elle soit constatée au niveau de l'entreprise et non pas du service ou de l'agence.
La Cour de cassation admet cependant la possibilité pour l'employeur de se prévaloir de la perturbation d'un service présentant un caractère essentiel dans l'entreprise (Cass. soc., 23 mai 2017, no 14-11.929 ; Cass. soc., 26 juin 2018, no 15-28.868).
Si la perturbation de l'entreprise peut être palliée par une nouvelle répartition du travail entre les salariés ou par l'embauche temporaire d'un autre travailleur, le remplacement ne sera pas considéré comme nécessaire.
Le remplacement doit être définitif et effectif dans un délai raisonnable après le licenciement, apprécié par rapport à la date du licenciement et non à celle de la fin du préavis, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement.
La règle s'impose également lorsque l'employeur réaménage les postes en effectuant un remplacement « en cascade » (Cass. soc., 15 janv. 2014, nº 12-21.179).
Pour apprécier la désorganisation de l'entreprise, le juge tient notamment compte du nombre et de la durée des absences, de la taille de l'entreprise, de la nature des fonctions exercées par le salarié, de la spécificité du poste de travail.
Un licenciement qui ne répondrait pas aux exigences susvisées doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et non pas nul.
La nullité de la rupture ne peut être prononcée qu’à charge pour le salarié de démontrer que le licenciement est intervenu en raison de son état de santé et n’est pas lié aux perturbations alléguées par l’employeur.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 9 mars 2017 qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :
« [...] Au cours de notre entretien, nous vous précisons le fait que, depuis le mois de Septembre 2016, nous avons enregistré vous concernant un important nombre d'absences, listées ci-dessous :
-
- du 20 septembre au 23 septembre 2016 inclus
- du 5 Octobre 2016 au 5 Janvier 2017 inclus
- du 12 janvier 2017 au 12 février 2017 inclus
- du 13 février 2017 au 10 mars 2017 inclus
Vous vous êtes gravement blessé au genou le 05 octobre 2016 lors de votre pratique de loisir personnel du Judo et vous êtes absent depuis lors, malgré un retour pour quelques jours non concluant début janvier 2017.
Vos absences répétées et de longue durée ont un impact sur le fonctionnement de l'entreprise et il nous est de plus en plus difficile de mettre en place une organisation palliative.
Notre société, malgré de forts enjeux financiers avec un Chiffre d'Affaires global de l'ordre de 80 Millions d'euros annuels, dispose d'une structure humaine de taille réduite : nous comptons 97 salariés, dont seulement 55 salariés sur l'établissement de Rousset auquel vous êtes rattaché. Vous faites partie de l'organisation commerciale de cet établissement comportant pour sa part 11 personnes incluant votre responsable hiérarchique, et le Chiffre d'Affaires de votre secteur pour 2016 s'établit à près de 9 Millions d'euros.
Votre mission dans ce contexte est de commercialiser, sur le secteur qui vous est attribué, notre gamme produits qui comporte plus de 3000 références. Sur votre secteur, vous visitez régulièrement 73 clients et vous avez l'opportunité d'élargir notre base de clientèle en démarchant par ailleurs 76 prospects connus.
Les compétences techniques et la connaissance détaillée que vous avez acquises de la vaste gamme de produits K, ainsi que le contact personnel et le relationnel que vous avez développés auprès de vos interlocuteurs chez nos clients sur le seul secteur du Gard et de l’Hérault qui a été le vôtre au cours des 11 dernières années, font que nous sommes dans l'impossibilité complète de vous remplacer temporairement, de manière qualitative, et dans un bref délai, en ayant recours à des ressources externes à la société.
Pour toutes les raisons qui précèdent, le poste que vous occupez relève du statut Cadre et vous percevez une rémunération en conséquence, parmi les plus élevées de l'établissement et de la société.
La durée de vos absences étant longue, nous avons dû mettre en place une organisation nous permettant d'assurer la continuité de l'activité et de préserver le chiffre d'affaires de votre secteur :
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- votre supérieur hiérarchique, qui ne réside pas sur le secteur, a pris en charge le suivi commercial des grands comptes de votre secteur.
- le Chargé d'Affaires Généraliste en charge des départements 26/07/84, a assuré la présence téléphonique et mail auprès des clients moins stratégiques afin de répondre à leurs très nombreuses sollicitations (demandes de prix, de chiffrages, conseil technique, suivi des litiges et des demandes d'avoirs, gestion tarifaire...) avec la réactivité qu'ils sont en droit d'attendre,
- les Chargés d'Affaires Spécialistes ont été chargés, chacun pour leur gamme de produits spécifiques, d'apporter un support et une présence accrus auprès des clients de votre secteur en votre absence
Néanmoins, ce n'est pas chose facile. Votre poste exige une certaine expérience et connaissance spécifique des clients qui ne peut s'acquérir en quelques jours.
D'autre part, toutes ces personnes ont assuré ces missions depuis plus de cinq mois à présent, en plus de leurs missions et tâches habituelles, engendrant une surcharge de travail et, par conséquent, pour plusieurs d'entre elles des déplacements inhabituels, plus lointains et plus fréquents, et des amplitudes horaires élargies.
Le contexte actuel et les conditions de marché sont par ailleurs extraordinairement perturbés : en effet depuis le mois de Novembre 2016, nous subissons une flambée du coût des matières premières qui nous contraint à annoncer des hausses de prix de vente d'une ampleur très importante à l'ensemble de nos clients, y compris à ceux de votre secteur. Cette situation à elle seule entraine une surcharge de travail exceptionnelle, nécessitant des visites auprès de l'ensemble de nos clients négociants ainsi que des visites auprès de nos clients finaux poseurs et utilisateurs de nos produits, y compris bien évidemment sur votre secteur, afin de convenir en détail des modalités de hausse de nos prix de vente et des éventuels cas particuliers.
Votre absence, de trois mois initialement, puis prolongée de mois en mois depuis début janvier, cumulée à ces conditions de marché exceptionnelles, provoque un mécontentement croissant de la part des clients de votre secteur et parfois d'autres secteurs, qui, malgré ou du fait de l'organisation palliative mise en place, déplorent un manque de présence et d'accompagnement
commercial à leurs côtés.
Ainsi, nous avons à déplorer sur votre secteur la perte de notre client M., qui par manque de support commercial, et excédé par l'absence de mise en place par KEst d'une organisation commerciale claire et pérenne, passe désormais ses commandes à la concurrence.
Votre absence prolongée et répétée, provoque par ailleurs chez les ressources internes mobilisées en votre absence un cumul de fatigue et de stress très Important, tout en ne permettant pas de pallier totalement les conséquences da votre absence.
Nous vous laissons imaginer le désarroi des collègues mobilisés en votre absence, et la situation préjudiciable dans laquelle votre absence a placé votre Direction. Celle-ci s'est trouvé dans l'incapacité, bien malgré elle, de répondre de manière satisfaisante à l'incompréhension et au mécontentement grandissant de vos collègues, et de leur apporter une solution pérenne.
La prolongation successive et de mois en mois de votre absence nous met en effet devant le fait accompli et ne nous permet pas de donner la visibilité, ni à nos clients, ni aux ressources internes mobilisées en votre absence, sur une solution durable et définitive Nous nous trouvons donc dans une situation qui nous oblige à pourvoir à votre remplacement définitif en Contrat à Durée Indéterminée.
Comme nous ne pouvons plus compter sur votre collaboration régulière et efficace, nous estimons indispensable d'assurer l'avenir en embauchant un nouveau Chargé d'Affaires Généraliste en CDI.
Les démarches en ce sens ont été lancées (parution d'une offre d'emploi APEC en date du 23 février 2017, première série d'entretiens le 02 Mars 2017), et cette embauche sera effective dès lors que le candidat retenu aura accepté notre proposition et pourra se rendre disponible pour une prise de fonction que nous souhaitons dans les plus brefs délais.
Les différents éléments d'explication que vous avez apportés au cours de notre entretien du 03 Mars 2017 ne nous ont pas permis ·de modifier notre appréciation de la situation.
En effet, vous avez même exprimé de forts doutes quant à votre reprise de travail, notamment lorsque vous avez déclaré que si vous deviez reprendre le travail, « ce serait très délicat », laissant perdurer la situation de désorganisation de l'entreprise.
Aussi, compte tenu de la désorganisation engendrée par vos absences répétées et de longue durée qui perturbent de façon importante et durable l'organisation de l'entreprise, ainsi que de la nécessité de vous remplacer de façon définitive, nous sommes au regret de devoir vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. [...] ».
Il résulte de la lettre de rupture que le dernier arrêt de travail s’achevait le 10 mars 2017, le salarié devant ainsi reprendre le travail à compter du 13 mars suivant.
M. R était assisté lors de l’entretien préalable par Mme Q qui a rédigé un compte rendu duquel il ressort que le salarié a affirmé “son souhait et sa motivation pour réintégrer l’équipe commerciale dès le 13 mars et ne souhaite pas être licencié”.
L’employeur sollicite le rejet de ce compte rendu sans pour autant reprendre cette demande dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n’en est pas saisie.
De plus, la société intimée reste taisante sur cet élément du compte rendu dont la fiabilité ne peut être remise en cause, M. R ayant bien été assisté lors de l’entretien préalable par Mme Q, dont la qualité et la mission telle que définies à l'article L1232-7 du code du travail ne sont pas utilement remises en cause, l’employeur ayant pu répondre contradictoirement à cette pièce dans le cadre de la procédure.
Il n’est pas contesté que l’arrêt de travail s’achevant le 10 mars 2017 n’a pas été renouvelé de sorte que le licenciement litigieux n’avait pas lieu d’être, M. R ayant émis le souhait de reprendre ses fonctions dès le 13 mars suivant.
Il se tenait ainsi à la disposition de l’employeur qui devait organiser la visite de reprise en application des dispositions des articles L 4624-2-3 et R 4624-31 du code du travail.
Il résulte en effet de l'article R 4624-31 du code du travail que dès qu'il a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, l'employeur doit saisir le SPST afin qu'il organise l'examen de reprise.
La Cour de cassation en déduit que l'employeur a l'obligation de prendre l'initiative d'organiser la visite de reprise en saisissant le médecin du travail, aussitôt que le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier de cet examen, en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé, sans pouvoir conditionner cette visite de reprise à un retour préalable du salarié dans l'entreprise sur son poste (Cass. soc., 3 juill. 2024, n° 23-13.784).
Il appartenait ainsi à la société K de prendre toute disposition à ce titre dès le 3 mars 2017, date à laquelle le salarié lui a indiqué qu’il comptait reprendre le travail le 13 mars 2017, et ce alors que la procédure de licenciement était engagée.
En effet, l’entretien préalable est destiné à recueillir les observations du salarié sur la mesure envisagée.
Il apparaît ainsi que l’employeur a procédé au licenciement de M. R le 9 mars 2017 alors que l’arrêt de travail s’achevait le 10 mars et que le salarié avait manifesté expressément son intention de reprendre le travail à l'issue de son arrêt maladie et se tenait ainsi à sa disposition pour qu'il y soit procédé.
La précipitation de l’employeur à procéder au licenciement de M. R la veille de la fin de son arrêt de travail démontre que la rupture du contrat de travail est liée à l’état de santé de ce dernier et doit en conséquence être déclaré nul en application de l'article L.1132-4 du code du travail.
Il est rappelé qu'en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, le salarié dont le licenciement est nul en raison d'une discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du même code, peut solliciter sa réintégration.
En outre, dès lors qu'il caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et le jugement constatant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période.
Dans la mesure où la salariée sollicite sa réintégration et qu'il n'est justifié d'aucune impossibilité de le faire, il convient d'ordonner la réintégration de M. R. au sein de la SAS K dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent, comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives d'évolution de carrière, et dans le même secteur géographique que l'emploi initial.
En effet, il faut que soit constatée la disparition de l'entreprise ou l'impossibilité absolue de réintégration (Cass. soc., 9 juill. 1986, n° 84-44.430 ; Cass. soc., 24 juin 1998, n° 95-44.757 ; Cass. soc., 20 juin 2006, n° 05-44.256).
La Cour de cassation exclut l’impossibilité absolue de réintégration lorsque le poste est occupé par un autre salarié (Cass. soc., 31 mai 1995, n° 93-46.189 ; Cass. soc., 2 févr. 2005, n° 02-45.085) ou lorsque le salarié est entré au service d'un autre employeur. Cela ne le prive pas de son droit à réintégration.
L'employeur ne peut pas se retrancher derrière cet argument pour soutenir que la réintégration est impossible (Cass. soc., 10 févr. 2021, no 19-20.397).
Le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de cette nullité, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.
La cour constate que M. R a attendu deux ans pour saisir le conseil de prud'hommes par requête du 6 mars 2019. Par la suite, le conseil de prud’hommes a radié l’affaire à l’audience de plaidoirie du 26 juin 2020, M. R étant non comparant et non représenté et le salarié n’a procédé à la réinscription que le 22 avril 2022.
Cette dernière date sera donc retenue comme point de départ de l'indemnité d'éviction, tenant les atermoiements procéduraux de M. R.
S'agissant de la détermination du salaire à prendre en considération, en application de l'article R. 1234-4 code du travail, la solution la plus favorable au salarié correspond à la moyenne des rémunérations des 12 derniers mois précédant le licenciement, soit un salaire mensuel de 5209,16 euros bruts (et non net comme soutenu à tort par l'appelant).
La cour, rappelant que le salarié qui obtient sa réintégration ne peut prétendre au paiement d'indemnités de rupture, ajoute qu'il sera déduit du montant de l'indemnité d'éviction la somme de 19.331,87 euros au titre de l'indemnité de licenciement, ainsi que l’indemnité compensatrice de préavis de 12.913,53 euros, soit un total de 32.245,40 euros.
L'indemnité s'élève du 22 avril 2022 au 13 mai 2025 (date du présent arrêt) à la somme de 159.104,41 euros »
Suites la Cour d’appel de Nîmes a :
« Ordonne la réintégration de M. R au sein de la SAS K, Condamne la SAS K à payer à M. R les sommes suivantes:
- 159.104,41 euros au titre de l'indemnité d'éviction, correspondant à la période courant du 22 avril 2022 13 mai 2025, sous déduction des indemnités de rupture versées au salarié, sur la base d'une rémunération mensuelle de 5209,16 euros bruts,
- 12.190,22 euros bruts à titre de solde dû sur la clause de non concurrence, congés payés compris
Ordonne la remise par l’employeur à M. R d’un bulletin de salaire récapitulant lesdites sommes dans un délai de 15 jours suivant la signification du présent arrêt, sans qu’il y ait lieu à astreinte,
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,
Ordonne la capitalisation des intérêts à compter de la présente décision, sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière,
Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut,
Condamne la SAS Kà payer à M. R la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS K dépens de première instance et d’appel »
Le salarié avait par ailleurs obtenu devant le bureau de conciliation la somme de 5.000 € bruts à titre de provision sur la clause de non concurrence
A ces sommes s’ajoutent la somme de 48.345,76 € d’intérêts légaux (au 13/05/2025, montant à parfaire après cette date jusqu’au complet paiement de l’employeur) sur les sommes à caractère salariales (indemnité d'éviction et clause de non concurrence)
[1] Cour d’appel de Nîmes 13 mai 2025 n° 23/03278
Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
Eric ROCHEBLAVE
PORTRAIT D'UN SPECIALISTE
Parcours, succès judiciaires, avis clients, revue de presse…
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/
Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier
Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier
DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique
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