CPAM et laboratoires d’analyses médicales : une notification d’indu imprécise peut être annulée

Les laboratoires d’analyses médicales sont régulièrement soumis à des contrôles de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), pouvant aboutir à la notification d’un indu. Mais encore faut-il que cette notification respecte les exigences légales de précision et de motivation. À défaut, elle peut être déclarée nulle.

L’article R. 133-9-1 du Code de la sécurité sociale encadre strictement les mentions obligatoires que doit comporter un courrier de notification d’indu : cause, nature, montant des sommes réclamées, date du ou des versements concernés. Lorsque la CPAM se contente de données agrégées ou anonymisées sans permettre au professionnel de santé d’identifier précisément les actes à l’origine de l’indu, elle méconnaît ses obligations.

Une décision récente du Tribunal judiciaire de Paris illustre parfaitement les conséquences de cette insuffisance de motivation. Un laboratoire, destinataire d’une notification d’indu de plus de 12 000 euros, a obtenu l’annulation de la créance au motif que les éléments transmis par la CPAM étaient trop imprécis pour permettre un débat contradictoire.




 

Une obligation de motivation claire et précise

L'article R 133-9-1[1] du code de la sécurité sociale prévoit que le courrier de notification adressé par le directeur de l'organisme d'assurance-maladie doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du versement indu donnant lieu à recouvrement.

Par conséquent les informations figurant dans la lettre de notification du paiement de l'indu doivent permettre à l'établissement contrôlé d'identifier précisément l'indu réclamé.

Les limites d’une présentation globale ou agrégée

Une présentation par tableaux simplifiés est admise à la condition de pouvoir renseigner suffisamment le destinataire de la notification de payer de manière précise et individualisée ce qui suppose en cas de mentions groupées ou anonymes de rendre possible l'identification des actes effectués.

Une jurisprudence claire : la Cour d’appel de Paris annule une notification imprécise

Le Tribunal judiciaire de Paris a jugé[2] :

« En l'espèce, il a déjà été relevé qu’il existe dans la notification du 28 juillet 2021 une différence entre la période de contrôle visée dans le corps de la notification d’indu et le tableau qui lui était joint.

Par ailleurs, le tableau, joint à la notification, présente des données agrégées sur l’ensemble de la période contrôlée sans aucun élément permettant d'identifier les patients, les heures de prélèvement et les résultats. Seuls apparaissent les nombres totaux de résultats des tests qui auraient été rendus en moins de 24 heures, entre 24 et 48 heures et au-delà de 48 heures mais sans aucun détail sur la date et l'heure des tests qui seraient concernés sur une période de trois mois, ce qui rend les vérifications impossibles s’agissant de 6 192 tests effectués sur la période concernée.

La caisse ne justifie pourtant aucunement d’une impossibilité quelconque de produire des données individualisées.

C'est donc à juste titre que le laboratoire soutient qu'à défaut d'informations suffisamment précises il se trouve dans l'impossibilité de comprendre et vérifier les demandes en paiement notifiées et de formuler contradictoirement les observations utiles.

En conséquence, il y a lieu d'annuler la notification de payer du 28 juillet 2021 et la créance numéro 211277694834 d'un montant de 12 388 euros. »

  

Une leçon pour les professionnels de santé

Cette décision rappelle aux laboratoires et professionnels de santé qu’ils peuvent contester une notification d’indu insuffisamment motivée.

En cas d’absence de données individualisées, il est possible de demander l’annulation de la créance.

Avocat des professionnels et établissements de santé

Face à une notification d’indu, une procédure de recouvrement ou un refus de remise de dette, les démarches à engager contre la CPAM peuvent être complexes et techniques.

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[1] L'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale dispose :

« I.-La notification de payer prévue à l'article L. 133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel, à l'établissement ou au distributeur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.

A défaut de paiement à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme de sécurité sociale compétent lui adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 133-4 par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l'existence du nouveau délai d'un mois imparti, à compter de sa réception, pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l'existence et le montant de la majoration de 10 % appliquée en l'absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours.

II.-La majoration de 10 % peut faire l'objet d'une remise par le directeur de l'organisme de sécurité sociale à la demande du débiteur en cas de bonne foi de celui-ci ou si son montant est inférieur à un des seuils, différents selon qu'il s'agit d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé ou d'un distributeur, fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

III.-Les dispositions des articles R. 133-3R. 133-5 à R. 133-7 sont applicables à la contrainte instituée par l'article L. 133-4. »

[2] Tribunal judiciaire de Paris - PS ctx protection soc 3 7 mai 2024 / n° 22/01440




Eric ROCHEBLAVE - Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

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Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
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