L’URSSAF ne peut requalifier en salariat une relation commerciale sans assignation en intervention forcée de la personne qu’elle considère en situation de subordination

L’article L.311-2 du code de la sécurité sociale dispose que « sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou de l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat. »

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à la convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité.

 




L’employeur est la personne pour le compte et sous l’autorité de laquelle le travail est effectué et qui en assume la rémunération.

L’élément déterminant du contrat de travail est l’existence d’un lien de subordination du travailleur à la personne qui l’emploie, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.

Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

De plus, il résulte des dispositions de l’article L. 8221-6 du code du travail que

« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 214-18 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.-L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’article L. 8221-5.

Le donneur d’ordre qui a fait l’objet d’une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d’emploi salarié a été établie. »

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution[1].

Ainsi, la prestation de service d’un travailleur indépendant qui est intégrée dans un service créé et organisé par une société, qui n’a pas de clientèle propre, qui ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions dans lesquelles il exerce sa prestation peut être requalifiée en salariat.

L’inspecteur du recouvrement a considéré que des personnes étaient dans un lien de subordination avec vous et a réintégré dans l’assiette des cotisations les sommes nettes non justifiées.

Ce chef de redressement a ainsi pour conséquence de remettre en cause la situation juridique de personnes, non identifiées précisément dans la lettre d’observations, considérées être en lien de subordination avec la cotisante, tenue pour ce motif nécessairement en qualité d’employeur au paiement des cotisations et contributions sociales afférentes aux sommes qu’elle leur a versées, analysées comme étant des salaires, alors que l’article 14 du code de procédure civile pose le principe que nulle personne ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

Pour la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’absence d’assignation en intervention forcée des personnes concernées par ce chef de redressement, fait obstacle à ce que le juge puisse apprécier leur situation contradictoirement à leur égard, comme de se prononcer sur la nature de leur lien avec le cotisant, c’est à dire sur l’existence du lien de subordination retenu par l’inspecteur du recouvrement et par suite de considérer que la réintégration dans l’assiette des cotisations et contributions au titre du régime général des sommes versées est justifiée[2].

Pour la Cour d’appel d’Angers, en premier lieu, il convient d’être extrêmement prudent dans la requalification en salariat d’une relation commerciale dans le seul intérêt de l’organisme de sécurité sociale, alors qu’aucune des deux parties à la relation commerciale ne formule de demande en ce sens et que des prestations de service peuvent être réalisées en toute légalité sous le statut d’auto entrepreneur. Surtout cette requalification permettrait à l’URSSAF de récupérer auprès d’un soi-disant employeur des cotisations de sécurité sociale qui n’ont pas été réglées par l’auto entrepreneur en fraude à ses propres obligations.

En deuxième lieu, ce n’est pas parce que les parties à la relation commerciale avaient antérieurement une relation de travail dans le cadre d’un salariat qu’il existerait une présomption de salariat, comme l’affirme l’URSSAF, au détriment de la présomption de non salariat qui résulte des dispositions précitées de l’article L. 8221-6 du code du travail[3].

Lorsque l’URSSAF ne démontre nullement l’existence d’un lien de subordination et d’un pouvoir de direction de A sur B, ni même l’absence de clientèle propre développée par ce dernier ainsi que l’absence de fixation libre de ses tarifs et de ses conditions de travail ; qu’il n’est pas plus établi que son activité s’inscrit entièrement dans une organisation créée et gérée par A. Donc la présomption de non salariat n’est pas renversée.

 

 

[1] Cass. Soc. 4 mars 2020, n°19-13.316

[2] Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Chambre 4-8b 29 mars 2024 / n° 21/12464

[3] Cour d’appel d’Angers – Chambre Sécurité sociale 28 mars 2024 / n° 22/00182

 




Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

 Eric ROCHEBLAVE
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Avocat Montpellier Eric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/

Lauréat de l’Ordre des Avocats
du Barreau de Montpellier

Lauréat de la Faculté
de Droit de Montpellier

DESS Droit et Pratiques des Relations de Travail
DEA Droit Privé Fondamental
DU d’Études Judiciaires
DU de Sciences Criminelles
DU d’Informatique Juridique

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