Certificats médicaux tendancieux ou de complaisances : employeurs, agissez !

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Votre salarié a obtenu d’un médecin un certificat médical, un arrêt de travail, un rapport mentionnant (exemples non exhaustifs) :

« situation de souffrance psychologique au travail »

« présente un syndrome anxiodépressif réactionnel à un stress au travail » et qu’elle « ne peut reprendre son poste »

« harcèlement moral au travail »

« dépression réactionnelle au travail »

« syndrome anxieux qui apparaissait lié à des conditions de travail difficiles dans une ambiance relationnelle mal supportée » nécessitant de le « soustraire sans délai à une situation professionnelle dangereuse pour lui »

« Il est certain que sa pathologie apparaît comme en lien direct avec son travail », « qu’il s’agit d’un « burn-out » massif qui semble être la conséquence directe de ses conditions de travail » 

Etc.

Employeurs agissez !

Maître Eric ROCHEBLAVE vous conseille et vous défend

Ces mentions peuvent, en effet, avoir des conséquences très graves pour votre entreprise (reconnaissance de harcèlement moral, accident du travail, maladie professionnelle, inaptitude, faute inexcusable, souffrance au travail… etc.).

Pour vous en défendre, vous disposez de la faculté de mettre en œuvre la procédure disciplinaire instituée par les articles L 4153-2 et suivants du Code de la santé publique

Dans le cadre de cette procédure, Maître Eric ROCHEBLAVE conseille et défend les employeurs pour déposer plainte contre les médecins qui délivrent aux salariés des certificats de complaisance ou tendancieux devant la Commission de conciliation auprès du Conseil Départemental de l’ordre des médecins, auprès de la Chambre disciplinaire de première instance, la Chambre disciplianire nationale…

Lors de l’audience de conciliation, la commission invite l’employeur à présenter ses griefs et le médecin à s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.

En l’absence de conciliation, l’affaire est renvoyée devant la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins.

La chambre disciplinaire peut condamner le médecin poursuivi à l’une des peines suivantes : avertissement, blâme, interdiction temporaire d’exercer et radiation du tableau de l’ordre.

Arrêt de travail de complaisance : un médecin disciplinairement sanctionné et condamné à verser 1.500 € à un employeur

Suite, les employeurs disposent de moyens pour écarter des certificats ou rapports orientés et empreints de subjectivité qui seraient produits par des salariés au soutien de leurs prétentions (reconnaissance de harcèlement moral, accident du travail, maladie professionnelle, inaptitude, faute inexcusable, souffrance au travail… etc.).

Aux termes de l’article L. 4112-7 du code de la santé publique :

«  (…) Le médecin, le praticien de l’art dentaire ou la sage-femme, prestataire de services, est tenu de respecter les règles professionnelles applicables en France et est soumis à la juridiction disciplinaire compétente (…) »

Aux termes de l’article L. 4127-1 du code de la santé publique :

« Un code de déontologie, propre à chacune des professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme, préparé par le conseil national de l’ordre intéressé, est édicté sous la forme d’un décret en Conseil d’Etat »

Aux termes de l’article R. 4127-1 du code de la santé publique :

« Les dispositions du présent code de déontologie s’imposent aux médecins inscrits au tableau de l’ordre, à tout médecin exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 4112-7 (…) »

Aux termes de l’article R. 4127-3 du code de la santé publique :

«  Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine »

Aux termes de l’article R. 4127-76 du code la santé publique :

« L’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires.

Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l’identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci. »

Aux termes de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique :

« La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite. »

Dans son commentaire sous l’article 28 (article R.4127-28 du code de la santé publique) du Code de déontologie, souligne  :

« La signature d’un médecin bénéficie par principe d’un grand crédit, et toute erreur ou compromission de sa part fait, notamment au corps médical entier, un tort considérable.

En cas de fraude ou de déclaration mensongère, les sanctions encourues devant les tribunaux sont sévères comme le prévoit l’article 441-7 du code pénal (voir note [1]).

Le médecin fautif est passible en outre de sanctions disciplinaires de la part des juridictions ordinales.

Il faut souligner plusieurs points :

Le médecin ne doit certifier que ce qu’il a lui-même constaté. Ont été sanctionnés des médecins dont les certificats avaient été rédigés sans examen du patient.

Si le certificat rapporte les dires de l’intéressé ou d’un tiers, le médecin doit s’exprimer sur le mode conditionnel et avec la plus grande circonspection ; le rôle du médecin est en effet d’établir des constatations médicales, non de recueillir des attestations ou des témoignages et moins encore de les reprendre à son compte.

Un certificat médical ne doit pas comporter d’omission volontaire dénaturant les faits. Cela suppose un examen et un interrogatoire préalables soigneux.

Il y a des demandes de certificat que le médecin doit rejeter. S’il est tenu de délivrer à son patient un certificat des constatations médicales qu’il est en mesure de faire, il reste libre du contenu du certificat et de son libellé qui engagent sa responsabilité.

([1]) Article 441-7 du code pénal : « Indépendamment des cas prévus au présent chapitre, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, le fait :

1°) d’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ;
2°) de falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ;
3°) de faire usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié.

Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d’autrui. »

 

Le site de l’Ordre des médecins souligne :

« Effectuer la prescription uniquement après examen du patient et la dater du jour de cet examen.

Ne pas établir d’avis d’arrêt de travail faisant état de faits matériellement inexacts sous peine de s’exposer à des sanctions pénales. »

L’article R. 4126-1 du Code de la santé publique dispose :

« L’action disciplinaire contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme ne peut être introduite devant la chambre disciplinaire de première instance que par l’une des personnes ou autorités suivantes :

1° Le conseil national ou le conseil départemental de l’ordre au tableau duquel le praticien poursuivi est inscrit à la date de la saisine de la juridiction, agissant de leur propre initiative ou à la suite de plaintes, formées notamment par les patients, les organismes locaux d’assurance maladie obligatoires, les médecins-conseils chefs ou responsables du service du contrôle médical placé auprès d’une caisse ou d’un organisme de sécurité sociale, les associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité, qu’ils transmettent, le cas échéant en s’y associant, dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 4123-2 ;

2° Le ministre chargé de la santé, le préfet de département dans le ressort duquel le praticien intéressé est inscrit au tableau, le directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort de laquelle le praticien intéressé est inscrit au tableau, le procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le praticien est inscrit au tableau ;

3° Un syndicat ou une association de praticiens.

Les plaintes sont signées par leur auteur et, dans le cas d’une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir. Dans ce dernier cas, la plainte est accompagnée, à peine d’irrecevabilité, de la délibération de l’organe statutairement compétent pour autoriser la poursuite ou, pour le conseil départemental ou national, de la délibération signée par le président et comportant l’avis motivé du conseil.

Lorsque la plainte est dirigée contre un étudiant non inscrit au tableau à la date de la saisine, le conseil départemental ayant qualité pour saisir la chambre disciplinaire est le conseil au tableau auquel est inscrit le praticien auprès duquel a été effectué le remplacement ou l’assistanat.

Les plaintes sont déposées ou adressées au greffe. »

Ces dispositions confèrent à toute personne, lésée de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d’un médecin à ses obligations déontologiques, la faculté d’introduire, par une plainte portée devant le conseil départemental de l’ordre et transmise par celui-ci au juge disciplinaire, une action disciplinaire à l’encontre de ce médecin, en cas d’échec de la conciliation organisée conformément aux dispositions de l’article L. 4123-2 du même code.

Ces dispositions permettent ainsi à un employeur, dès lors qu’il est lésé de manière suffisamment directe et certaine par un certificat ou une attestation établie par un médecin, d’introduire une plainte disciplinaire à l’encontre de ce médecin.

Cette faculté n’a pas pour effet d’imposer au médecin poursuivi de méconnaître le secret médical pour assurer sa défense ou de limiter son droit à se défendre.

Les dispositions citées ci-dessus de l’article R. 4126-1 du code de la santé publique ne méconnaissent pas les dispositions de l’article L. 1110-4 du même code relatif à la protection du secret médical et ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatives au droit à un procès équitable.

Les mentions, dans un certificat médical produit par un salarié devant le juge prud’homal dans le cadre d’un litige l’opposant à son employeur, lèsent cet employeur de manière suffisamment directe et certaine pour que sa plainte dirigée contre le médecin auteur de ce certificat soit recevable.

En ce sens (notamment) :

Conseil d’État, 10 février 2016,n° 384299
Conseil d’État, 11 oct. 2017, n° 403576
Conseil d’État, 6 Juin 2018 – n° 405453

En mentionnant (par exemple) « situation de souffrance psychologique au travail », le médecin ne se borne pas à faire état de ses constatations médicales mais affirme des faits dont il n’a pas été le témoin en mettant en cause des tiers facilement identifiables.

Par une telle rédaction, le médecin fait état de faits qu’il n’a pas pu constater. fait état d’un lien entre des constatations médicales et l’origine de celles-ci que ce dernier n’a pu constater.

Ces mentions ne sont pas conformes aux dispositions du code de la santé publique et règles déontologiques.

Un médecin ne peut pas établir de lien formel entre l’état clinique constaté d’un salarié et son travail car il n’a jamais été physiquement présent sur le site professionnel de celui-ci lors des faits rapportés par le salarié.

Le médecin peut éventuellement certifier « une situation de souffrance physique ».

Mais, le médecin ne peut sérieusement pas imputer celle-ci au « travail » sur les seuls dires du salarié.

Pour pouvoir certifier un tel lien, le médecin doit rapporter la preuve matériellement vérifiable qu’il a été le témoin direct de faits imputables à l’employeur.

Le médecin qui délivre un certificat à son patient, en rapportant les griefs formulés par le patient à l’encontre d’un tiers et comportant des énonciations qui ne correspondent pas à des constatations que le médecin aurait lui-même pu faire, révèle une méconnaissance de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique selon lequel « la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite »

Il est jugé que dans de telles circonstances, une sanction disciplinaire à l’encontre du médecin est justifiée.

Un médecin doit veiller, lorsqu’il établit un certificat médical, à ne faire état que des constatations médicales qu’il a été en mesure d’effectuer et à ne pas s’approprier les dires de son patient qu’il ne serait pas à même de vérifier.

Chambre disciplinaire nationale du 18/02/2019 n° 13420

Si le praticien était en droit de rapporter les dires de l’intéressé et de faire état des symptômes qu’il constatait chez lui, il ne pouvait se les approprier dès lors qu’il n’avait pas été en mesure d’en vérifier la véracité, ni de se prononcer sur la situation de travail du salarié, ni d’affirmer l’existence d’un lien de causalité entre ces troubles et les conditions de travail et il ne pouvait pas non plus suggérer au médecin du travail, destinataire du courrier, de déclarer l’intéressé inapte à tout poste dans l’entreprise.

Chambre disciplinaire nationale du 07/02/2019 n° 13533

La mention « harcèlement moral au travail » qui ne correspond pas à une constatation médicale que le médecin aurait été en mesure de faire constitue un manquement aux dispositions de l’article R.4127-28 du code de la santé publique.

Chambre disciplinaire nationale du 5/09/2018 n° 13320

Le praticien doit se borner à transcrire des constats qu’il a pu faire lors de la consultation concernant l’état de santé de la patiente.

Le praticien qui reprend à son compte les dires du salarié méconnait les dispositions de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique et doit être disciplinairement sanctionné.

En ce sens :

Interdiction d’exercer la médecine pendant un mois avec un sursis de trois semaines
Conseil d’Etat, Sous-sections 4 et 5 réunies, 15 Décembre 2010 – n° 330108

Interdiction d’exercer la médecine pendant huit jours avec sursis
Conseil d’Etat, Sous-section 4, 14 Avril 2010 – n° 319947

Interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois
Conseil d’Etat, Sous-sections 4 et 5 réunies, 15 Juillet 2004 – n° 258469

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Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit du Travail
et Droit de la Sécurité Sociale
Barreau de Montpellier
https://www.rocheblave.com/